- Coupe de France
- La Guinéenne-Fontenay le Comte (0-5)
La Guinéenne de Nantes, més que un club
Créée il y a seulement un an, La Guinéenne est parvenue à atteindre le quatrième tour de Coupe de France face à Fontenay-le-Comte. Si les Syli se sont inclinés face au pensionnaire de National 3 (0-5), l'essentiel est ailleurs pour ce club de D4 qui place l'aventure humaine au-dessus du sportif.
Vendredi 29 septembre, 19h30, complexe sportif des Dervallières à Nantes. Mouctar Keïta rassemble ses hommes pour le début de la séance. Dans moins de 72 heures, La Guinéenne va écrire une belle page de son histoire en disputant le quatrième tour de Coupe de France, synonyme des fameux maillots, contre Fontenay-le-Comte, pensionnaire de National 3. Pas mal pour un club qui a vu le jour il y a à peine un an et qui évolue encore en D4, soit 7 divisions en-dessous de son adversaire. Alors que l’échauffement se met en place, Coach Mouctar revient sur la genèse du projet, sifflet et chronomètre autour du cou : « Avant la création officielle du club, on existait déjà. On jouait pour le plaisir contre les autres communautés de la ville. Mais je voulais créer un vrai club et pouvoir jouer des matchs en compétition. Ça a mis pas mal de temps, on a connu des galères, mais je suis vraiment admiratif du travail que nous avons réalisé. »
Au printemps 2022, La Guinéenne devient officiellement un club affilié à la FFF. « C’était difficile au début. On devait très vite avoir un effectif complet avec des joueurs capables d’assurer un minimum. On a fait en sorte que les licences la première année soient gratuites », précise le président Alseny Camara. À peine le temps de se mettre en jambes que Mouctar siffle la fin de l’entraînement. « Déjà ? Pourquoi même ? », s’indigne Mustapha. La raison est simple, un match de loisirs va débuter d’une minute à l’autre. « Ce problème de terrain nous ronge, c’est vraiment embêtant », concède Mouctar, agacé par la situation.
« On a dû faire les lignes avec de la farine »
Le terrain. Voici le principal problème de La Guinéenne depuis plus d’un an. Après plusieurs jours de négociation avec la mairie de Nantes, Alseny est parvenu à obtenir un créneau pour ce vendredi soir au complexe des Dervallières. Un luxe. Habituellement, les Syli nantais se contentent d’un terrain stabilisé en piteux état, situé à la Plaine de Jeux de Sèvres, avec un seul créneau par semaine. « C’est difficile, on a vraiment du mal à jouer dessus. À chaque match, on a des blessés, nos joueurs se plaignent. Ce n’est pas de bonnes conditions pour jouer. La mairie nous affirme qu’elle ne dispose pas d’autres terrains », explique Coach Mouctar. Malgré les nombreuses relances, les courriers envoyés à la maire Johanna Rolland qui « a promis de trouver des solutions en mettant en place une commission technique sur le sujet », les choses n’avancent pas. « On n’est pas pris au sérieux et ça nous heurte. Ce manque de considération nous questionne même sur l’avenir du club », concède même Alseny.
Preuve de ce manque de considération lors du tour précédent en Coupe de France. Si La Guinéenne est parvenue à s’imposer contre Doix AS des Quatre Vents, pensionnaire de D2, la bande de Mouctar aurait bien pu perdre ce match sur tapis vert. « Vendredi, deux jours avant le match, on nous confirme que le traçage du terrain a bien été fait. On arrive le dimanche et on se rend compte que le traçage est illisible. Les adversaires et l’arbitre voulaient qu’on annule le match, on a dû trouver une solution et nous avons donc fait les lignes avec de la farine qu’une compatriote devait utiliser pour faire des galettes », explique Alseny. Lunaire. Mais le président ne veut pas céder : « Il y a certains adversaires qui nous proposent de venir jouer sur leurs installations. Moi, je suis catégorique, je dis non. Notre problème de terrain doit être une revendication générale. »
L’humain avant tout
« Vu qu’il y a beaucoup de jeunes Guinéens qui ont des difficultés à s’intégrer en France, des difficultés pour les papiers, on s’est dit qu’on pourrait aider ces jeunes par le football », argumente Youssouf Camara, le dernier rempart de La Guinéenne. Passé par le centre de formation d’Istres, ami de Fodé Mansaré avec qui il a rejoint la France au début des années 2000 et ancien international guinéen (une sélection contre le Kenya en 2004 pour les qualifications au Mondial 2006), Youssouf s’impose naturellement comme l’un des grands frères de cette équipe.
