- Italie
- Serie A
- 22e journée
- Juventus Turin/Inter Milan
La Juve contre l’histoire, l’Inter pour la vie
La semaine dernière avait lieu en Italie le Gala récompensant les meilleurs joueurs de Serie A. Si les Bianconeri étaient cinq (Conte, Pirlo, Vidal, Chiellini, Barzagli), Samir Handanović était le seul représentant intériste. « Les joueurs de la Juve ont gagné tellement de prix, ils sont venus en bus ? » Même si le portier a préféré en rire, le constat est cinglant : cette saison, le Derby d'Italie est déséquilibré. L'Inter ne décolle pas, et la Juve est une machine. Mais comme toutes les machines, la Juve de Conte déteste ce qui est irrégulier et surprenant, de la neige stambouliote à Wesley Sneijder en passant par Gervinho. Mazzarri saura-t-il, pourra-t-il surprendre Conte ?
L’affaire Vučinić-Guarín
Si chaque Derby d’Italie a sa petite histoire, celle de celui-ci est déjà écrite : les retrouvailles de l’après Guarín-Vučinić. L’avortement dans la douleur d’un échange qui sonnait si mal qu’il aurait mieux valu qu’il n’existe jamais. Et pourtant. Jusqu’aux protestations des tifosi intéristes et le « non » final d’Erick Thohir, tout le monde était convaincu que c’était fait. Marotta était sur le point de fêter une nouvelle victoire, fier d’avoir déniché sans effort l’un des meilleurs joueurs d’un rival, l’Inter ayant entamé les négociations. D’où le problème. Pour la Juve, Thohir n’aurait pas tenu sa parole et aurait maltraité les joueurs, leur faisant passer les visites médicales avant de changer d’avis au dernier moment. La Vieille Dame se fâche en oubliant l’affaire Berbatov. Pas de signature, pas d’échange.
Mais ce nouvel épisode de l’histoire du Derby d’Italie est merveilleux car il épouse les lignes des conceptions du football de ces deux rivaux. Les Juventini s’indignent naturellement de voir une poignée d’ultras influencer négativement la direction d’un grand club, tels des ouvriers osant tenir tête à la direction de leur usine. Tandis que les Intéristes, naturellement ravis d’avoir échappé à une arnaque, y voient le succès du dévouement et du romantisme de leurs supporters face aux mécanismes du football business. Bilan du mercato : la Juve prend un sixième attaquant (Osvaldo) et garde Pogba, et l’Inter réussit à se renforcer (Hernanes) sans vendre Guarín.
Conte seul contre l’histoire
Imaginez le Real Madrid, le Barça ou le Bayern éliminé de la Ligue des champions en décembre. Pour les grands d’Europe, la saison serait déjà, à coup sûr, un échec. Alors, à moins de se dire que la Juve n’a jamais été un grand d’Europe, il reste à Conte d’écrire son histoire sur la scène locale. Là où il s’adapte plutôt bien à ses petits objectifs : douze victoires et un nul (à 10) sur ses treize derniers matchs. Quels objectifs, alors ? Battre les records de l’Inter de Mancini saison 2006/07 – qui avait cumulé 97 points –, mais surtout progresser. Méticuleusement : « Je dois être plus agressif sur le terrain. En défense, la Roma fait mieux que nous cette saison, on tentera de s’améliorer » , déclarait l’insatiable Barzagli cette semaine. Pour rappel, la Juve n’a encaissé que 15 buts en 21 matchs. Conquérante comme Pirlo, implacable comme Barzagli et féroce comme Vidal.
Difficile de savoir quelle est la vraie Inter 2013/2014 : celle des deux premiers mois de la saison, candidate à la C1, ou alors celle de 2014, incapable de marquer plus d’un but en quatre matchs ? Le fait est que la première, celle de Moratti, n’est plus. Mazzarri l’a admis cette semaine : « Je ne le nie pas : je me suis trouvé face à un scénario différent de ce que je m’étais imaginé. (…) J’ai parfois l’impression de parler dans le désert. (…) Les difficultés d’une saison hors-norme comme celle-ci n’ont pas encore été comprises par tout le monde. » Voilà, les chiffres parlent, le choc du changement présidentiel a été plus fort que prévu. Maintenant, passons du « pourquoi » au « quand » : quand est-ce que l’Inter va décoller ? Après avoir insisté sur un 3-5-1-1 très conservateur, avec Álvarez ou Guarín derrière Palacio, Mazzarri opte pour le 3-4-2-1 depuis le retour de Milito (et l’arrivée du surprenant Ruben Botta). Plus d’attaquants, mais plus de doutes que de buts.
La faim, la machine et les « épisodes »
C’est connu, les machines ne parlent pas. Antonio Conte a donc tenu à ne pas s’exprimer en conférence de presse d’avant-match. Ricky Álvarez, lui, parle comme tous les autres hommes. Interviewé par la Gazzetta dello Sport sur l’élément qui fera la différence dans ce match, l’Argentin a parlé de « faim » : « Il faudra avoir plus faim qu’eux. » Le problème, c’est que les machines n’ont pas faim. Jamais. Pour battre la Juve, l’Inter devra aller chercher bien plus que de la motivation : il faudra un plan, du jeu, de l’intelligence et de la chance. Mazzarri le sait : « La gestion des épisodes sera cruciale. » Les arbitres, la chance, la malchance, la faim… Tout indique que Mazzarri va à Turin pour faire jouer une équipe de pirates et de brigands.
Et il n’a même pas vraiment le choix. En ce qui concerne le plan de jeu, on aurait aimé voir les Nerazzurri rentrer dans la Juve avec un milieu Hernanes-Cambiasso-Álvarez derrière Palacio-Milito, mais le Brésilien n’est pas autorisé à disputer la rencontre pour de sombres motifs bureaucratiques, Cambiasso s’est blessé face à Catane et Guarín n’est logiquement pas convoqué. Dans ces conditions, le coach intériste tentera probablement de jouer le match au corps à corps, à coups de 3-5-1-1, de Taïder, de Kuzmanović et de longs ballons pour Palacio. Une stratégie pour résister, mais pas pour surprendre : Mazzarri osera-t-il faire jouer Kovačic et offrir un soutien à Palacio (Milito, Icardi) ? Côté Juve, Storari remplacera un Buffon suspendu et Conte alignera pour le reste l’équipe type. Ce sera donc une Juve contre l’histoire et ses records, une Juve qui joue pour dépasser sa mortalité et devenir une machine immortelle. Et une Inter qui se battra pour sa vie et pour se donner le droit de vivre ce championnat jusqu’au bout.
Par Markus Kaufmann
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