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La gamme de FA (Cup)

Par Maxime Brigand et Gabriel Cnudde
5 minutes
La gamme de FA (Cup)

Ce samedi, Manchester United et Crystal Palace se retrouveront en finale de la FA Cup. L'occasion de s'en mettre plein les yeux, mais aussi plein les oreilles. Car de l'autre côté de la Manche, qui dit FA Cup dit forcément musique.

C’est une liaison intime, depuis toujours. L’Angleterre est une terre de foot. Elle ne vit que pour ça. Et elle chante, surtout. Chaque enceinte a son cœur, chaque club sa référence. Rien ne peut changer l’histoire : Steve Harris est un Hammer, Damon Albarn un Blue, Elton John est un Hornet et les frères Gallagher sont des Citizens. On a aussi en mémoire ces mythes, le You’ll never walk alone d’Anfield, le I’m forever blowing bubbles des supporters de West Ham ou encore le Delilah de Stoke. Au fil de son histoire, le Royaume a avancé en musique jusqu’à l’inclure profondément dans sa culture foot. Mai 1970, le premier véritable ouragan. L’Angleterre est alors championne du monde en titre après son sacre à domicile en 66 et se prépare à partir défendre cette étiquette au Mexique. Bill Martin et Phil Coulter ont alors l’idée d’écrire une chanson pour les Three Lions : Back Home. Un succès commercial immédiat et un tube qui truste la tête des charts le 16 mai 1970. C’est le début d’une révolution culturelle, alors que les Beatles viennent de se séparer. Le succès se répétera vingt ans plus tard, avant le Mondial italien, sur un rap improbable de John Barnes. C’est l’histoire nationale. Reste que le succès des années 70 a lancé la tradition la plus belle de l’histoire du foot anglais : à partir de cet instant, chaque équipe finaliste de la FA Cup enregistrera un tube. Et un succès immédiat.

La révolution en chanson

Si le Royaume-Uni a toujours vécu au rythme de ses élucubrations musicales, il a fallu du temps aux footballeurs pour apprendre à réciter leurs gammes. Dans les années 1930, les Gunners sont les premiers à monter sur l’estrade. Plusieurs chansons, enregistrées par les joueurs de l’équipe première, sont compilées sur un disque pour gramophones. Trop mauvais ou simplement pas assez entraînants, les morceaux des Gunners ne trouvent pas beaucoup d’oreilles attentives à Londres. Coup de micro dans l’eau. Les footballeurs seraient donc contraints de s’en tenir aux reprises de volée pour laisser les envolées musicales aux gens qualifiés ? Les années passent, et cette théorie se confirme. Pendant quarante ans, plus aucune équipe ne se risque aux majeures et aux quintes, de peur de les esquinter. Seulement, après la Seconde Guerre mondiale, musique et football se prennent d’affection. Les célébrités d’alors se montrent de plus en plus dans les stades et déclarent leur flamme à telle ou telle formation. 1970 est l’année charnière de cette révolution musicale dans le monde du football britannique. Le succès de la chanson des Three Lions est tel que les footballeurs de tout le royaume se déride. Encore une fois, ce sont les Gunners qui ouvrent la voie à une tradition loufoque et tenace.

Un an plus tard, en 1971, Arsenal se qualifie pour la finale de la FA Cup. Une finale qui se disputera à Wembley face aux Reds de Liverpool. You’ll never walk alone est déjà un tube, et Jimmy Hill, expert à la London Weekend Television, ne le sait que trop bien. Il conseille alors aux Gunners d’enregistrer une chanson pour concurrencer le tube des Reds. Les supporters participent alors à un concours et ont la possibilité d’écrire ce qui doit devenir le prochain grand hymne d’Arsenal. Seulement, aucune création n’est retenue, et c’est finalement Jimmy Hill qui remporte le gros lot avec Good Old Arsenal. The Boys from Highbury se retrouvent donc tous en studio pour une session d’enregistrement forcément spéciale. À l’arrivée, les Gunners l’emportent sur Liverpool (2-1), mais l’accueil critique de la chanson est désastreux. Seuls les jeunes supporters apprécient cette chansonnette simple à retenir et donc à chanter. Il faudra du temps pour qu’elle soit finalement reprise dans l’enceinte d’Highbury. Qu’importe, la tradition est lancée. Depuis 1971, il est de coutume pour les finalistes d’enregistrer leur tube. Des créations artistiques souvent médiocres (souvent, il ne s’agit que de remaniements de paroles sur des chansons existantes), mais des succès commerciaux édifiants : Glory, Glory Man United, Shouting for the Gunners, Let’s dance, Hot Stuff…

Vidéo

La rénovation de Palace

1990. Assis sur le plateau de Derek Jameson sur Sky, Alan Pardew a les jambes qui tremblent. Le milieu de terrain de Crystal Palace a la mèche parfaite, mais semble en panne de confiance. Les Eagles s’apprêtent alors à disputer la première finale de FA Cup de leur histoire contre Manchester United et enregistrent alors un superbe Glad all over. L’image a marqué les esprits. Sur le terrain, Crystal Palace s’inclinera en deux temps (3-3, 1-0), et Sir Alex Ferguson remportera son premier titre avec United. Vingt-six ans plus tard, nous y voilà : Alan Pardew est devenu entraîneur de Crystal Palace et retrouve de nouveau Manchester United pour ce qui est la première finale de sa carrière de coach. L’histoire est belle, mais la tradition a progressivement disparu au fil des années 2000. Alors les supporters de Palace ont décidé de la faire revivre à leur façon avec l’enregistrement de deux titres : Glad all over again, interprété par le rappeur-comédien Doc Brown, et Red ‘N’ Blue Army, balancé par le cousin de Yannick Bolasie.

L’initiative de Palace a de quoi ravir la Football Association qui, depuis quelques années, met un point d’honneur à remettre la musique au centre de la compétition. Chaque année, les officiels de la FA organisent un Battle of Bands pour déterminer qui aura la chance de voir son morceau devenir l’hymne de la compétition pour l’année à venir. À chaque tour de la compétition, les supporters des équipes qui s’affrontent dans tout le Royaume peuvent voter pour choisir la chanson qui sera diffusée lors de l’entrée des joueurs sur la pelouse. Rebelotte pour la finale, où la chanson qui retentira aura été choisie par les spectateurs. Bien évidemment, les chansons proposées sont toutes composées et chantées par des groupes anglais ! De quoi préserver un peu plus cette exception culturelle et cette tradition qui, bien qu’elle perde un peu de sa superbe, survit d’année en année et de FA Cup en FA Cup.

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