- Serie A
- J25
- Torino-Juventus
La Juventus ou l’évolution d’une marque
Avec la sortie récente de sa série Netflix, la Juventus a fait un pas de plus dans son évolution en tant que marque. Ce projet, le club le mène depuis la construction du nouveau stade, en 2011, et continue encore aujourd’hui d’atteindre plusieurs horizons, en parallèle de sa réussite sportive qui lui facilite grandement la tâche.
Au moins un trophée par an, des recettes chaque année en hausse et un statut de marque qui va toujours plus au-delà du sportif. Telle est la Juventus moderne. Plus précisément, c’est avec l’inauguration du stade en 2011 que les dirigeants ont entamé un plan de reconquête de l’Italie et du reste du monde. Sportivement, les victoires au niveau national n’ont pas pris beaucoup de temps pour arriver. Quant au niveau européen, les Bianconeri peuvent se vanter d’être allés deux fois en finale de Ligue des champions en trois ans, même si la coupe aux grandes oreilles leur est à chaque fois passée sous le nez. À part pour l’exercice actuel lors duquel ils doivent batailler avec le Napoli pour la première place, les Turinois n’ont, les années précédentes, pas vraiment eu de concurrence. C’est ce qui a facilité le plan d’évolution au niveau économique mené en parallèle.
Vendredi est sortie la série Netflix dédiée à la Vecchia Signora : Club de légende : Juventus. C’est un nouveau coup de comm’, mais qui n’a, cette fois, pas été prévu par le staff, puisque c’est une équipe du site de streaming qui a proposé ce projet. Évidemment, en pleine expansion de son image, la Juventus a accepté et se réjouit grandement de cette opportunité. « La valeur que nous voyons est celle d’être exposés sur une plateforme de plus de 110 millions d’abonnés partout dans le monde » , expliquait à euronews.com Federico Palomba, co-chief revenue officer de la Juventus et responsable marketing et digital. Un des principaux objectifs de cette extraordinaire opportunité est de grandir au niveau international et d’atteindre de nouveaux passionnés de la Juventus. » Agrandir son réseau de supporters afin de vendre toujours plus de produits dérivés. Même si la volonté d’ouvrir les portes à des initiés pour leur faire partager l’amour du club, la joie de suivre ce calcio, fait sans aucun doute partie des objectifs des dirigeants, la Juventus s’impose de plus en plus comme une marque pour atteindre des consommateurs.
La Vecchia Signora, c’est plus fort que toi !
L’évolution du club en tant que marque s’est faite en plusieurs étapes. D’abord la construction du Juventus Stadium, en 2011, renommé Allianz Stadium en juillet dernier ; le changement d’équipementier, de Nike à Adidas, officialisé en 2013, passant d’environ 15 millions d’euros à 30 millions de revenus de sponsoring par an ; l’association avec IMG en 2016 ; et la création du nouvel écusson en 2017. L’association avec IMG rejoint d’ailleurs parfaitement la volonté d’expansion autour du monde, puisqu’il s’agit d’un groupe de management, entre autres dans le domaine du sport, qui a permis à la Juventus de s’exporter en Asie, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Il y a quelques mois, le club a même annoncé que de nombreux nouveaux produits dérivés bianconeri seraient spécialement commercialisés pour le Japon, la Chine et l’Australie. Cela va de la ligne de vêtements aux cartes à jouer, en passant par tout un tas de gadgets imprimés du fameux « J » .
Car, oui, ce nouvel écusson qu’on pourrait même qualifier de logo, vu son design moderne et bien éloigné des standards classiques du football, est un facteur majeur dans le développement du club au niveau économique. Sa simplicité visuelle passe beaucoup mieux sur les nombreux supports que la Juventus exploite et est on ne peut plus raccord avec sa stratégie. Aujourd’hui, cette seule lettre se retrouve jusque dans Spotify, où il est possible d’écouter les playlists de Marchisio et Dybala, les sons qui passent au stade, mais aussi les sets des DJ’s Giorgio Moroder et Jax Jones, qui sont passés mettre l’ambiance à l’Allianz Stadium. Les exemples sont nombreux pour montrer à quel point la Juventus s’investit dans de multiples domaines. S’il en fallait un dernier, le club a lancé il y a quelques mois son application VR permettant à tout possesseur d’un casque de réalité virtuelle de visiter le stade, le centre d’entraînement, mais aussi le centre médical.
Une recette maison
L’Inter et l’AC Milan sont aux mains des Chinois, l’AS Roma a un propriétaire américain, mais la Juventus reste 100% italienne. Pour beaucoup, notamment en France, la question de l’origine de la propriété du club n’a pas grande importance, mais la question est plus délicate pour les Italiens qui tiennent fortement à garder des dirigeants de la Botte. Si ça passe mieux pour l’Inter, vu son identité internationale, des supporters de l’AC Milan n’ont pu s’empêcher de se détourner définitivement, non sans rancœur, de l’institution. Comme si la vente de Berlusconi mettait fin à une identité historique déjà en voie de disparition au cours des dernières années. Là où les Nerazzurri ont engagé des professionnels du marketing venant de prestigieuses entreprises américaines comme Apple, les Bianconeri, eux, ont continué avec le même staff qu’il y a presque vingt ans, à quelques exceptions près. Le tout avec une rigueur et le respect de la répartition des tâches qui font partie intégrante de l’identité de la Vecchia signora.
Le seul petit nouveau de l’équipe marketing est Silvio Vigato, débarqué en 2014, venant de domaines divers, mais toujours à un poste en cellule marketing, et actuellement co-chief revenue officer, s’occupant notamment de tout ce qui est image de marque. Si la Juventus en est là aujourd’hui, niveau visibilité dans le monde entier, c’est surtout grâce à lui et ses idées qui vont bien au-delà du Piémont : « Nous avons organisé un événement à Brooklyn avec « Boiler Room », une sorte de MTV underground, avec cinq DJ’s portant le nouveau maillot avec le nouveau logo, déclarait-il à Tuttosport l’été passé. Ils nous ont dit que nous étions cool, que nous étions branchés, et nous avons compris que nous les avions accrochés. Bien qu’ils ne connaissaient pas la Juventus et n’étaient pas des fans… » Justement, maintenant, tout ce qui touche au club est affublé d’un « J » en guise de préfixe : la « J-Academy » pour le centre de formation, la « J-Medical » pour le centre médical, et même un « J-Village » encore en construction avec un « J-Hotel » et une école internationale, mais qui vient d’inaugurer son quartier général. La Juventus a beau ne pas avoir que des sympathisants, il est indéniable que sa gestion, aussi bien sportive qu’économique, demeure un modèle sur lequel les autres clubs italiens devraient prendre exemple. Les Bianconeri sont encore loin des revenus qu’enregistrent les mastodontes du foot européen que sont le Real, Barcelone et Manchester United, mais, comme on dit de l’autre côté des Alpes : « Chi va piano, va sano e va lontano. »
Par Giuliano Depasquale