- Italie
- Juventus
La Juve écolo
L’arrivée de Douglas Costa symbolise la recette du succès de ces dernières années chez la Juventus : celle du recyclage de joueurs sur la pente descendante. Une stratégie payante depuis maintenant six ans.
Il commençait à faire rêver, ce mercato de l’AC Milan. Un buteur prometteur avec André Silva, un meneur de jeu sexy avec Hakan Çalhanoğlu, un milieu tout terrain en la personne de Franck Kessié, un roc défensif avec Mateo Musacchio… Sans mentir, ces prémices du retour d’un grand Milan laissaient rêveur, à savoir que les Rossoneri puissent être capables de vaincre n’importe quelle équipe italienne. Cela faisait même saliver l’Europe. Et puis, lundi matin, la Juventus s’est mise à pointer le bout de son nez sur le marché des transferts, histoire de montrer qui tenait vraiment le guidon dans la Botte. Dans le dur après une saison exceptionnelle au Bayern Munich, Douglas Costa va donc, selon toute vraisemblance, être prêté chez la Vecchia Signora. Coût de l’opération ? 9 millions d’euros. Pour deux ans, donc. Mais en réalité, cet intérêt va au-delà du financier. À moins d’un an du Mondial russe, la situation du Brésilien, blessé lors du dernier rassemblement de la Seleção pour les éliminatoires de la zone Amsud, demande une petite reprise en main. Une visite chez le psychologue turinois pour retrouver la pêche, en somme. Un registre dans lequel la Juve est devenue experte.
Les vieux pots et la confiture
Pour plonger dans les origines de la psychanalyse, il faut remonter à l’été 2011. À la suite d’une saison très décevante où la Juve termine pour la seconde fois septième de Serie A, le groupe d’investisseurs de la FIAT, présidée par John Elkann, réalise une levée de fonds. Le but ? Réinjecter 120 millions d’euros dans le capital du club d’Andrea Agnelli et redonner ainsi un nouveau visage à son effectif qui tend à se morfondre. Miloš Krasić ou Felipe Melo ne donnent pas satisfaction. Résultat : ils prennent la porte de sortie ou cirent le banc. Pour la première rencontre de son nouveau championnat, la Juventus reçoit Parme dans son stade flambant neuf, inauguré trois jours avant. Du onze titulaire, trois joueurs viennent d’être recruté par la Juve, à des prix qui défient toute concurrence. Emanuele Giacherrini, 3,5 millions d’euros. Stephan Lichtsteiner, 9 millions d’euros. Andrea Pirlo, gratuit. Le trequartista est d’ailleurs le meilleur exemple du réchauffé piémontais, puisqu’il sera l’atout majeur de la Juventus dans la conquête de ce vingt-huitième scudetto. Pirlo le Milanais était en fin de cycle ? Son arrivée à la Juve lui donne une seconde jeunesse.
Depuis, les exemples de joueurs théoriquement en déclin puis sublimés par leur passage à la Juventus sont légion. Patrice Évra, arrivé sans indemnité de transfert à l’été 2014 et auteur de deux saisons majeures avec les Bianconeri, où il retrouve pour la cinquième fois de sa carrière une finale de la Ligue des champions. Sami Khedira, recruté libre après la fin de son contrat avec le Real Madrid en juin 2015, devient un rouage essentiel des dispositifs de Max Allegri, pour encore rallier la finale de la C1 deux ans plus tard. Lassé de la gestion du Barça sur sa personne, Daniel Alves termine son aventure catalane l’an dernier et boucle la saison suivante par un doublé coupe-championnat agrémenté de cette finale de C1. Juan Cuadrado, le recruté en prêt de Chelsea victime d’une acclimatation complexe en Angleterre, mais dont la Juve connaissait très bien les qualités depuis Florence, où il avait acquis son surnom de Vespa (Guêpe, en VF). Prêté à nouveau puis racheté définitivement en mai dernier, le Colombien fait désormais partie des plans turinois jusque 2020. Une situation dans laquelle Douglas Costa pourrait bien se retrouver, si son expérience italienne le remet dans le bon sens.
Le patient Douglas Costa
Si la séance de psychologie de la Vieille Dame peut s’avérer payante pour tout patient en quête d’un renouveau, l’intéressé doit aussi y mettre du sien. En l’occurrence, l’international auriverde n’est pas un vieux, mais un jeune, un fougueux capable de se transformer en TGV de luxe quand il rayonne. « Douglas Costa est un joueur important au Bayern Munich, analyse un David Trezeguet ambassadeur pour la Juventus et de passage sur Nice pour une rencontre des anciennes légendes des Bleus. Nous sommes conscients qu’il peut nous apporter beaucoup, et nous sommes aussi au courant qu’il est disponible sur le marché. Maintenant, cela reste à voir avec le Bayern. »
Depuis son prêt payant avec option d’achat fixée à 33 millions d’euros, Douglas Costa fait aujourd’hui partie de la communauté des Zèbres. Son traitement passera obligatoirement par une bonne préparation physique, dont la Juventus s’érige en référence. Du côté de l’acheteur, ce recrutement est un bon moyen de rêver plus grand et de conforter ses acquis, à savoir le titre de champion d’Italie. Une propriété turinoise exclusive depuis cette fameuse saison 2011-2012, soit six couronnes consécutives. Un modèle de développement durable.
Par Antoine Donnarieix