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La guerre du ballon

Par Markus Kaufmann
6 minutes
La guerre du ballon

Il y a quelques années, un choc FC Barcelone – Bayern Munich aurait dû être le duel entre la virtuosité de l'école hollandaise et le pragmatisme de l'université allemande. Mais le choc de ce soir a largement dépassé les écoles nationales pour s'élever au rang de duel universel. Une guerre au nom d'un seul moyen : le contrôle du ballon. Alors que le Bayern et le Barça affichent respectivement 69,9% et 69,5% de moyenne de possession de balle, à quoi peut ressembler une guerre de possession sans vainqueur ? Au futur, peut-être. Ou à une conversation entre Guardiola et Bielsa, en 2051…

Nous sommes en janvier 2051. Pep fête ses 80 ans en plein milieu de l’été argentin sur la terrasse de son ami Marcelo Bielsa. El Loco, 95 ans et demi, ne parle toujours pas français. Mais il est encore capable de préparer un bel asado traditionnel. Si le visage du Catalan a vieilli, sa silhouette est toujours aussi svelte. D’apparence, on pourrait croire à une volonté de cultiver des airs de dandy. Mais en réalité, Pep avance avec la même allure que ces philosophes dont les pensées obsessives font maigrir. Le visage creusé par les idées et les inventions, le Catalan reprend volontiers un long morceau de matambrito de cerdo, dont la tendresse lui fait intuitivement penser à la conduite de balle de Philip Lahm, comme ça. Marcelo, lui, est devenu énorme à la suite de son passage en Ligue 1, à force de bouffer les bêtises dites à son sujet dans le pays de Descartes. « Ils n’avaient vraiment rien compris, ces pauvres mangeurs de résultats… » , soupire-t-il en parlant des Français, sans manquer de faire un sourire à son grand ami Steve Mandanda, 65 ans, également présent à table entre Xavi et Mascherano.

Après les abats viennent les chorizos, puis le poulet – courtoisie de Bielsa pour Mandanda – et enfin la viande rouge. C’est à ce moment-là, sous le soleil assommant de Rosario, que la conversation tombe sur le Barça-Bayern du 6 mai 2015. Bien droit dans son fauteuil roulant aux couleurs de Newell’s, Marcelo fixe Pep dans les yeux et lui demande : « Flaco, dis-moi la vérité. Entre tes cinq Ligues des champions et le fait d’avoir gagné la possession de balle à ton Barça au Camp Nou, tu gardes quoi ? » Xavi, qui a toujours le vertige lorsqu’il repense à ce match lors duquel il a dû jouer à la maison « comme un putain d’Italien » , se lève et fait signe d’aller aux toilettes. Mandanda, sélectionneur des Bleus, et Mascherano, qui entre-temps est devenu l’entraîneur le plus titré de la planète, attendent impatiemment la réponse du chauve. Essuyant le chimichurri collé à ses lèvres, Pep lâche : « Je ne sais pas, la verdad… Mais 30 ans après, on en parle encore. Les Ligues des champions sont gagnées sur des détails. Mais ça, ça n’était pas un détail. Ça n’est plus jamais arrivé, d’ailleurs, si l’on oublie les « exploits » de la sélection du Qatar bien sûr… »

Discours et possession

Le 6 mai 2015, c’est ce soir. Et en cette chaude soirée espagnole, la guerre du ballon sera celle d’un discours. Non pas un discours fait de mots lâchés rapidement sur un feuillet pliable entre deux impératifs. Non, plutôt un discours philosophique, idéologique. Un discours fait d’idées travaillées, muries et même souffertes durant des années. Ce discours célèbre, c’est aussi celui d’un autre Argentin, César Luis Menotti. « Le beau jeu et la victoire ne sont pas incompatibles. » Un objectif, le même pour tout le monde : gagner. Mais aussi un seul moyen : le contrôle du ballon, par la technique et la virtuosité des footballeurs disponibles. Et ce soir, ces derniers seront de grands interprètes. Busquets et Xabi Alonso, les deux boucliers métronomes symboles des victoires de l’Espagne. Dani Alves et Philip Lahm, les seuls latéraux au monde qui peuvent toucher une centaine de ballons par match. Mais aussi Iniesta, Thiago, sans parler de Suárez et Müller, modèles de talent individuel et de sacrifices collectifs. Plus de quatre décennies après les succès de l’Huracán de Menotti, le discours est bien vivant, peut-être plus que jamais : Bayern Munich, FC Barcelone, Juventus Turin, Real Madrid. Si ce dernier carré est fait d’histoire et de prestige, il est aussi fait de possession. Les quatre demi-finalistes sont les quatre équipes qui dominent le classement de la possession de balle dans la compétition.

