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La Guinée-Équatoriale selon Teodoro

Par Pierre-Valentin Lefort, avec Nicolas Zeisler et Ronan Boscher
La Guinée-Équatoriale selon Teodoro

Déjà co-organisatrice de la Coupe d'Afrique des nations en 2012 avec le Gabon, la Guinée-Équatoriale rempile donc, pour une deuxième organisation en trois éditions. Cette fois, avec seulement deux mois de préparation, le pays a dû faire dans l'urgence, pour un résultat parfois acceptable, et souvent à la limite du raisonnable.

Teodoro Obiang est plutôt un homme à l’aise pour dicter la conduite de sa Guinée-Équatoriale, « élu » président avec près de 97% des voix en 2009. Ce qu’on appelle des coudées franches, surtout pour un quatrième mandat consécutif. Une partie du monde le regarde pour cette CAN 2015, et Teodoro montre l’exemple, fantasque : « Moi-même, j’achète 40 000 entrées, à raison de 10 000 par région. » Le président laisse volontairement filer l’information vers l’étranger. D’la bonne pub. Pourtant, « les gens ici sont abasourdis, choqués » , nous alerte un proche d’une famille d’expatriés. La cause ? Un discours diffusé sur la télévision nationale et prononcé le 12 janvier, dans la salle de conférence de Ngol, à Bata. Devant un parterre de pontes à pouvoir de son pays, Teodoro donne ses consignes. « Tout le monde doit aller au stade, mais en achetant sa place. C’est une question d’honneur national, relaie le média d’opposition Radio Macuto. Celui qui ne répondra pas présent devra assumer. Tous les membres du gouvernement, les partis politiques et les entreprises doivent acheter des places pour remplir les stades. »

Tout sauf le Qatar

Le président implore à sa façon. « C’est la première fois depuis que je suis au pouvoir que je demande une contribution au peuple. Parce que tout le monde a de l’argent. » Teodoro Obiang ne laisse en fait pas le choix, exigeant les contremarques et factures, avant de passer aux menaces : « Si les entreprises n’offrent pas de billets à leurs employés, nous ne leur confierons plus aucun projet public. Ils sont devenus riches dans ce pays. C’est le moment d’aider la Guinée équatoriale pour que la coupe d’Afrique soit un succès. » Du côté des fonctionnaires, c’est l’heure de la grimace. Selon un communiqué de l’opposition, au-delà d’un 8h-14h à assurer au service de l’État, ils devront chacun s’acquitter de 6 places achetées pour les matchs disputés dans leur ville, avec preuve, sous peine de perdre leur travail.

Voilà à qui la CAF a offert la CAN 2015, depuis l’exclusion à l’organisation et à la participation du Maroc, en fin d’année dernière. Ebola ne fait pas peur à la Guinée-Équatoriale. Que l’Afrique perde son honneur, en revanche, si, à en croire Ruslan Obiang Nsue, secrétaire d’État au ministère de la Jeunesse et des Sports, et accessoirement fils du président Obiang, contacté par nos soins : « Nous devons travailler pour honorer notre continent et notre pays. » Un honneur à sauver, car si aucun pays africain n’avait assumé le relais du Maroc, le Qatar aurait reçu la compétition. Hayatou l’a dit, « à deux mois de l’ouverture, pour accepter d’accueillir un tel événement, il faut être un vrai Africain » . Ruslan Obiang le confirme, si son président s’est porté volontaire, « c’est pour empêcher que la plus grande compétition africaine ne parte en Asie » .

Normes FIFA et logements sociaux

Pour pouvoir assumer seule cette CAN, la Guinée-Équatoriale a mis à disposition de la CAF quatre stades. Ceux de Malabo, sur l’île de Bioko, et Bata, sur le continent, étaient déjà connus des instances nationales africaines, ayant été utilisés pendant la CAN 2012. Ces deux enceintes, d’une capacité respective de 15 000 et 40 000 places, offraient une assise à la candidature de la Guinée, mais ne suffisaient pas à accueillir tous les matchs de la compétition. Dans l’optique d’une candidature à la CAN 2017, le gouvernement avait lancé en 2012 la construction de deux nouveaux stades, à l’intérieur des terres. Situées à la frontière avec le Gabon, les villes de Mongomo et d’Ebebiyin ont vu deux enceintes voir le jour, de respectivement 15 000 et seulement 5 000 places. Alors que la fin des travaux était initialement prévue pour avril 2015, la réception au dernier moment de la CAN a accéléré le processus. Comme le confirme Ruslan Obiang, « les sociétés chargées de travaux nous avaient assuré que les stades seraient prêts fin décembre. (…) En 2012, nous avions deux ans pour préparer les infrastructures. Aujourd’hui, nous n’avons que deux mois. Mais les stades sont aux normes, nous ne pouvons pas y déroger. »

