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La guerre des gangs
Nice reçoit Marseille. Sportivement, le match est au mieux un derby méditerranéen, au pire une rencontre entre un relégable et une équipe qui vient d'enchaîner sept défaites. Pourtant, entre les deux franges de supporters, ce match est important.
Rivalité : Concurrence de deux ou de plusieurs personnes qui aspirent, qui prétendent à la même chose. Entre Nice et Marseille, on peut parler de rivalité, donc. Surtout quand on se penche sur les supporters des deux villes. Entre les deux camps, la haine a toujours été tenace. Véritable. Entretenue. Dernièrement, elle est montée d’un cran. Voir de deux. Pour comprendre comment le match de ce soir amène plus de 500 policiers à prendre position aux abords du stade du Ray, il faut remonter au début de l’année 2012. Demi-finale de la Coupe de la Ligue, Nice est défait au Vélodrome (2-1). Sportivement, rien de choquant. Dans la rue, par contre, c’est n’importe quoi. Une équipe du site internet du club azuréen est agressée. Certains cars de supporters niçois font connaissance avec des barres de fer et autres projectiles. Et de nombreuses voitures immatriculées dans les Alpes-Maritimes sont ravagées par des supporters olympiens.
Sur le bitume, les anciens de la Brigade Sud Nice sont venus en indépendants. Ils ont cherché à se filer avec leurs homologues olympiens. Comme souvent, la police, le mauvais timing et la mauvaise foi ont empêché la confrontation. Sur les différents forums, les sempiternelles formules ont fait le tour. On les connaît. « On est chez vous, ce n’est pas à nous de venir vous chercher« ; « C’est facile de parler quand on se planque derrière les CRS« ; « A vous de venir en indep à Nice lors du match retour« . Bla bla bla. Bref, avec les ultras, c’est souvent une histoire de rendez-vous manqués. Sauf que dans le cas de cette rivalité, ça se rapproche sérieusement. Mi-mars, les Olympiens fêtent dignement leur qualification milanaise en Ligue des Champions. Sur l’A8, une soixantaine de cars marseillais sont sur le retour. A l’est de Nice, un convoi de douze bus prend le bouillon vers 4 heures du matin. Pierres et projectiles lourds partent en direction des bus. L’un d’eux perd son pare-brise. On a franchi un cran dans le n’importe quoi. Forcément, tous les regards sont tournés vers le match de ce soir. Depuis la demi-finale houleuse (ou aucun Marseillais n’a été interpellé), les Niçois veulent réaliser un « gros coup ». C’est ce qu’il se dit, en tout cas. Sauf que la configuration du stade du Ray et le dispositif ultra sécurisé du jour ne sont pas des éléments favorables à une copulation masculine façon Braveheart.
500 marseillais muets ?
Il semble d’ailleurs difficile d’imaginer certains ultras olympiens venir à pieds jusqu’au Ray pour en découdre. Tout simplement parce que ce n’est pas dans la mentalité marseillaise. La rue, le contact provoqué n’a jamais été la spécialité olympienne. Même si depuis un certain temps, une certaine frange indépendante a vu le jour dans les travées olympiennes. Des mecs lookés casual anglais, adeptes de la castagne et des filages hors stades. Ils seraient une cinquantaine. Des anciens du Virage Sud. Suffisants pour se frotter aux ultras locaux. Le feront-ils ? Rien n’est certain. Pour autant, les bruits officiels qui viennent de Marseille sont pour le moment contestataires mais pacifiques. Dans un communiqué officiel, les Marseillais indiquent qu’ils « ne supporteront pas leur équipe« . Dans une interview accordée à RMC, Michel Tonini, le président des Yankees explique: « Ce n’est pas une réaction, c’est une marque de dégoût. » Il ajoute qu' »aucune décision n’a été prise pour un éventuel déplacement« .
Pendant longtemps, on a d’ailleurs cru que le Préfet des Alpes-Maritimes allait interdire le déplacement des supporters olympiens. Une rumeur qui a eu pour conséquence de faire réagir certains fans olympiens. « Je ne vois pas pourquoi on nous interdirait d’y aller. Ce sont eux qui nous ont jeté des pierre ! C’est du n’importe quoi. Même si on nous empêche d’y aller, on se déplacera quand même. Il n’y a aucune raison pour que nous soyons sanctionnés alors que c’est eux qui nous jettent des pierres Ce sont les Niçois qui sont en cause! Sur ce coup, les Marseillais n’y sont pour rien« , confiait mercredi Christian Cataldo, président des Dodger’s et présent dans l’un des bus attaqués, sur le site de Nice-Matin. Clairement, les deux parties se renvoient la faute.
Soyons francs, les pensionnaires du Virage Depé ne sont qu’une partie infime des supporters olympiens. Et pas forcément les plus vindicatifs et/ou ultras. Une absence olympienne dans la rue ou dans le parcage sonnerait comme un affront. Et dans le microcosme ultra, la réputation est un avatar indispensable. Surtout entre deux villes qui se haïssent cordialement. Une haine qui prend ses racines dans l’Histoire plus que sur le pré. Il suffit de se pencher sur le passé niçois. Une ville française seulement depuis 1860. Et aujourd’hui, Marseille est la capitale de la région PACA. Pour les Niçois, ça ne passe pas. Il suffit de voir la manière dont les supporters affirment haut et fort leur identité nissarte pour comprendre leur attachement à leur cité. Une rivalité beaucoup plus forte côté niçoise que marseillaise. Alors ce soir, il se passera forcément quelque chose. Au pire, il restera les forums internets pour régler ses comptes. Comme d’habitude.
Par Mathieu Faure