Mais du côté du Barça, Luis Enrique n’a pas oublié de rappeler que son équipe « a su résoudre des situations différentes » . Comme face au Real Madrid par exemple, où le Barça s’en est remis à un pelotazo – un long ballon – et à seulement 53% de possession de balle. Après tout, la meilleure défense, ça n’est pas toujours de garder le ballon, et ce sont les chiffres qui le disent. En France, Lyon a encaissé moins de buts que le PSG. En Italie, l’Inter est l’équipe qui a le plus de possession avec 60,2% de moyenne, mais ça ne l’a pas empêché d’encaisser 39 buts, 20 de plus que la Juve. Stefan Effenberg a voulu le rappeler à Guardiola cette semaine : « Actuellement, le Bayern a toujours entre 65% et 70% de possession de balle et veut coûte que coûte jouer de manière trop offensive. C’est à cause de ça qu’il s’est fait sortir l’année dernière contre Madrid » . Que fera Guardiola sans Alaba, Robben et Ribéry ? « Barcelone a l’avantage de me connaître, et j’ai l’avantage de les connaître. Mais s’ils savent déjà comment je pense, ils ne savent pas comment mes joueurs pensent. Et c’est comme ça que je compte les surprendre. » Un Bayern raffiné et complexe, aux nombreuses variations tactiques, alors ? Guardiola utilisera-t-il trois centraux pour tenter de dominer l’indomptable largeur du Camp Nou ?

Deux chasseurs, un seul fusil

« Nous avons besoin de notre ballon pour notre jeu. Le truc, c’est qu’il n’y a qu’un ballon et on le veut tous les deux. » Ces mots, prononcés par Luis Enrique en conférence de presse hier, sont les mêmes qu’avait avancés Laurent Blanc à la veille de la double confrontation contre le Barça. Le PSG, finalement, n’avait pu rivaliser avec le pressing orchestré par les Catalans, malgré Verratti, et avait donc tout perdu : le ballon, d’abord, son jeu, ensuite, et enfin les deux matchs. Ce soir, le duel de possession sera tout autre. Parce que les deux équipes sont aussi douées dans la gestion du ballon qu’à la récupération. D’où l’attente impatiente de ce spectacle étrange, qui pourrait ressembler à la lutte entre deux chasseurs n’ayant qu’un seul fusil. On pourrait alors imaginer une avalanche de pressing et d’actions jouées en triangle. Des petits milieux aux pieds habiles face à d’autres milieux aux pieds tout aussi exquis. Un jeu fluide, rapide, intense, spectaculaire. Mais est-ce possible ? Si le jeu du contrôle du ballon est aussi fascinant, c’est parce qu’au contraire du football, il n’accepte pas le match nul. Une équipe devra bien subir l’excès d’élaboration et de pressing de son adversaire.

Et cette équipe pourrait même être celle qui finira par s’imposer au tableau d’affichage, à coups de contre-attaques brillantes. Luis Enrique insistera-t-il coûte que coûte sur un pressing effréné, ou voudra-t-il mettre en place un football à son image, plus direct et vertical ? Finalement, la possession est-elle une bataille parmi d’autres, ou est-elle le vrai enjeu de la soirée ? Si Guardiola gagne la possession, mais s’incline sur un exploit de Suárez, que retiendra l’histoire du jeu ? Qui sait comment sera perçue, dans 36 ans, à l’autre bout du monde, une victoire du Barça sans le ballon face à Guardiola au Camp Nou ? Une défaite institutionnelle ? Un désaveu ? Ou une victoire pragmatique ? Tout est une question de style. Lorsque José Mourinho et Carlo Ancelotti se retrouveront à Buenos Aires au même moment, en janvier 2051, dans le jardin de Diego Simeone, ils discuteront aussi avec le sourire des défaites de la possession. La question, c’est de savoir dans quel camp mangera Luis Enrique.

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Par Markus Kaufmann

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