- Portugal
- Supercoupe
- Benfica/Rio Ave
La gueule de bois de Benfica
Finaliste de l'Europa League, champion du Portugal et vainqueur de la Coupe du Portugal, ainsi que de la Coupe de la Ligue la saison dernière, Benfica a comme on dit complètement foiré son virage. Alors que sa saison commence ce soir avec la Supercoupe du Portugal contre Rio Ave, le club lisboète ne sait toujours pas où il en est dans son mercato et sa pré-saison. Ça craint.
« Je suis parti de Benfica car je sais que beaucoup d’autres joueurs vont partir » , déclarait Jan Oblak avant de prendre l’avion pour Madrid, direction l’Atlético. Visiblement, le portier slovène était plus que bien informé. Outre lui, Ezequiel Garay, Lazar Marković, Rodrigo, André Gomes et Óscar Cardozo, pour ne citer qu’eux, ont quitté la Luz depuis le début du mercato. La rançon de la gloire, les clubs portugais la connaissent bien. Tout le monde savait que les Aigles se feraient dépouiller après avoir atteint la finale de l’Europa League à deux reprises et réalisé le triplé l’année dernière (championnat, Coupe du Portugal, Coupe de la Ligue), mais personne ne pensait que tout tout le monde quitterait le navire. Pas même Jorge Jesus qui a mis un coup de pression à la direction benfiquista en début de semaine suite aux incessantes rumeurs donnant Enzo Pérez partant pour Valence : « Si quelqu’un d’autre part, je m’en vais aussi. »
Porto, double de profits avec moitié moins de joueurs
Le problème pour Boucles d’or, c’est que les choses ne sont pas aussi simples. Beaucoup d’argent avait été investi sur cette génération dorée au cours des précédents mercatos et il fallait impérativement dégraisser pour rééquilibrer les comptes d’un club qui traîne aujourd’hui encore la décennie 90 financièrement catastrophique comme un boulet (le passif de Benfica était de 449 millions d’euros au premier semestre de la saison 2013-2014). Si la masse salariale a clairement diminué à la faveur de tant de départs, les revenus liés aux indemnités de transferts sont, eux, quelque peu décevants. Le cas Cardozo est d’ailleurs révélateur de la mauvaise gestion dont ne cesse de faire preuve Benfica sur le marché depuis deux mois. Alors que Tacuara aurait pu être vendu pour 14 millions d’euros au Fernerbahçe l’an passé, l’écurie lisboète avait préféré réclamer 3 millions de plus aux Stambouliotes pour finalement ne le vendre que 6 millions au Trabzonspor la semaine dernière. Les ventes de Lazar Marković et Ezequiel Garay n’ont pas été plus prolifiques. Si le Serbe a coûté 25 millions d’euros à Liverpool et l’Argentin 6 au Zénith, ils n’ont respectivement rapporté que 12,5 et 3 millions à leur nouvel ex-club, car celui-ci ne détenait que 50% de leurs droits économiques. Rodrigo, André Gomes et Oblak sauvent toutefois la mise puisqu’ils ont rapporté à eux trois plus de 30 millions d’euros. Pas mal. À titre de comparaison, si le transfert de Mangala à City se confirme, Porto en sera au double de profits liés au mercato avec moitié moins de joueurs lâchés. Mais le plus dramatique dans cette histoire reste le côté sportif. Benfica ne sait pour le moment pas où il va. Les supporters, eux, en ont une petite idée. On appelle ça aller « droit dans le mur » .
Un recrutement limité…pour le moment
De 2013-2014, il reste donc les cadres, Luisão, Maxi Pereira, Lima, Gaitan, Salvio et la pépite Enzo Pérez, qui fait l’objet d’un combat en coulisses entre Jesus et la direction. Là encore, les pressions du technicien portugais semblent être vaines, car le destin de l’Argentin ne se trouve quasiment plus qu’entre les mains de Peter Lim. Comme l’a déclaré le néo-Valencien André Gomes dans la presse espagnole, si l’homme d’affaires singapourien confirme l’achat du club espagnol, alors « le transfert d’Enzo sera une simple formalité » . Mais ce qui devrait indigner Jorge Jesus, c’est l’absence d’anticipation dans le recrutement de remplaçants alors que l’hécatombe estivale était programmée. À l’instar de Matić, seule la fuite de Garay était prévue depuis le début de l’exercice 2012-2013. Les « encarnados » ont donc agi en conséquence et c’est ainsi que Lisandro López (aucun lien) a été acheté à l’Arsenal de Sarandi l’année dernière, puis prêté dans la foulée à Getafe, où il s’est adapté de fort belle manière au football européen. Les autres arrivants s’appellent Talisca, César, Benito ou encore Victor Andrade, autrement dit de jeunes joueurs qui ne savent pas ce que signifie jouer un match de Ligue des champions à la Luz, voire même ce que signifie disputer un match de foot en Europe. De fait, parmi les nouveaux, seuls Bebé, Pizzi et Candeais connaissent le poids d’un grand maillot. Et encore, aucun de ces trois-là n’a jamais vraiment brillé dans une équipe du gratin européen, au contraire.
Puiser dans le centre de formation ? Même pas !
Des départs en masse et un recrutement poussif, donc… Benfica connaît un été compliqué, mais a néanmoins la chance de bénéficier d’un excellent centre de formation. Bernardo Silva, Ivan Cavaleiro, et João Cancelo sont autant de rookies qui avaient le potentiel pour se révéler aux yeux du grand public cette saison – le second ayant même déjà été sélectionné par Paulo Bento avec le Portugal. Pourtant, les deux premiers joueront respectivement à Monaco et La Corogne en 2014-2015 (prêt), tandis que Cancelo serait sur le point d’être prêté à Valence, à en croire les trois grands journaux portugais. L’horizon de Benfica est caché par un épais brouillard. Jorge Jesus n’a de cesse de répéter que cette équipe n’est pas celle qu’il alignera lors de la prochaine saison, alors que celle-ci démarre aujourd’hui même. Veut-il dire par là qu’il a l’ambition de recruter encore ? Mais avec quel argent ? Celui d’un autre gros transfert ? Et quand bien même réussirait-il à reconstruire une équipe performante sur le papier, elle ne le sera sans doute pas sur le terrain avant quelques mois quand on sait que les équipes de Jesus marchent sur la cohésion et l’entente collective. Ça sent tout sauf bon, surtout pour la Ligue des champions. Gare à ne pas foirer les phases de poules une troisième fois de suite…
Par William Pereira