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La guerre de Troyes aura lieu

Par Yoann Crenn
La guerre de Troyes aura lieu

Sans faire de bruit, l’ESTAC est de retour. Emmenés par Jean-Marc Furlan, les - jeunes - héritiers des Rothen, Saïfi et Heurtebis ont décroché leur billet pour l’élite à la quasi-surprise générale. Mais le plus dur reste à faire pour un club à l’effectif et au budget restreints, qui présente pourtant quelques atouts pour rester dans l’élite.

Retour sur la montée

Si on rembobine la cassette d’un an, peu de gens auraient placé l’ESTAC sur le podium de Ligue 2 en fin de saison. Si les joueurs de Jean-Marc Furlan n’étaient pas attendus à pareille fête, c’est qu’ils s’étaient sauvés in extremis la saison précédente, avec deux petits points d’avance sur la zone rouge. Ce statut a permis au club de l’Aube d’avancer masqué toute la saison, pour coiffer Clermont et Sedan dans la dernière ligne droite. Dans les huit premiers pendant 29 journées, les Aubois n’ont pourtant passé que neuf journées sur le podium (dont les huit dernières), contre 25 pour les Auvergnats. Une régularité qui s’explique par une grosse défense, la deuxième de Ligue 2 (35 buts encaissés), et un parcours plus qu’honorable à domicile, avec seulement deux défaites au Stade de l’Aube. Rajoutons à ça un jeu fait de possession du ballon à outrance et d’attaques placées conclues le plus souvent par Marcos (12 buts), et voilà l’ESTAC presque logiquement en Ligue 1.

Pourquoi Troyes va galérer ?

Et maintenant ? « Cette année, ce ne sera pas la même histoire, admet l’entraîneur Jean-Marc Furlan. Je sais qu’il y aura plus de défaites que de victoires, il faut maintenant savoir si on a les compétences pour exister. Là, c’est un peu l’inconnu. » Concernant l’effectif, les hommes du président Masoni ont plus d’espoirs que de garanties. Sur les vingt joueurs qui composent actuellement l’effectif pro, douze ont joué quatre matchs de Ligue 1 ou moins. Si certains ont quelques dizaines de matchs de L1 dans les jambes (Drouin, Enza-Yamissi, Jarjat, Grax, Psaume), le groupe, en plus d’être restreint, semble peu armé pour tenir la distance. « Il nous manque quatre à cinq joueurs, avoue coach Furlan, qui espère faire venir des gars à minimum « 80 à 100 matchs de Ligue 1 » . Le retour aux sources de Benjamin Nivet (35 ans et 242 matchs en L1), déjà passé par le club entre 2002 et 2007, va dans ce sens. Mais ce sera loin d’être suffisant.

Pour convaincre des joueurs d’expérience de venir à Troyes, il n’y a pas trente-six solutions : soit il faut de l’argent, soit il faut attendre la fin du mercato pour enrôler ceux qui seront restés sur le bord de la route. Avec un budget atteignant 20 petits millions d’euros (soit environ dix fois moins que celui du PSG), le club va devoir se montrer patient. Ce qui veut dire plusieurs arrivées alors que le championnat aura déjà démarré. Ce qui n’est pas le meilleur moyen de créer une équipe-type opérationnelle au plus vite, d’autant que des concurrents directs comme Brest ou Reims se sont montrés actifs très tôt sur le marché des transferts.

Pourquoi Troyes va se maintenir ?

Si le groupe semble restreint, il n’en reste pas moins solidaire. De la descente en National il y a trois ans à la montée en Ligue 1 cette année, sans oublier le maintien laborieux la saison passée, cette équipe a tout vécu. Tout ça avec un noyau de six joueurs, duquel fait partie le capitaine Eloge Enza Yamissi. « On a prouvé que, mentalement, on était très forts. Ça fait plusieurs années qu’on joue ensemble, on connaît la mentalité de chacun. Et ça, c’est très important ! » , argumente le taulier de la défense troyenne. Le genre d’état d’esprit indispensable pour tenir un résultat contre une grosse écurie ou glaner des points importants contre des concurrents directs en fin de saison. Le groupe pourra aussi compter sur une stabilité, puisqu’un seul joueur partira – et pas des moindres -, en la personne du jeune latéral droit Djibril Sidibé (19 ans), courtisé notamment par l’OL et le LOSC. Selon le président Masoni, les joueurs clés comme Saunier, Rincon ou Thiago ont « une marge de progression intéressante » . L’insouciance liée à la découverte de la Ligue 1 peut aussi se transformer en atout.