Si sur le rectangle (pas si) vert, les Éléphants assurent, le plus important reste l’intégration des « frères ». « On tente de leur expliquer ce qu’est la France, les démarches à faire, car beaucoup comme moi sommes ici depuis plusieurs années. On est là pour ça », argumente Alseny, qui précise que « l’équipe est aussi soutenue par la GALA (Association des Guinéens de la Loire-Atlantique, NDLR) qui apporte une aide encore plus importante ». Pour Coach Mouctar, c’est le plus important : « On essaye de faire en sorte que chacun de nos joueurs soient dans une situation régulière, au moins être en demande d’asile. »
Mustapha est l’un d’eux. Arrivé en France, il y a seulement un mois, ce fan de Lionel Messi et du FC Barcelone a tout plaqué pour réaliser son rêve : « Devenir footballeur professionnel et vivre de ça. » « La Guinéenne m’aide énormément pour mon intégration, et j’espère réussir à atteindre ensuite un grand club. Avec le mental, tout est possible », lâche l’ailier de 17 piges, visage serré et déterminé. Pour Mustapha, ce match de Coupe de France est justement « l’opportunité de se montrer ». Un talent brut et indéniable, mais qui ne doit pas « brûler les étapes », tempère Cheick, de 26 ans son aîné, qui a connu une situation similaire 25 ans auparavant en quittant la Guinée pour intégrer le prestigieux FC Nantes. « C’est un gamin extrêmement talentueux, vraiment. Avec son talent, il peut aller loin, mais pour ça, il faut qu’il nous écoute, nous, les plus anciens. Il vient d’arriver il y a un mois et il n’a pas encore connu le froid, aller à l’entraînement tout seul en bus. Il doit faire attention notamment à ses fréquentations, où il traîne. » Le vieux assis voit toujours plus loin que le jeune debout.
« C’est déjà une victoire »
« Mustapha ne peut pas jouer », lâche Mouctar, un brin triste. Le jeune Guinéen, qui est tout de même venu soutenir ses copains, est anéanti d’être mis à l’écart en raison d’un problème de licence. Il est 13h30, au stade de la Durantière. Le soleil est au rendez-vous, tout comme la bonne humeur et les bouteilles de bissap. À moins d’une heure et demie du coup d’envoi, les Éléphants sont déterminés, mais abordent surtout ce match face à l’ogre vendéen sans pression. « On n’a rien à perdre. Notre objectif était de jouer le troisième tour, on est au quatrième, donc c’est déjà très bien », se rassure Capitaine Fana. L’essentiel est ailleurs. « Ce match va mettre de la lumière sur notre équipe, peu importe le résultat. Jouer contre une National 3, ça peut motiver certains à nous rejoindre », rappelle Fana. Certains, comprenez tout le monde. Car La Guinéenne n’est pas un club communautaire, même si pour le moment l’ensemble de l’équipe est d’origine guinéenne. « Notre club n’est pas communautaire, on est ambitieux et on est ouvert à tout le monde », précise tout de même Alseny.
Si à l’heure actuelle, le club ne dispose que d’une seule équipe senior, les ambitions sont grandes : « On veut créer une structure d’un club normal, avec son école de foot, une équipe par catégorie, c’est ça l’objectif », conclut le président. Malgré une prestation courageuse, La Guinéenne s’incline finalement 5-0 face à des Vendéens supérieurs. Mais l’essentiel est ailleurs pour Alseny : « Avoir atteint ce tour, c’est déjà une victoire. On est vraiment fiers de ce qu’on a réalisé, malgré les galères rencontrées depuis un an. » Le combat continue, comme dirait l’autre.
Par Tristan Pubert, à Nantes
Tous propos recueillis par TP.