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La France aux JO, la flemme olympique

Par Clément Gavard
La France aux JO, la flemme olympique

Si les clubs sont une cible facile pour expliquer l'échec de l'équipe de France aux Jeux olympiques, celui-ci a surtout un peu plus révélé les dysfonctionnements entre les instances et les acteurs du football hexagonal. Reste à savoir si le fiasco de Tokyo, qui avait commencé bien avant le début du tournoi, servira de leçon avant les JO de Paris 2024.

La première aventure olympique de l’équipe de France depuis 25 ans a pris fin comme elle avait débuté : par une raclée et une bouillie collective. Ce mercredi, à Yokohama, les Bleus ont été incapables de faire illusion dans une partie totalement maîtrisée par le Japon, pays hôte et supérieur en tout point à son adversaire du jour. Après la gifle reçue par le Mexique en ouverture la semaine dernière (4-1), les Bleus ont tendu l’autre joue face aux Nippons (4-0), trois jours après avoir décroché un succès inespéré contre l’Afrique du Sud (4-3).

André-Pierre Gignac, impliqué dans les cinq buts marqués pendant la compétition, aura seulement retardé l’échéance d’un fiasco annoncé. « C’était compliqué de A à Z, il faut dire ce qui est, concédait l’attaquant des Tigres à L’Équipe quelques minutes après l’ultime défaite. On a essayé, on a tout donné, mais les équipes sont prêtes, collectivement et physiquement. Il n’y a pas d’excuses à avoir, mais on a vu aujourd’hui une équipe à la maison, qui veut gagner les Jeux, et qui a amené un gros groupe, comme le Mexique l’a fait. » Un mois tout pile après la sortie des champions du monde à l’Euro contre la Suisse, ce nouvel échec n’a ni la même importance ni la même résonance que celui de la bande à Didier Deschamps, mais il raconte quelque chose des instances, et plus généralement des acteurs, du football français.

Des responsabilités partagées

Après la déconvenue vient la question des responsabilités. À qui la faute ? Certains pointeront le sélectionneur Sylvain Ripoll, d’autres les nombreux clubs français qui ont refusé de lâcher leurs joueurs en pleine préparation pour les laisser filer au Japon. Un constat, déjà : le technicien de 49 ans ne peut pas être considéré comme seul coupable sur le banc des accusés, l’effectif à sa disposition étant un assemblage de joueurs sans cohérence ni réflexion. Seulement, l’ancien coach de Lorient n’avait pas fait beaucoup mieux à l’Euro espoirs avec un groupe autrement plus compétitif, éliminé en quarts de finale, mais loin des attentes légitimes dans le contenu des matchs. Reste qu’il n’est pas question ici de trouver un unique fautif, chacun devant prendre ses responsabilités et cesser de pointer les autres du doigt.

Ces deux échecs successifs encadrant celui des grands à l’Euro ont mis en exergue une cacophonie ambiante devenue insupportable ces dernières années, entre deux instances (la FFF et la LFP) davantage intéressées par leurs nombrils et incapables de penser le football hexagonal dans sa globalité. Cela fait maintenant plusieurs décennies que les sélections jeunes comptent presque pour du beurre en France, ce qui n’a bien sûr pas empêché les Bleus de monter sur le toit du monde en 2018. Une question de culture nationale, quand l’Espagne mise par exemple sur ses jeunes pousses pour établir une politique sportive et une philosophie de jeu dès le plus jeune âge. Si le fiasco de Tokyo ne doit pas tout remettre en cause, il aura été un parfait révélateur des dysfonctionnements institutionnels en haut de la pyramide du football français. Pas de quoi pousser Noël Le Graët à faire un début d’autocritique, le président de la FFF préférant juger l’élimination de la France « inévitable », sortir quelques poncifs ( « Il peut arriver qu’on gagne, parfois qu’on perde. » ), et annoncer son envie légitime de discuter avec Gianni Infantino pour que les JO soient « des dates FIFA » (Le Parisien). Paris 2024, c’est déjà dans trois ans.

L’enjeu Paris 2024

Si les JO n’auront jamais le poids d’un Euro ou d’une Coupe du monde sur la planète foot, la France ne pourra pas se permettre d’être aussi ridicule dans le sport roi aux prochains Jeux. Une question de fierté et de symbolique. « On parle quand même d’une difficulté à constituer une liste pour aller en équipe de France, c’est assez dingue, déplorait Paul Bernardoni, l’un des rares joueurs présents dans la liste quand les Bleus s’étaient qualifiés pour les JO en 2019, dans Le Parisien avant la rencontre face au Japon. Il ne va pas falloir passer pour des cons encore une fois, car ça ne fait pas hyper sérieux de sortir une liste dans laquelle la moitié des joueurs n’y vont pas. Si on peut retenir cette leçon pour 2024, c’est au moins ça, mais c’est dommage qu’il faille en passer par là. » Même son de cloche chez Gignac, rancunier contre les clubs ayant refusé de laisser leurs poulains à disposition : « Je n’ai même pas de message, car pour 2024, ils auront l’équipe et les joueurs qu’il faut, car ils seront libérés puisqu’on est en France. Quand on voit ici six joueurs de l’équipe d’Espagne, qui est allée en demi-finales de l’Euro, on voit les patriotes et ceux qui… Ce n’est pas terrible…(…)Mais les plus hautes instances vont leur taper sur les doigts, et il n’y aura plus de bâtons dans les roues en 2024. »

Pour cela, il faudra que les différents acteurs se posent autour d’une table pour éviter les ping-pong médiatiques entre joueurs (Mbappé, Griezmann, etc.), les clubs (le PSG) et les dirigeants (Le Graët). Autrement dit, établir une véritable stratégie pour ne pas avoir à subir les évènements comme au début de l’été. « Ce n’est pas facile. Si les Jeux ne sont pas prioritaires, ce n’est pas un hasard, déplorait Tony Estanguet, président du comité d’organisation des Jeux de Paris 2024, lors d’une rencontre avec la presse quotidienne régionale récemment. Je regrette que des joueurs comme Mbappé, Griezmann, des plus jeunes, ne puissent faire les Jeux alors qu’ils en rêvent, ils le disent eux-mêmes, et on ne leur permet pas. » Dans trois ans, la réalité sera pourtant la même, l’Euro 2024 (7 juin-7 juillet) passera logiquement avant les Jeux olympiques (26 juillet-11 août), et les décideurs n’auront probablement pas changé. Autant dire que le rêve d’une médaille d’or quarante ans après celle de 1984 est encore loin de se transformer en réalité.

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