Pour espérer rester en Ligue 1 à l’issue de la saison, Troyes pourra aussi compter sur une concurrence homogène. « Il y a quelques années, j’aurais été plus inquiet. Là, notre chance, c’est qu’il y a vraiment deux championnats en un : celui des gros et celui des autres, note Jean-Marc Furlan.Un championnat pour le maintien qui profite aux équipes promues. » Ces trois dernières saisons, seules trois formations sur neuf ont fait l’ascenseur (Boulogne en 2010, Arles-Avignon en 2011 et Dijon cette année). Réputée joueuse et techniquement au point, l’équipe troyenne a donc toutes ses chances dans cette lutte pour le maintien qui peut concerner un grand nombre d’équipes. À condition de ne pas gâcher trop d’occasions, notamment en contre. « S’il y a bien un domaine dans lequel il faut qu’on progresse, c’est la contre-attaque, parce qu’on va souvent être obligés de subir » , reconnaît le technicien passé par Strasbourg et Nantes. Habitué aux joutes de bas de tableau, son expérience ne sera d’ailleurs pas de trop pour sauver le club.

Pourquoi Troyes doit-il se maintenir ?

Penser à Troyes première division, c’est forcément évoquer les succès de l’ATAC des années 2000, emmenée par Rafik Saïfi, Samuel Boutal, Frédéric Danjou ou encore Jérôme Rothen. Après une honorable 7e place en D1 lors de la saison 2000-2001, la meilleure équipe de l’histoire du club remporte la Coupe Intertoto en 2001 face à Newcastle, avant d’être défaite par Leeds au deuxième tour de la coupe de l’UEFA. Le tout sous les ordres d’Alain Perrin. Rien que pour ça, le club mérite sa place dans l’élite.

Autre argument, l’ESTAC possède plusieurs caractéristiques d’un vrai club de Ligue 1. À commencer par son stade de l’Aube (20 400 places), refait en partie en 2004, qui n’a rien à envier à plusieurs clubs installés dans l’élite depuis plusieurs années, comme Nancy, Sochaux ou Lorient. Son centre de formation, classé 15e du pays, a été lancé il y a dix ans et commence à porter ses fruits. L’ascension de Blaise Matuidi, pur produit de la maison, en est le parfait exemple. Et, pour la première fois, le club vient de prêter quatre de ses poulains à des clubs de National, preuve de la vitalité du savoir-faire troyen. Et puis si on n’aime pas le foot, Troyes, c’est toujours une bonne occasion de faire du shopping. La ville de François Baroin, fidèle supporter, est connue pour son savoir-faire industriel et ses nombreux magasins d’usine qui drainent chaque année des milliers d’assoiffés de bonnes affaires. Et les kops de supporters des 19 autres clubs en regorgent forcément.

Le joueur à suivre

Avec son pendant à droite Djibril Sidibé, le jeune latéral gauche Fabrice N’Sakala (21 ans) est le symbole de la formation troyenne. Si le premier nommé partira sans doute dans un club plus huppé, N’Sakala devrait, lui, rester une année de plus du côté de Troyes, malgré des sollicitations de Lyon ou Porto. Et ce ne serait pas du luxe pour les Aubois, avec qui il est sous contrat jusqu’en juin 2014. Arrivé au club à l’âge de 12 ans, ce milieu de gauche de formation est devenu un homme de base du dispositif de Jean-Marc Furlan la saison passée avec 31 matchs disputés (dont 30 comme titulaire).

Ce n’était pourtant pas gagné pour N’Sakala, qui n’avait disputé que six matchs en National la saison précédente. Le temps de se forger une expérience et d’apprendre toutes les ficelles de son nouveau poste de latéral, notamment en matière de placement. De retour au club, Benjamin Nivet prévient : « Il est plein de talent et a soif de découvir la Ligue 1. Il faudra le suivre de près. » Preuve de son ascension, le natif du Blanc-Mesnil a fêté sa première sélection en équipe de France espoirs en septembre dernier face au Portugal. S’il n’a pas rejoué en Bleu depuis, l’éclairage de la Ligue 1 pourrait lui permettre de revêtir la tunique tricolore très vite.

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