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La France de Thierry Henry, tu l'aimes ou tu la kiffes
Ce vendredi, au moment de la bascule entre France 2 et France 3, Thierry Henry et ses Bleuets auront l'opportunité de se parer d'or. Il faudra avant ça faire tomber l'Espagne, mais au bout de ce rêve, il faudra aussi souligner le travail d'un sélectionneur qui a dû balayer les doutes pour tracer son propre chemin.
Le foot à onze ne serait donc pas un sport olympique, comme il est défini dans l’imaginaire collectif. Pourtant, lundi soir, l’équipe de France masculine a fini par trouver sa place dans un tableau marqué par l’envol d’Armand Duplantis à 6,25 mètres, la qualif’ des Lebrun et leurs copains au ping, ou encore le scénario rocambolesque du basket 3×3. Le doublé de Mateta et le récital de Olise pour éliminer l’Égypte (3-1, AP) ont eu le mérite de reconnecter par les émotions et les performances un tournoi qui s’est en grande majorité déroulé en région, à distance de la bulle d’émerveillement qui entoure un Paris olympique.
Au milieu des décrochages et du zapping imposé par France Télévisions, un homme a sué, s’est crispé puis a eu le droit de exulter : ses garçons ont poinçonné leur ticket pour rejoindre le Parc des Princes et la finale des Jeux maison, synonyme de médaille. Lui, c’est Thierry Henry, et le sélectionneur des Espoirs n’a jamais été aussi prêt de réaliser un rêve qui n’a jamais été autrement que doré.
L’olympien moderne
Le charismatique sélectionneur des Espoirs a su insuffler une dynamique pour que le foot apporte sa pierre à l’édifice et que l’édifice porte également le foot. « Ce qui fait plaisir, c’est pour la Team France car quand tu vois tout le monde prendre des médailles à droite, à gauche et toi, tu te dis c’est à nous de ne pas laisser tomber les gars », se gargarisait-il. Voilà la force de Thierry Henry : savoir créer une osmose collective tout en étant en phase avec son environnement. Ainsi, le voir danser au milieu de cette équipe qui a eu tant de mal à être composée – la faute à un monde pro voyant ce tournoi uniquement comme un contre-temps entre deux saisons déjà bien chargées – a quelque chose de grisant.
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Thierry Henry, c’est un ego. Une arme indispensable pour trouver une place dans cette histoire ; mais aussi un poids qui a pu gâcher ses expériences précédentes de coach n°1 à Monaco et Montréal. « Le truc le plus dur, avec un ancien grand joueur qui devient coach, c’est que tout le monde te rappelle toujours tes moments de joueur », justifiait l’ancien attaquant international dans les colonnes de L’Équipe, avant d’assurer qu’il a fini par faire la part des choses. « Je comprends ça [aujourd’hui], alors qu’à Monaco je ne le comprenais pas. […] Ma carrière me précède, ok, mais là elle ne m’aide pas, là. Ça n’a plus rien à voir. Donc il ne faut pas trop s’attarder dessus. » Il a donc fallu faire son chemin avant de vouloir le tracer pour de jeunes joueurs.
Au-delà de l’or
De fait, la légende des Gunners a su se tailler un costume sur mesure, finalement pas si différent de celui que lui avait dessiné la FFF au moment de sa nomination en août dernier : un figure de proue médiatique et sportive, capable d’incarner un projet parallèle à celui mené Didier Deschamps, récité dans tout un autre style narratif. Le scénario de ces olympiades, en miroir d’un Euro frustrant pour les grands Bleus, ne fait que lui donner raison et renforce sa légitimité, lui qui à chaque occasion associe à sa réussite Gérald Baticle, Gaël Clichy et Jérémie Janot, son staff aux tâches bien réparties.
Le bricolage qu’il a dû opérer a permis d’avoir un groupe de 18 qui lui ressemble, frais, insouciant et bosseur. « Depuis le début, j’appelle les joueurs « les fous », résumait l’ancien consultant Prime Video. La manière dont ils ont travaillé, je les ai vus à l’agonie dans certains exercices, ils se relevaient et ils repartaient. C’est là que je me suis dit « Mais ce sont des fous, ces gars-là ». » Pas de stars, un capitaine Lacazette qui force le respect, deux jokers Mateta et Badé qui ont tout de la bonne pioche, tous mis sur un pied d’égalité avec des U23 qui avaient tout à gagner dans cette aventure. Ça n’a en aucun cas empêché le public de suivre le parcours ou de se fondre dans le casting d’un été magique pour la France. « On a un beau pays quand même. Quand on décide d’être ensemble, on est inarrêtable, quelle que soit l’issue de la compétition, savourait Henry à la veille de la finale. Quand on sait se réunir et s’unir, on est pas mal, quand même. »
Finalement, Thierry aura montré qu’on peut gagner douloureusement sans être d’un froid pragmatisme. Il a montré qu’un sélectionneur peut fédérer sans tout fermer. Il a prouvé qu’une communication fluide n’exposait pas forcément ses plans. Un autre management est donc possible. D’ailleurs, cette ruée vers l’or semble avoir fait de lui un candidat crédible pour la succession de l’inamovible Deschamps. « Ne brûlons pas les étapes, a dissipé Philippe Diallo, le patron de la FFF. Quand je l’ai nommé Thierry Henry à ce poste, certains qui ont douté compte tenu de ce qu’il avait fait précédemment. J’avais confiance en lui et il est en train de le prouver. Il y a encore cette étape à franchir et puis l’année prochaine, il y aura l’Euro Espoirs 2025. Il y aura ce nouveau challenge à relever, il faut que chacune des étapes soit franchie avant de parler d’autre chose. » Si c’est un marathon qui l’attend, Titi est prêt à le démarrer avec médaille d’or olympique autour du cou.
Par Mathieu Rollinger