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La Juventus a encore la chair de poule
Depuis 2012 et ses participations successives en Ligue des champions, la Juve n'a quasiment jamais été souveraine en phase de poules, à coups de contre-performances contre des formations moins huppées. Une victoire contre Séville ce mardi permettrait peut-être de la guérir enfin d'un mal qui commence à lui pourrir sérieusement la vie en C1.
Mercredi 2 novembre 2016. Les tifosi pestent dans les travées du Juventus Stadium. Lyon vient d’égaliser face à la Vieille Dame, qui se retrouve condamnée à battre Séville en Espagne au prochain match, pour conserver de bonnes chances de finir première de son groupe de Ligue des champions. Pas une mince affaire. Car si elle est toujours impériale en Italie, les prestations de la Juve sont encore mitigées à l’échelon continental. Ce match nul face à l’OL en est une nouvelle illustration : le niveau de jeu affiché par Allegri et ses hommes lors de cette campagne européenne est encore loin des ambitions assumées du club turinois. Et confirme les difficultés de la Juve ces dernières années, quand il s’agit de se confronter à l’exercice délicat des phases de groupes.
La Vieille Dame a les chocottes
Son histoire récente en C1 le montre : en phase de poules, la Juve est pétocharde. Anxieuse. Minimaliste. À l’exception de la saison 2012-2013 durant laquelle les Bianconeri survolent leur groupe, les Turinois rament pour arriver en huitièmes de finale. En 2013-2014, la Vieille Dame échoue ainsi à la troisième place de son groupe derrière Galatasaray. Une campagne qualificative où elle livre deux prestations confuses face aux Stambouliotes, symbolisées par une friabilité mentale qui lui vaut d’encaisser un but d’Umut Bulut à la 88e minute, synonyme de match nul au Juventus Stadium. Avant de s’incliner en Turquie sur une frappe croisée de Sneijder, à cinq minutes du terme. Même lors de l’exercice 2014-2015, où ils parviennent pourtant à atteindre la finale de l’épreuve, les Bianconeri arrachent de justesse la deuxième place de leur groupe, devançant d’un petit point l’Olympiakos, contre lequel ils s’étaient inclinés en Grèce (1-0). Pour se qualifier, la Juve doit se sortir les tripes au Juventus Stadium, l’emportant 3-2, après avoir accusé un but de retard à l’heure de jeu.
Scénario différent la saison dernière, mais porteur de symptômes finalement semblables. La Vieille Dame se croit longtemps guérie du mal qui la ronge, avec sept points récoltés en trois matchs de groupe. Puis retombe dans ses travers en étant incapable de l’emporter face au Borussia Mönchengladbach et en s’inclinant 1-0 face à Séville. Deux contre-performances qui la condamnent à la deuxième place de son groupe et à un huitième de finale difficile, où elle se fait sortir par le Bayern Munich de Pep Guardiola au terme d’une double confrontation épique.
Mental friable
Alors que, cette année encore, la Vieille Dame n’a pas montré un visage réellement conquérant et dominateur en C1, les éléments pouvant expliquer ses difficultés en phase de groupes n’ont pas manqué d’être pointées du doigt de l’autre côté des Alpes. Le problème, à première vue, est d’abord d’ordre mental. Archi dominatrice en Serie A, la Juve est aussi souvent le seul représentant italien à porter les espoirs de la Botte au niveau continental. Où elle attend un titre depuis 1996 avec, depuis, quatre finales perdues (1997, 1998, 2003, 2015). Un ensemble massif d’ambitions et de rêves qui pèse sans doute bien lourd sur les épaules des joueurs. Les acteurs et observateurs du football italien le disent : si la Vieille Dame est parfois tétanisée au moment de jouer des adversaires de la trempe de Galatasaray et de l’Olympiakos, c’est bien parce que ses joueurs sont confrontés à une pression phénoménale quand retentit la musique de la Ligue des champions.
« On a l’impression que chaque match est un véritable drame, tout prend des proportions énormes » , analysait ainsi l’ex-entraîneur laziale Delio Rossi en octobre 2014. « Si vous gagnez, vous êtes le plus fort. Vous perdez ? C’est une catastrophe. Ce niveau de stress mental a un effet sur le physique des joueurs. À l’étranger, la pression médiatique n’est pas aussi forte. Liverpool allait très bien la saison dernière (en 2013-2014, ndlr), cette année ça va mal, mais personne ne pense pour autant à virer le coach. » Un constat partagé par le désormais ex-Bianconero Carlos Tévez qui expliquait en 2014 que la Juve devait « absolument trouver un moyen de se défaire de la pression liée à une victoire potentielle en Ligue des champions. Dans le cas contraire, ce sera juste impossible de la gagner. » Plus récemment, c’est Daniel Alves, après le 0-0 de la Juve face à Séville mi-septembre, qui évoquait plus allusivement la fragilité psychologique de la Vieille Dame en C1 : « Nous avons bien joué et nous sommes créés plusieurs occasions… Mais dans cette compétition, vous devez être forts psychologiquement et savoir exploiter toutes les opportunités qui s’offrent à vous. »
Gagne-petit
Mais si la Juve peine autant à dominer son sujet en phase de groupes de C1, c’est aussi probablement en raison de son manque d’ambition dans le jeu lors des luttes continentales. Sa double confrontation face à Lyon en est symptomatique. Contres les Gones, soit une formation qui leur est nettement inférieure sur le papier, les hommes d’Allegri ont dominé balle au pied, sans pour autant s’avérer capables de priver les Lyonnais du cuir (56% et 52% de possession de balle lors des deux matchs). Ces derniers ont même été légèrement plus entreprenants que les Juventini, tentant 25 tirs contre 24 pour les Turinois.
Surtout, le contenu délivré par la Juve lors de sa confrontation avec les Lyonnais au Juventus Stadium le 2 novembre dernier dessine le profil d’une équipe dont la hantise de la défaite la conduit parfois à gérer son avantage plutôt qu’à tenter de le creuser : la Juve, qui mène 1-0 dès la treizième minute de jeu, recule ainsi progressivement en seconde période, laissant peu à peu l’initiative du jeu aux Lyonnais. De quoi permettre à Tolisso d’égaliser logiquement à la 84e minute. Un fonds de jeu qui manque d’ambition et d’initiative offensive, contre lequel un certain Arrigo Sacchi avait pourtant mis en garde la Vieille Dame en mars dernier : « Allegri est bon tactiquement, il sait s’adapter, mais il ne pense qu’à gagner. Au niveau du club en lui-même, la Juve a dix ans d’avance, mais elle ne conjugue pas les trois verbes comme on faisait au temps du Grand Milan, qui sont : gagner, convaincre et divertir. Elle n’en conjugue à peine qu’un, gagner. Ça peut suffire en Italie, car même Rosenborg gagne toujours le championnat en Norvège, mais pas en Ligue des champions. » Pour que l’Europe ne lui donne plus la chair de poule, la Vieille Dame serait ainsi bien inspirée de suivre enfin les conseils du Mage de Fusignano, dès ce soir, face à Séville.
Par Adrien Candau