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La folle saison de Diego Godín
C'est lui qui a marqué le but qui a offert le titre de champion à l'Atlético Madrid. C'est lui qui a marqué en finale de Ligue des champions, même si l'Atléti s'est finalement incliné. Et c'est lui, aussi, qui a qualifié son pays pour les huitièmes de finale du Mondial. Tout ça en étant défenseur central. Lui, c'est Diego Godín.
Il y a des saisons, comme ça, où tout vous sourit. Prenez donc Diego Godín. Le défenseur de l’Atlético Madrid est en train de vivre une année 2014 complètement dingue. Celle-ci commence le 23 janvier. L’Uruguayen marque le seul but de la rencontre face à l’Athletic Bilbao et permet à son club de s’imposer 1-0. Derrière, il ne s’arrête plus : des buts face à Valladolid et Getafe en répétition générale et, le 17 mai, la représentation finale. Alors que l’Atlético Madrid est mené 1-0 sur la pelouse du Barça, pour le match qui détermine qui des deux formations sera sacrée championne d’Espagne, le grand Diego déploie son mètre quatre-vingt-cinq dans la surface catalane et catapulte le ballon au fond des filets. 1-1. L’Atlético Madrid remporte la Liga, après 19 années d’attente.
Une semaine plus tard, Godín refait le coup. En finale de Ligue des champions, il inscrit le but qui aurait pu permettre aux Colchoneros de réaliser un doublé historique. À une minute près, il aurait été le héros. Ce n’est que partie remise. 24 mai – 24 juin. Un mois tout rond après la désillusion en C1, Godín ressort son casque d’or. Ou plutôt, son épaule d’or. Alors que son pays est virtuellement éliminé du Mondial à huit minutes du terme, il vient placer sa tête, son dos et ses épaules sur un corner, et trompe un Gigi Buffon qui semblait pourtant bien parti pour ne rien laisser passer. Cette fois-ci, pas de Sergio Ramos pour gâcher la fête : Godín est bien le héros. Celui qui envoie l’Uruguay en huitièmes.
Autant de buts en 2013-14 que depuis le début de sa carrière
En Uruguay, un Diego peut vite en remplacer un autre. Diego Lugano n’a, à l’évidence, plus les jambes pour soutenir l’arrière-garde de la Celeste, comme il avait pu le faire en 2010. Du coup, c’est Diego Godín qui prend le relais. Désormais promu au rang de capitaine, le défenseur de l’Atlético Madrid dispute là son deuxième Mondial. Mais celui-là a clairement un goût particulier. En 2010, lorsqu’il se présente en Afrique du Sud, il n’est pratiquement personne. Le défenseur central formé au Defensor Sporting, puis passé par le Cerro et le Nacional vient de disputer trois saisons correctes avec Villarreal, et est convoité par l’Atlético Madrid. Son sélectionneur, Óscar Tabárez, l’aligne pour les deux premiers matchs de poule, face à la France et l’Afrique du Sud, puis le met sur le banc pour le dernier match. Lors du huitième de finale face à la Corée du Sud, Godín est remplacé à la pause. Puis il est laissé sur le banc pour le quart de finale épique face au Ghana, mais est à nouveau aligné lors de la demi-finale face aux Pays-Bas. Ses prestations convainquent définitivement l’Atlético Madrid de débourser 8 millions d’euros pour le faire signer. Début de l’ascension.
Lors des quatre années qui suivent, Godín accumule 40 sélections avec la Celeste, jusqu’à dépasser aujourd’hui la barre des 80 capes. Surtout, il s’impose comme un titulaire indiscutable à l’Atlético Madrid, notamment après l’arrivée de Diego Simeone (encore un autre Diego), qui l’associe au Brésilien Miranda. Bien que cette paire de défenseurs ne fasse pas de la vitesse son atout principal, elle se montre extrêmement solide, et permet notamment aux Matelassiers d’aller décrocher la Copa del Rey en mai 2013, en battant en finale le Real Madrid. Godín est aussi de l’expédition brésilienne pour la Coupe des confédérations, en 2013. Mais c’est véritablement au cours de la saison 2013/14 qu’il atteint, à 28 ans, son meilleur niveau. L’Atlético Madrid termine meilleure défense de Liga (26 buts encaissés en 38 journées, 7 de moins que le Barça et 12 de moins que le Real) et Godín, titulaire à 34 reprises, inscrit 8 buts toutes compétitions confondues. Soit pratiquement autant que depuis le début de sa carrière.
Les Anglais sur le coup
Malgré cette saison monstrueuse, Godín n’est pas forcément considéré à sa juste valeur par le grand public. Avec ses grosses dents et sa mâchoire en avant, il n’a ni la dégaine d’un Sergio Ramos ni la classe d’un Thiago Silva. On le qualifie même de « bourrin » , ou de « boucher » , comme cela a été le cas après le match de poule face à l’Angleterre, il y a quelques jours, où il aurait dû être logiquement expulsé (et donc ne pas jouer le dernier match face à l’Italie…). Mais Godín se cogne de sa réputation. Lui préfère répondre par les faits. Et cela fonctionne à tous les niveaux. D’une part, Tabárez n’a désormais plus aucune intention de le mettre parfois sur le banc, comme en 2010, et ce, malgré le risque de suspension qui plane désormais sur le joueur, à cause de ce carton jaune reçu face aux Anglais. De l’autre, de nombreux clubs anglais ont jeté leur dévolu sur lui : Manchester United, Manchester City et Chelsea. Pour le moment, Godín a assuré qu’il voulait rester à Madrid, mais les éternels problèmes financiers du club rouge et blanc pourraient changer la donne. Surtout si l’Uruguay réalise à nouveau un gros parcours lors de cette Coupe du monde, et que la valeur marchande du défenseur grimpe encore en flèche. Et dire qu’en 2003, ce gars-là avait été transféré au Cerro pour la somme de 27 euros…
Éric Maggiori