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La gueule des Loups

Par Maxime Brigand
La gueule des Loups

Racheté en juillet 2016 par le conglomérat privé chinois Fosun International, Wolverhampton doit maintenant franchir un cap après une nouvelle saison galère en Championship. Alors, la nouvelle direction a installé l'entraîneur portugais Nuno Espírito Santo, deuxième de Liga NOS avec le FC Porto la saison dernière, sur son banc. Ou comment apporter la preuve définitive de l'influence dérangeante de Jorge Mendes au cœur des Wolves.

Un soleil de printemps illumine le Molineux Stadium, mais, pour l’occasion, le quadragénaire n’avait pas d’autres solutions. Nuno Espírito Santo a un statut à assumer et une entrée en scène à réussir. Alors il faut le voir dans son costume impeccable, la barbe taillée et le visage plongé dans l’objectif qui lui fait face. À ses côtés, Laurie Dalrymple, directeur général des Wolverhampton Wanderers depuis août 2016, a également la banane, de celle des hommes qui ont réussi un joli coup. Quelques semaines plus tôt, le natif de São Tomé-et-Principe était encore sur le banc du FC Porto et semblait évoluer dans une sphère bien différente que celle que peut représenter un abri en plastique de Championship. Peu importe, Jeff Shi, qui représente à Wolverhampton le groupe chinois Fosun International, propriétaire des Wolves depuis l’été dernier, est fier de sa prise : « J’ai rencontré Nuno il y a deux ans, mais, à cette époque, nous n’avions pas encore racheté le club. J’avais été impressionné par ses connaissances tactiques. Depuis le début du projet que l’on souhaite mettre en place ici, Fosun a toujours été clair sur la philosophie et la stratégie que l’on veut installer. On a une grosse ambition et on veut rapidement atteindre nos objectifs.(…)Donc, on est forcément très contents de récupérer Nuno aujourd’hui, dont la philosophie est similaire à la nôtre. » Et, quelque part au-dessus de la photo de la famille, il y a une ombre qu’il est impossible de dissiper. Pour la percevoir, il faut d’abord replonger dans les propos de Paul Lambert, dégagé de son poste fin mai après avoir déposé les Wolves à la quinzième place de Championship. La raison ? Les résultats d’abord, forcément, mais surtout une grosse colère entre Lambert et ses dirigeants autour de la question du recrutement estival. Sa demande était simple : avoir un droit de parole sur le recrutement. Plus ou moins refusée, car à Wolverhampton peut-être plus qu’ailleurs, le mercato appartient à l’ancien DJ le plus célèbre du dancefloor foot. Qui ? Jorge Mendes, évidemment.

Nuno Espírito Santo, fils de Jorge

Une question centrale se pose alors depuis que Fosun a pris entre ses mains les Wolves : quel est le degré d’implication de Mendes dans le projet ? Le jour de la nomination de Nuno Espírito Santo, les dirigeants du club ont tenté de nettoyer le bordel : « Mendes est quelqu’un qui, grâce à son amitié avec les propriétaires, nous donne des conseils et sa vision des choses. Rien de plus. » Bon, dans les faits, c’est un peu plus précis, car Jorge Mendes est en réalité associé avec Guo Guangchang, le boss de Fosun International, dans de multiples activités et a surtout aidé à l’arrivée du conglomérat chinois dans le football. Ce qui les relie est alors l’ancien directeur général de Chelsea, Peter Kenyon, avec qui Mendes a longtemps bossé, notamment dans la mise en place du système de la tierce propriété. Les deux hommes se sont rencontrés au début des années 2000 – en 2003 exactement – lorsque Kenyon était directeur général de Manchester United et avait négocié avec Mendes l’arrivée de Cristiano Ronaldo en Angleterre. Quatorze ans plus tard, Mendes et Kenyon ont négocié le débarquement de Fosun à Wolverhampton et, comme l’agent ne fait rien gratuitement, il fallait lui filer des biscuits. Des sucreries qui, chez les Wolves, sont assez simples : le grand Jorge peut placer ses joueurs, a la main sur le recrutement et a donc même réussi à installer l’un de ses premiers clients avec Nuno Espírito Santo. Joli.

Comme souvent à l’époque, Nuno a rencontré Jorge au Luz do Mar, une ancienne discothèque de Caminha où Mendes a lancé son business. « J’étais un jeune gardien dont le rêve était d’atterrir à Porto, lui un entrepreneur couronné de succès qui se lançait dans le football, mais ne savait pas trop comment s’y prendre… On a tous les deux tiré profit de la situation de l’autre » , racontait celui qui était alors le gardien du Vitória Guimarães dans les colonnes de So Foot en janvier 2015. Nuno Espírito Santo n’arrivera finalement à Porto qu’en 2002, mais partira en 1996 à La Corogne grâce à son nouvel agent. Pourquoi La Corogne ? Parce que le jeune portier se laisse convaincre que sa carrière doit décoller ainsi, mais aussi car le président du club espagnol, Augusto César Lendoiro, souhaite lancer Mendes dans le business. C’est aussi à cet instant que l’agence de joueurs de l’agent, GestiFute, voit le jour. Depuis, Jorge Mendes et Nuno Espírito Santo ne se sont jamais quittés. Un détail suffit pour s’en persuader : le CV de celui qui est devenu entraîneur en 2012. Soit Rio Ave (2012-2014), Valence (2014-2015), le FC Porto (2016-2017) et donc Wolverhampton, que des clubs où Mendes a ses entrées.

Un Molineux en berne

Au moment de sa présentation chez les Wolves, le technicien a pourtant voulu balayer les doutes à sa manière : « Oui, je suis l’un des clients de l’agent le plus puissant du monde. Mais, je fais mon travail, il fait le sien. » Puis le début de recrutement de Wolverhampton a confirmé l’influence grandissante de Jorge Mendes, notamment à travers l’arrivée de Roderick Miranda, arrivé le 13 juin de Rio Ave. Il y a aussi les activités du proprio Guo Guangchang qui interpellent, puisqu’il y a quelques mois, selon les informations du Guardian, le milliardaire chinois a acheté des parts de Start, la holding qui contrôle GestiFute, l’agence de Mendes. Tout ce petit monde avance donc ensemble et le cas de Wolverhampton fait bien penser à la douce époque où Jorge Mendes pouvait placer tout et n’importe quoi dans les rangs de l’AS Monaco, de Porto ou de Valence. Quel a été le premier gros coup frappé par la nouvelle direction du club sur le marché des transferts ? Le recrutement d’Ivan Cavaleiro en août 2016 contre un chèque de huit millions d’euros, qui a envoyé un beau signal sans être une franche réussite sur le terrain. L’expérience s’est répétée en janvier dernier avec la signature d’Hélder Costa pour quinze millions d’euros, lui aussi membre du système Mendes. Depuis l’arrivée de Fosun à la barre du club, ces exemples sont nombreux, mais les succès sont infimes, à l’exception peut-être d’Hélder Costa, qui a claqué dix pions pour les Wolves cette saison. Wolverhampton attend désormais un retour en Premier League depuis cinq ans, et le Molineux peine à se remplir de nouveau. Ça, Jorge Mendes s’en fiche un peu, tant qu’il a de nouveaux amis. C’est aussi ça, le business.

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