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La Lazio face au tabou derby
Ce soir, et comme deux fois chaque année, Rome sonne le couvre-feu. L’espace de 90 minutes, les familles se déchirent, les restaurants se vident, l’ambiance est électrique. Place au derby.
Ils se sont quittés sur un pénalty. Un pénalty de Francesco Totti, tiré en force. Puis une course effrénée sous la Curva Sud. De Rossi qui indique aux tifosi le chiffre « cinq » , comme le nombre de derbys consécutifs remportés par la Roma. L’ivresse. C’était en mars dernier, dernières retrouvailles entre les deux ennemies les plus célèbres d’Italie, la Roma et la Lazio. A Rome, tout le monde est d’accord avec ça : le derby est un match à part. Il n’est plus question de classement, de bonne dynamique, de joueurs en forme. Comme si le temps s’arrêtait l’espace d’un match. La preuve par trois. 1. L’an dernier, la Roma remporte les deux derbys (trois, même, avec celui en Coupe d’Italie), 2-0 à l’aller, 2-0 au retour. Pourtant, la Lazio termine devant au classement. 2. En 2007-08, une Roma lancée vers le Scudetto trouve face à elle une Lazio qui n’est pas loin de lutter pour la relégation. La Lazio s’impose au buzzer, 3-2. En 1998-99, la Lazio est sur une série de 17 matches sans défaite et caracole en tête. La Roma, alors 6ème, gagne 3-1. La Lazio perd le Scudetto pour un point. A l’encontre de la logique, presque toujours à contre-courant : voilà pourquoi le derby de Rome demeure, au fil des années, toujours aussi passionnant. Et vu les nouveaux invités, il ne risque pas de perdre de sa fascination.
Un derby sans Totti
Cissé. Bojan. Klose. Osvaldo. Pjanic. Hernanes, Heinze. Certes, ce derby romain n’a plus grand chose de romain. Hormis quelques irréductibles, comme Totti, De Rossi, Rosi ou Greco, la plupart de ses protagonistes ne vivent plus la rivalité comme les tifosi des deux équipes peuvent la ressentir. Et le sort semble s’acharner sur la fameuse « romanità » . Francesco Totti, symbole par excellence de ce que la ville de Rome peut offrir de meilleur, n’en sera pas. Touché à la cuisse lors du dernier match de championnat, le capitaine de la Louve observera le derby des tribunes, en véritable ultrà. Une perte pour la Roma, une « véritable gifle » comme l’indique De Rossi, mais aussi et surtout, une perte pour le spectacle. Car un derby sans Totti, que l’on soit laziale ou romanista, c’est un peu comme un plat de spaghetti carbonara sans parmesan. C’est bon. Mais il manque quelque chose. Mais le Capitano sait trouver les mots justes et attiser le derby même en étant absent. « Qui est favori ? La Lazio, bien sûr, comme l’an dernier, comme toujours » assure-t-il en conférence de presse, sourire aux lèvres. Réponse de Tommaso Rocchi : « Totti ? Aujourd’hui, c’est plus un acteur comique qu’un joueur. Alors, s’il fait des blagues, ça passe » . Ambiance.
Si Totti en rit, du côté de Trigoria, certains vivent le derby avec une certaine pression. C’est le cas de Luis Enrique. De fait, le coach espagnol le sait : pour être définitivement adopté par les tifosi giallorossi, il faut passer avec brio l’épreuve derby. Or, après un début de saison calamiteux, culminé par l’élimination au tour préliminaire de l’Europa League, la Roma est en train de trouver son rythme de croisière. Deux victoires consécutives, contre Parme (1-0) et l’Atalanta (3-1), et voilà enfin l’ancien technicien du Barça B conforté dans ses choix. Des choix parfois douloureux (faire reculer Totti, Borriello sur le banc, Juan écarté) et parfois à l’encontre de ce que réclamaient les tifosi. Mais des choix assumés, presque jusqu’à l’entêtement. Déjà un bon point. A présent, il faut confirmer sur le long terme. La Roma a 8 points, tout comme la Lazio, et dans ce championnat un peu étrange où les équipes milanaises sont à la peine, il ne suffirait que de quelques victoires pour se lancer en tête. Et se prendre à rêver.
Klose-Cissé contre les tabous
Dans le camp biancoceleste, l’heure est en revanche à l’union sacrée. Il y a des tabous à rompre. Car les chiffres sont sans équivoque, aussi bien pour le club que pour son entraîneur, Edy Reja. D’une, la Lazio n’a plus gagné le derby depuis le 11 avril 2009. Une victoire 4-2, puis cinq défaites consécutives. Et le mal est profond : les Laziali ne se sont imposés que quatre fois lors des vingt-cinq dernières stracittadine. De deux, Edy Reja n’a jamais battu la Roma dans sa carrière. En cumulant ses expériences à la Lazio, Vicenza et Naples, le technicien vante (ou pas) un bilan de 8 défaites et 2 nuls. Voilà de quoi motiver les joueurs, et surtout la nouvelle paire d’attaquants : Djibril Cissé et Miroslav Klose. C’est d’ailleurs presque pour ce genre de matches que les deux canonniers ont été recrutés cet été. Leur expérience va devoir servir à transcender le reste de l’équipe, et à briser, enfin, le tabou-derby. Klose, légèrement touché au genou, a préféré rater les deux matches de l’équipe d’Allemagne pour être au top pour le derby. C’est dire à quel point ce rendez-vous compte.
Enfin, le dernier tabou, c’est le stadio Olimpico. A l’heure où la plupart des équipes collectionnent les bons points à la maison, devant ses supporters, la Lazio, elle, construit sa fortune loin de Rome. 87,5%. C’est, en pourcentage, le nombre de points pris par la Lazio loin de ses bases. Sept points sur huit glanés sur terrain hostile, dont une victoire à Florence et un match nul à San Siro : ces statistiques flatteuses sont en réalité inquiétantes, sachant que le derby est le seul match que l’on ne peut pas disputer à l’extérieur. Alors, les joueurs comptent bien remettre de l’ordre dans tout ça. Mauri, le capitaine, signe son retour après un mois d’absence, tout comme le défenseur central Biava, blessé contre le Genoa à la mi-septembre. Une équipe au grand complet, donc, et prête à laver les affronts des deux dernières saisons. Même si, face à la Roma, un pénalty malheureux se cache toujours à l’angle d’une ruelle.
Eric Maggiori