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La Galice à l’heure de son derby
Il n’y a pas que Mariano Rajoy en Galice. Ce samedi, après cinq saisons de coupure, Celta Vigo et Deportivo La Corogne fêtent leurs retrouvailles en Liga. Pour un derby Gallego qui s’annonce chaud chaud chaud.
Real, Barça, Atlético, Valence… Que nenni, ce week-end, la Liga est dévolue à une affiche aussi peu glamour qu’authentique vu du reste de l’Europe. Car en Espagne, un Celta Vigo-Deportivo La Corogne n’a d’égal que le duel fratricide de Séville (n’en déplaisent aux derbys madrilène et barcelonais). Depuis bientôt 90 ans – et une première rencontre officielle le 10 mars 1929 – les deux équipes fanions de Galice se livrent une lutte acharnée. En jeu, la suprématie régionale de l’extrême Ouest espagnol. Après quelques années de purgatoire en Liga Adelante, et un derby sans saveur l’an dernier dans ce dit échelon inférieur, ces deux faux-frères se retrouvent ce samedi dans un Balaidos assurément plein comme un cocon. Une pouponnière qui, outre cette « question d’honneur » , dixit Richard Dutruel, offre son lot d’enjeux sportifs. Respectivement treizième et premier relégable, Celta et Depor ont faim de points. Bref, tous les ingrédients sont réunis pour assister à une soirée des plus excitantes. Dans une odeur de pulpo a la Gallega.
Bus caillassé, réveil nocturne, pour « une violence relative »
La rivalité entre Celtiñas et Blanquiazules est vieille comme le monde. Le monde du ballon rond, entendons-nous. Les deux plus grands bourgs de Galice – la région se caractérise par l’absence d’une métropole centralisatrice – s’affrontent depuis tout temps sur fond de domination territoriale. Car sur le plan national, chacun d’eux ne pèsent que peu : le Depor se pavane avec son titre en 2000 et ses deux Copa del Rey, tandis que le Celta n’a qu’une Coupe Intertoto à faire valoir. L’antagonisme prend forme dans l’entre-deux-guerres. Le football espagnol se plaît à se diviser au sein de championnats régionaux. À ce jeu, les deux équipes galiciennes se tirent la bourre sans arriver à se départager : les douze breloques dorées sont départagées dans la plus parfaite équité. Mais l’émergence de cette concurrence prend tout son sens dans les nineties. En 1994, douze mois après son retour dans l’élite, le Celta échoue de peu en finale de la Coupe du Roi. Six ans plus tard, il se qualifie pour la première fois de son histoire en Ligue des champions. Pourtant, c’est bien le Depor qui va prendre place dans le cœur de la majorité des Galiciens.
« Depuis les vingt dernières années, le Deportivo est devenu le club le plus populaire, il faisait la fierté des Galiciens. Grâce à des joueurs comme Bebéto et Fran, il était capable de rivaliser avec le Barça et le Real » , explique Juan Yordi, spécialiste du football Gallego à Marca. Au point de devenir Campeon d’Espagne peu après le bug de l’an 2000. De fait, de haine, il n’y a jamais vraiment eu entre les deux clubs. Ce que confirme Richard Dutruel, portier des Celestes quatre saisons durant : « Il y a une vraie rivalité, mais qui reste relativement soft entre les supporters. Il y a de l’ambiance, de la pression, mais très peu de violence. Je me rappelle juste de quelques coups de klaxons devant notre hôtel lors des nuits précédents un match au Riazzor. » Pour ce même Juan Yordi, l’anecdote la plus marquante reste « un jet de pierres l’an dernier lors de l’arrivée des bus. Finalement dans ces derbys galiciens, la violence reste verbale et relative comparée à votre OM-PSG, au derby de Séville ou à un Boca-River » . Pour preuve, ce samedi, l’effectif policier ne dépassera pas les 300 unités alors que seul un millier de Coruñeses est autorisé à faire le déplacement.
« La première date que tu regardes sur le calendrier »
Cette ambiance « bon enfant » n’efface pas l’enjeu sportif que cache cette affiche. « C’est le match attendu par toute la Galice. Quelques semaines avant le derby, tu sens une vraie attente du public, la presse locale en fait beaucoup. Et quand tu arrives, c’est la première date que tu regardes sur le calendrier » , se rappelle Richard Dutruel. L’éphémère gardien tricolore conclut, quelque peu frustré, « à mon époque, il y avait treize nationalités dans le vestiaire. Tu sentais vraiment avec un mec comme Salgado que ce derby revêtait une importance particulière. »
De retour depuis huit journées dans l’élite, les deux clubs ont fait une cure de jouvence. La crise économique est passée par là : « Lors de la période dorée du Celta et du Depor, il n’y avait vraiment que Vicente Alvarez et Fran de Galiciens. Aujourd’hui, avec la crise, les deux clubs ont dû se résoudre à beaucoup plus faire fonctionner leur Cantera. Tant et si bien qu’il y aura pas moins de huit titulaires galiciens dans les rangs du Celta, et trois du côte du Depor. » À n’en pas douter, ce derby gallego va faire valoir son authenticité en ce samedi.
Par Robin Delorme, à Madrid