- CDM 2019
- Gr. C
- Nigeria-France
La France, Afrique dans la poche
Face aux équipes africaines, les Bleues se promènent et n'hésitent pas à infliger de sévères raclées. Une supériorité dans le jeu logique, au vu du retard pris par le foot féminin de ce continent qui ne dispose pas encore des mêmes moyens que la France. Reste que le Nigeria ne s'avance pas en victime expiatoire.
9 octobre 2018, au stade des Alpes de Grenoble. À la 88e minute de jeu, Griedge Mbock transforme son penalty pour clore la soirée et s’offrir un doublé. Avant elle, Kenza Dali (doublé également), Kadidiatou Diani et Eugénie Le Sommer (un but chacune) sont déjà passées par là. En face, les Camerounaises doivent se résoudre à l’évidence après cette partie amicale perdue 6-0 : cette équipe de France, qui n’a concédé qu’une seule frappe cadrée et a gardé la sphère 67% du temps, est trop forte pour elles.
Peut-être sans le savoir, les Bleues viennent en réalité d’élargir une plaie déjà bien large dans le corps du football africain féminin. Car il suffit de regarder dans le rétroviseur, et observer les chiffres de l’histoire pour se rendre à l’évidence : le continent des Lionnes indomptables souffre atrocement à chaque fois qu’il défie la nation hexagonale.
Des raclées assez logique
En moins de vingt ans, la France a croisé la route d’un pays africain à neuf reprises. Cela paraît peu, mais c’est bien assez pour se faire plaisir à outrance : sur cette petite dizaine de confrontations, les Bleues n’ont connu que la victoire et ont inscrit la bagatelle de… 54 buts ! Un bilan qui a démarré avec un succès 6-1 sur la Côte d’Ivoire en avril 1992 à Lyon, qui s’est poursuivi avec un 14-0 devant l’Algérie en mai 1998 en Bretagne et qui s’amplifie depuis le début des années 2000 (6-0 au Maroc en mars 2008, 8-0 face au Ghana en octobre 2017 à Reims…).
Évidemment, ce constat s’explique aisément par le développement incomparable du foot féminin dans les deux territoires. Alors que les Tricolores sont nées au tout début des années 1920 et que les moyens (financiers, humains et médiatiques) du ballon rond pour les Françaises sont constamment boostés (même si cela ne va pas assez vite et reste insuffisant, pour certains), le Nigeria – pays africain le plus avancé dans ce domaine, en témoignent ses onze Coupes d’Afrique des nations glanées – a par exemple dû attendre la fin des années 1980 pour voir émerger des clubs dignes de ce nom sous l’impulsion de la femme d’affaires Princess Bola Jegede qui a fait énormément pour le foot féminin nigérian.
L’incertitude du foot, toujours
En résulte alors – et enfin ! – le tout premier championnat national inter-clubs nigérian organisé à Lagos, en 1990. Toujours grâce à Princess Bola Jegede, qui sponsorise la compétition en fournissant même le trophée avec l’approbation de la Fédération. Pourtant, le contexte au pays n’est pas favorable à cette évolution. « Quand nous avons commencé, les gens disaient que les femmes ne devraient pas montrer leurs jambes, ou qu’elles ne pourraient pas avoir de bébés… » , rappelait ainsi une autre figure du foot féminin nigérian, Gina Yeseibo, dans des propos relayés par le New York Times en juin 1999.
C’est dire si le foot féminin africain dans son ensemble a connu, et connaît encore un conséquent retard sur celui des pays les plus évolués du monde dans la matière. Mais attention : ces éléments ne signifient en aucun cas que l’EDF va se balader Route de Lorient (Rennes) face au Nigeria, qui peut encore se qualifier pour les huitièmes de finale, lors du troisième match de poules et coller tranquillement son set de tennis. Si elles ont encaissé un sévère 8-0 au Mans en avril 2018 face au même adversaire, les Super Falcons avaient bien embêté les Bleues en Allemagne au Mondial 2011 pour la seule rencontre des Tricolores contre une équipe africaine dans un tournoi officiel. En poules, déjà, Marie-Laure Delie avait inscrit le seul but de la rencontre. Signe que l’Afrique sait aussi se mettre au niveau… Même s’il faudra certainement encore attendre un certain investissement (comme de meilleures infrastructures) pour qu’elle puisse définitivement voir plus haut.
Par Florian Cadu