Si les stades répondent aux demandes de la FIFA, c’est un peu plus bordélique côté accueil des joueurs. Même si Malabo et Bata ont l’expérience de 2012, tout n’est pas parfait. Claude Le Roy, sélectionneur du Congo, et qui a joué le match d’ouverture à Bata, témoigne à la BBC : « Je n’ai pas assez de places pour mes joueurs et mon staff. » La situation est encore plus nébuleuse à Mongomo et Ebebiyin, comme le confirme Obiang. « À l’intérieur du pays, il n’y a pas beaucoup d’hôtels. Le président a fait construire des logements sociaux pour la population. Mais au vu de la situation actuelle, le peuple ne pourra en profiter qu’après la CAN. D’abord, nous les mettrons à disposition des joueurs. » Une situation que la CAF a jugé acceptable. « Étant donné le délai que nous avions, la Confédération a validé notre proposition. » Toujours est-il qu’au moment du tirage au sort des poules, le 3 décembre, personne n’avait visité les deux nouveaux sites ! Les sélectionneurs n’avaient aucune idée de ce qui les attendait, et voulaient tous jouer leurs matchs à Malabo et Bata.

Médecins cubains et immigrés clandestins

Résultat, la quasi-totalité des rencontres du groupe C, dit de la mort – Ghana, Algérie, Sénégal, Afrique du Sud – se jouent à Mongomo. Christian Gourcuff, sélectionneur des Fennecs l’avait assuré en conférence de presse à quinze jours du début de la compétition, « des interrogations demeurent quant aux conditions d’entraînement » . Avant d’ajouter, beau joueur, que « toutes les équipes du groupe sont au même point » . Pourtant, alors que la situation du camp de base algérien et d’Ebebiyin reste floue, Obiang se veut rassurant. « Ces stades ont été construits en fonction des besoins locaux. La plupart du temps, ils ne vont accueillir que des matchs de championnat national. Mais quand les équipes viendront sur place, elles verront que tout est prêt pour les accueillir. »

Alors que l’épidémie Ebola avait eu raison de la volonté marocaine, la Guinée semble sûre de sa force. « Nous étions prêts à nous défendre contre le virus avant que l’on nous propose d’organiser la compétition » , assure Obiang. Et en effet, le pays n’a pas lésiné sur les moyens. « Depuis le début de l’épidémie, nous avons fermé nos frontières. L’objectif était d’acheter tous les équipements nécessaires pour détecter le virus chez les visiteurs. » Et le secrétaire des Sports d’enchaîner : « Aujourd’hui, nous avons tout le matériel requis pour contrôler les entrées dans le pays. Si quelqu’un est porteur du virus, nous pouvons le placer en quarantaine. Nous sommes en contact avec des médecins cubains pour traiter les malades. Toutes les personnes arrivant à l’aéroport seront contrôlées. Mais il n’y aura pas de restrictions. Du moment qu’un supporter n’est pas porteur du virus, il n’y a pas de soucis. »

Un Autrichien déguisé en Allemand…

En réalité, la liberté d’entrée des fans est toute relative. À la tête d’un pays qui ferme ses portes aux étrangers, le président Obiang a rappelé, lors de l’obtention de la compétition, que la CAN serait l’occasion de faire la traque aux clandestins. « Les voisins voulant venir voir les matchs, même s’ils s’enregistrent auprès de nos consulats et ambassades, verront leur passeport confisqué aux frontières. Il ne leur sera rendu qu’au moment où ils quitteront le pays. » En somme, pour Obiang fils, « il ne faut pas s’attendre à une CAN parfaite » . Papa, dans ce fameux discours du 12 janvier, avait de toute façon déjà laissé quelques indices dans l’imperfection : « Nous devons imiter ce qu’a fait l’Autrichien Adolf Hitler, déguisé en Allemand, lorsqu’il a lancé la reconstruction de son pays détruit par les Alliés. Nous devons suivre cet exemple, que chacun contribue selon ses moyens pour que tout se passe bien et que la Coupe d’Afrique soit un succès. » Glaçant.

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