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La Juve dans un Conte de fées
La Juve aborde 2012 avec de sacrées ambitions. Invaincue depuis le début de la saison, la Vieille Dame a retrouvé de sa superbe avec l‘arrivée d’Antonio Conte. Renforcée par celle de Marco Borriello, elle vise, tout simplement, le Scudetto.
L’an 1 débute. Pour de vrai. Oui, à Turin, depuis la remontée en Serie A, lors de l’été 2007, on parle d’une année 0. Celle qui remettrait tous les compteurs à zéro, et qui permettrait à la Juve de redevenir celle qu’elle était avant l’affaire Calciopoli et la relégation en Serie B. Mais au final, chaque saison qui passait semblait éloigner la Vieille Dame de la fameuse année 0. La saison 2010-11 sonnait même une petite mort, avec, pour la première fois depuis des lustres, une non-qualification en Coupe d’Europe. Les dirigeants, Andrea Agnelli en tête, ne savaient plus quoi faire. Acheter des joueurs ? Déjà fait. Prendre un entraîneur de renom ? Fait et refait. Alors, la Juve tente un coup de poker lors de l’été 2011. C’est Antonio Conte, ancienne bandiera du club, qui est appelé sur le banc.
Hormis quelques matches avec l’Atalanta quelques saisons auparavant, l’ancien milieu de terrain n’avait encore jamais goûté à la Serie A dans son nouveau costume d’entraîneur. Peu importe. Il a ce que les Ranieri, Delneri et autres Zaccheroni n’ont pas : l’ADN Juve. Et cela se ressent dès ses premières sorties. Sa Juventus, si morne et triste lors des deux dernières saisons, retrouve de l’allant, du jeu, de la lumière. Bien renforcée dans tous les secteurs, la formation turinoise s’affirme de semaine en semaine, jusqu’à atteindre la tête de la Serie A. Elle ne la quittera plus. A la trêve, la Vieille Dame, redevenue jeune à l’improviste, trône au sommet du classement, sans que personne n’ait réussi à la battre. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître au vu des résultats obtenus de janvier à mai, c’était donc 2011, cette fameuse année 0. Place, désormais, à l’an 1.
Entre le PSG et Manchester City
Reste que le travail de Conte relève presque du tour de passe-passe. Cet été, lorsqu’il débarque à Turin, il ramasse surtout les restes d’une équipe qui vient de terminer septième, et qui a perdu sa niaque. Dès ses premiers pas avec le costard d’entraîneur, il affirme toutefois qu’il compte bien redorer le blason de l’équipe de son cœur. Cela tombe bien, le tout nouveau Juventus Stadium, premier stade de propriété en Italie, est sur le point d’être inauguré. Comme si les ouvriers et les maîtres de chantier étaient de mèche avec Conte pour le début d’un nouveau cycle. De leur côté, dirigeants et directeurs sportifs font bien leur boulot. La Juve lève les options d’achat de Pepe, Motta, Matri et Quagliarella, fait venir gratuitement Pirlo et Pazienza, et lâche des ronds pour Lichtsteiner, Vidal, Elia, Vucinic, Giaccherini et Estigarribia (ce dernier en prêt). En tout, c’est une coquette somme de 84,3 millions d’euros qui est déboursée, soit presque autant que le PSG ou Manchester City. A grandes ambitions, grands moyens.
L’ossature de l’équipe se forme presque immédiatement, avec un Pirlo qui prend les rênes du jeu comme s’il en avait toujours été l’ambassadeur. A ses côtés, Marchisio, libéré du rôle « ingrat » de récupérateur, explose littéralement dès les premières journées de championnat. La preuve avec ce magnifique but inscrit lors de la première journée face à Parme. Derrière, Buffon redevient petit à petit monstrueux, et atteint son meilleur niveau lors des confrontations contre la Lazio, où il bloque tout, et contre la Roma, où il stoppe un pénalty de Totti. On devient champion avec un grand gardien, paraît-il. Et avec un grand attaquant, aussi. Et c’est un peu là que le bât blesse. Si la Juve a dans son effectif une montagne d’attaquants (Matri, Vucinic, Quagliarella, Del Piero, Giaccherini, Amauri, Iaquinta, Toni), aucune d’entre eux, pour l’instant, ne semble pouvoir être celui qui garantit 20 buts par saison, à l’instar d’un Trezeguet. Matri serait le mieux rôdé, même si les chiffres affirment que, jusqu’ici, le buteur a marqué autant de buts que Marchisio. Qui est milieu de terrain.
Alex en costard, Borriello en short
La grande qualité de cette nouvelle Juventus, c’est aussi sa force de décision. Au mois d’octobre, Andrea Agnelli, sans que personne ne lui ait rien demandé, affirme qu’Alessandro Del Piero, patrimoine du club et idole des tifosi, partira à la fin de la saison. Pinturicchio, sûrement blessé par de tels propos, ne répond rien, et se contente de dire qu’il « jouera encore cinq ans » . Et tant pis si les supporters souffrent rien qu’à l’idée d’imaginer leur Alex bien-aimé avec le maillot d’une autre équipe. La Juve d’en haut a décidé que Del Piero appartenait au passé. Qu’il en soit ainsi. Son avenir à la Juve, c’est en costard, et aux côtés de Nedved, qu’il l’effectuera. Pas en short. Force de décision, deuxième étape. L’an dernier, la Juve s’était fait chiper Marco Borriello par la Roma, lors du dernier jour du mercato. Un brin rancunier, Beppe Marotta, le directeur sportif, a attendu que le joueur soit mis sur la touche par le coach de la Roma pour lui offrir une chance de rédemption. En deux jours, l’affaire est bouclée : Borriello est un nouveau joueur de la Juve, et fera probablement ses débuts dimanche, contre Lecce.
Un stade flambant neuf et qui n’a pas encore connu le goût de la défaite, une équipe qui ne joue pas l’Europe et qui a donc toute la semaine pour préparer le championnat, un effectif complet et encore renforcé, un technicien jeune, dynamique et qui n’a pas eu besoin d’apprendre à parler le juventino… Oui. La Juve a là toutes les cartes pour aller chercher un titre qui manque officiellement depuis 2003, officieusement depuis 2006. Actuellement en stage à Dubai, à quelques kilomètres de là où s’entraîne le Milan AC, son adversaire principal pour le titre, Antonio Conte tente de ne pas faire de calculs. Même si, au fond de son esprit, il sait que lors de la phase aller, il est déjà allé jouer à Naples, à Milan (Inter), à Udine et deux fois à Rome. Alors, forcément, 2012 pourrait réserver bien des satisfactions aux 40 000 supporters du Juventus Stadium. Même si les joueurs turinois préfèrent ne pas s’enflammer. « Nous sommes invaincus en championnat, et pourtant, nous avons le même nombre de points que le Milan AC, que nous avons battu. Cela veut donc dire que nous devons travailler encore plus. Le mois de janvier va influencer le reste de la saison » assure Claudio Marchisio dans une interview à la Repubblica publiée mardi. L’an 1 commence donc ce dimanche, à Lecce. Tiens, c’est drôle : il s’agit justement de la ville natale d’Antonio Conte.
Eric Maggiori