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La Hongrie l’emporte aussi sur le plan viticole
Avant chaque rencontre de l'Euro disputée à Bordeaux, le festival Hors-Jeu ! organise en collaboration avec la Cité du vin un match viticole. Et ce mardi, en lever de rideau du derby austro-hongrois, le Grüner Veltliner autrichien affrontait le Tokaï hongrois.
Ils sont une soixantaine, à s’être massés dans la salle de dégustation de la flambant neuve Cité du vin bordelaise, sur les coups de 17h15. L’édifice a beau être situé sur la route qui mène des quais au Nouveau stade de Bordeaux, ils n’iront pas plus loin. Car si elle oppose bien l’Autriche à son voisin hongrois, la rencontre qui les intéresse n’aura pas lieu dans 45 minutes sur une pelouse, mais bien maintenant, dans leurs verres, comme ce fut le cas quelques jours auparavant entre les vins gallois (si, ils existent) et slovaques. Et c’est Élodie, sommelière à la Cité du vin, qui présente les deux équipes, avant de donner le coup d’envoi d’une rencontre prometteuse, entre ces deux pays qui n’ont plus grand-chose à prouver en matière de production viticole de qualité. À sa gauche, le breuvage autrichien. « Situé sur la même longitude que la Bourgogne, qui produit de très grands vins blancs, le Kamptal, qui se trouve au nord-est de l’Autriche, est la région dans laquelle on trouve les meilleurs Grüner Veltliner, le cépage qui fait la fierté de l’Autriche, expose la jeune femme. Dans le Kamptal, les journées sont très chaudes, et les nuits très fraîches, ce qui donne un vin très aromatique, rond, minéral, avec beaucoup d’acidité maîtrisée. » Le concurrent présente de solides arguments offensifs, mais fait figure d’outsider, face au mythique Tokaï hongrois. « Les marécages dans lesquels poussent ses vignes vont faire pourrir les baies du raisin, détaille Élodie en présentant le favori, ce qui va avoir pour conséquence d’absorber l’eau, et donc de concentrer tous les arômes et le sucre à l’intérieur du fruit. » Mais la variété de Tokaï envoyée à l’Euro viticole possède une particularité qui pourrait le mettre en difficulté. Il est effectivement « très concentré en sucre, car les grappes sont vinifiées telles qu’elles, ce qui n’est pas toujours le cas. Cela donne un liquoreux pas lourd du tout, avec une belle acidité qui donne envie d’y revenir. » Les présentations faites, il est temps de siffler le début de la partie.
La Hongrie trop sucrée pour les Galloises
C’est à l’Autriche que revient l’engagement. Les verres des soixante spectateurs/juges, qui ont payé six euros le droit d’entrée, se vident presque aussi vite qu’ils se sont remplis. Le Grüner Veltliner développe un jeu aussi simple qu’agréable. Ses arômes explosent les bouches comme un coup d’épaule d’Anton Polster, et placent la barre très haut, au moment du changement de verres. Dès son entrée en jeu, le Tokaï hongrois opte pour une tactique agressive. L’acidité est là, le sucre aussi. Trop, même, au goût d’Eirlys et de sa mère Olga, deux Galloises venues encourager leur équipe samedi dernier, et restées en vacances dans cette ville qu’elles trouvent « extraordinaire » . « L’ambiance, la nourriture, le vin, l’accueil des gens, tout est fantastique ici, s’enflamme Olga. On regarde tous les matchs, on adore ça. D’ailleurs, on pense que la Hongrie va battre l’Autriche 1-0. » Pour ce qui est du match entre les vins, en revanche, la mère et la fille originaires de Caernarfon, dans le nord du pays de Galles, optent pour l’Autriche, jugeant le Tokaï « un peu trop sucré » pour elles.
Plus une goutte de Tokaï
Ce qui n’est évidemment pas le cas de Katalin et Marcel, ce couple de Hongrois de Budapest. Maquillés aux couleurs de leur pays, les tourtereaux n’ont pas trouvé de billets pour le match qui doit débuter dans quelques minutes dans l’antre des Girondins. « Mais nous ne sommes pas trop tristes, tempère Katalin dans un français correct, parce qu’on a quand même assez peur des attaques terroristes. » « Et au stade, on ne peut pas boire de vin, ajoute Marcel dans un sourire. Et puis on a des places pour les matchs à Marseille et à Lyon, donc ça va. En tout cas, à Bordeaux, on va battre l’Autriche deux fois. Au foot, et au vin ! » Et malheureusement pour nos deux galloises, les résultats lui donnent raison. Sur la table, les bouteilles de Tokaï sont vides, tandis que celles de leur homologue autrichien affichent encore quelques centilitres de liquide, au coup de sifflet final. La victoire hongroise actée, il est temps pour tout ce petit monde de se diriger vers l’auditorium de la Cité du vin, pour assister au match, le vrai, confortablement installé sur des sièges de cinéma. Et pourquoi pas, digérer ces quelques verres en piquant du nez sans qu’il y ait faute.
Par Mathias Edwards, à Bordeaux
(©Photos La Cité du Vin)