- AS Roma/Lazio (2-0)
La Lazio et les grands rendez-vous manqués
La Lazio est en crise. Les Biancocelesti ont perdu le derby, et passent à nouveau à côté d'un grand rendez-vous. Stefano Pioli est sur le banc des accusés, mais il est loin d'être le seul.
Il y a plusieurs façons de perdre un derby. On peut perdre 1-0 après avoir eu une myriade d’occasions. On peut tout simplement prendre une rouste. On peut aussi se battre comme des lions et s’incliner sur le fil 3-2. Et puis, il y a la pire des défaites. Celle où l’on a l’impression que son équipe ne s’est pas battue. C’est le sentiment qu’ont tous les supporters de la Lazio au lendemain de ce derby romain. Une défaite 2-0 insipide, qui laisse une sensation de frustration énorme. Et le pire, c’est que ce sentiment est presque devenu une constante depuis l’arrivée sur le banc de Stefano Pioli.
Le coach, qui était parvenu à hisser la Lazio à la troisième place du classement l’année dernière, passe constamment à côté des grands rendez-vous. Les derbys ? Deux défaites, un nul. Les matchs contre la Juventus ? Quatre défaites en quatre matchs toutes compétitions confondues. La finale de la Coupe d’Italie ? Perdue. La Supercoupe ? Perdue aussi. Le barrage de Ligue des champions face à Leverkusen ? Défaite 3-0. Le seul grand rendez-vous gagné, c’était face à Naples, lors de la « finale » pour l’accès aux barrages de la C1. Un match qui aurait d’ailleurs pu se terminer bien différemment si Higuaín, après avoir permis à son équipe de revenir de 0-2 à 2-2, n’avait pas expédié son penalty dans les nuages à un quart d’heure du terme.
Le double poteau de Djordjevic
Difficile de trouver une explication. La Lazio de Pioli a peur des grands rendez-vous. C’est un fait. L’an dernier, malgré un parcours honorable en Coupe et une magnifique troisième place en championnat, les Biancocelesti ont perdu en championnat contre Milan (3-1), Naples (0-1), la Juve (0-3, 2-0), l’Inter (1-2) et la Roma (1-2). Les seules victoires sont arrivées face à un petit Milan AC au retour (3-1), face à la Fiorentina (0-2, 4-0) et donc, contre Naples (2-4) dans les circonstances déjà citées. Mais lorsqu’il a fallu hausser le ton, faire le match référence pour vraiment prendre son envol, la Lazio a failli.
On repense évidemment à la défaite 2-1 contre l’Inter à quelques journées de la fin, alors que la deuxième place leur tendait les bras en cas de succès. Ou à l’échec lors du derby à l’avant-dernière journée. Ou encore au revers en finale de Coupe d’Italie contre la Juventus, pendant la prolongation. À chaque fois, pour le coup, cela ne s’était pas joué à grand-chose. Un arbitrage très douteux face à l’Inter, un coup de casque de Yanga-Mbiwa lors du derby, un double poteau de Djordjevic contre la Juve. Des défaites avec des circonstances atténuantes, parfois imméritées même. Mais des défaites quand même.
Grand contre les petits, petit contre les grands
Mais depuis août 2015, difficile de trouver des circonstances atténuantes. À chaque grand rendez-vous, Pioli et ses joueurs se trouent. Et pas qu’un peu. 2-0 contre la Juventus en Supercoupe. 3-0 contre Leverkusen. 5-0 contre Naples. 3-1 face au Milan AC. 2-0 contre la Roma. Et à chaque fois, la même sensation : le sentiment d’une certaine impuissance, d’une équipe qui se liquéfie, de joueurs qui ne mettent pas leurs couilles sur la pelouse, d’un entraîneur en confusion tactique. On a connu des Lazio bien plus faibles sur le papier que celle de cette saison. Des Lazio qui galéraient dans le bas de tableau. Les Lazio de Papadopoulo ou de Delio Rossi, par exemple. Pourtant, lors des derbys, ces Lazio réussissaient parfois à se transcender, à oublier leur faiblesse, et à battre une Roma pourtant largement au-dessus grâce uniquement à leur grinta. Chose dont la Lazio de Pioli est incapable.
Au contraire, on voit là une équipe capable à tout moment de s’effondrer. Comme l’an passé, lors des matchs allers de championnat face à l’Inter ou la Roma. Deux rencontres où l’équipe de Pioli a mené 2-0 en surclassant son adversaire du jour, avant de s’écrouler inexplicablement et de se faire rattraper à 2-2. Cette année, c’est pire. La Lazio n’a jamais réussi à mener au score lors d’un « grand rendez-vous » , et n’est jamais parvenue à revenir au score lorsqu’elle a été menée. Autre statistique inquiétante, ses six victoires en championnat ont été obtenues contre le 11e, le 15e, le 16e, le 17e, le 18e et le 19e de Serie A. Grand contre les petits, petit contre les grands.
Des choix contestés
Forcément, tout cela a tendance à en agacer plus d’un. Beaucoup de supporters, à Rome, commencent à douter des capacités de l’ancien entraîneur de Bologne. Son équipe semble manquer de gnaque, de caractère, à l’image de joueurs comme Candreva qui donnent trop peu par rapport à ce qu’ils pourraient apporter. Et cette gnaque, Pioli ne réussit pas à leur inculquer, à leur transmettre. On dit souvent qu’une équipe menée au score à la pause se prend une soufflante dans les vestiaires et revient en seconde période avec le couteau entre les dents. Coucou Sir Alex. La Lazio de Pioli, elle, semble toujours linéaire, plate, sans aucun sentiment de révolte. Pire, elle a encaissé 64% de ses buts en seconde période toutes compétitions confondues.
On reproche aussi à Pioli de ne pas faire jouer les joueurs les plus en forme, mais de privilégier les « gros noms » . Pour le derby de ce dimanche, par exemple, Marco Parolo, blessé depuis près d’un mois, a été titularisé et est resté 90 minutes sur la pelouse sans toucher une bille. Idem pour Candreva, incroyablement préféré à un Baldé Keita beaucoup plus affûté. La trêve s’annonce donc mouvementée pour la Lazio. Stefano Pioli n’est a priori pas menacé, et, surtout, il est loin, très loin d’être le seul coupable de cette crise. Si la Lazio vit un tel début de saison, c’est aussi, et surtout, à cause de dirigeants incapables depuis des années et des années de renforcer l’équipe lorsque celle-ci atteint des objectifs importants. Mais ça, c’est encore un autre débat, bien plus profond et compliqué. En attendant, c’est à Pioli de prendre ces problèmes à bras-le-corps. À commencer par celui de l’état d’esprit général. Le chantier principal d’un coach qui n’a pas encore épuisé tous ses crédits, mais qui n’a déjà plus le temps de tergiverser.
Par Éric Maggiori