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La folle histoire du Cornellà-El Prat
Un stade sur deux communes et un fantôme qui le hante. Malgré son jeune âge, le Cornellà-El Prat, enceinte ultra-moderne de l'Espanyol Barcelone, a déjà de nombreuses histoires à conter. Une enceinte qui reçoit ce mercredi deux clubs visiteurs : l'UE Cornellà et le Real Madrid.
Cornellà-El Prat : un stade, deux communes, et un locataire de la métropole voisine. L’enceinte de l’Espanyol Barcelone est un épiphénomène. Une exception en Première Division espagnole, où tous les clubs évoluent dans un stade de leur propre ville. Construite en 2009, elle raconte déjà de nombreux souvenirs et autres surprises de la vie. Pour l’entrée en lice des pensionnaires de Liga en Coupe du Roi, le Cornellà-El Prat, également connu sous l’appellation un tantinet publicitaire de Power8 Stadium, s’apprête à recevoir le tenant du titre, le grand Real Madrid. Pour autant, les locaux ne répondront pas au sobriquet de Pericos. Toujours en lice, l’Unió Esportiva Cornellà, actuellement septième de son groupe de Segunda Division B (troisième division espagnole, ndlr), est le premier adversaire du Real Madrid et la seconde équipe à faire du « Corneprat » son domaine. Solidarité catalane oblige, le second club de Barcelone met à disposition son enceinte classée catégorie 4 sur l’échelle des critères de l’UEFA – un statut qui lui permettrait d’accueillir les finales de Ligue des champions ou de Ligue Europa – au club voisin et ami de Cornellà. Présentation sous le signe d’un pèlerinage en hommage à Dani Jarque.
Du ciel, la première vision de Barcelone
Les prémices du projet remontent à 2002. Alors que l’Espanyol évolue toujours dans le vétuste stade de Montjuïc, enceinte olympique construite pour les Jeux barcelonais de 1992, il souhaite s’offrir une pérennité économique. Pour survivre à côté du grand voisin du FC Barcelone, la direction des Perruches rachète pour 360 000 euros 18,2 hectares de terrain. Déjà, une première anecdote : cette parcelle située au nord de la capitale catalane ne se trouve pas dans le territoire barcelonais. Pis, elle est étendue sur deux communes limitrophes, celles de Cornellà de Llobregat et d’El Prat de Llobregat. Le temps d’acquérir le permis de construire de la part des deux municipalités, les travaux commencent dans le courant de l’année 2003. Entièrement financés par les caisses du club, ils coûteront un peu moins de 60 millions d’euros et seront terminés le 5 juin 2009. Le projet est en réalité un iota plus pharaonique. Pour faire de cette enceinte un lieu de prospérité, l’Espanyol a dû démarcher à la Generalitat de Catalogne l’autorisation d’agrandir une ligne de métro et a fait le forcing pour imposer un centre commercial. Cette zone, financée en intégralité par l’entreprise LAR, aura coûtée 40 millions d’euros.
Une fois le projet terminé, l’un des architectes de l’édifice, Esteban Gasulla, explique que « pour beaucoup de visiteurs, ce sera la première grande image qu’ils auront en arrivant à Barcelone depuis l’aéroport » . Mieux, avec sa toiture en panneaux photovoltaïques, il est l’un des premiers stades propres de sa génération. Des caractéristiques environnementales rares pour une enceinte d’une capacité de près de 40 000 places qui ont valu au désormais Power8 Stadium – du nom d’une société de jeux en ligne – le prix de meilleur stade au monde (Stadium Business Award) en juin 2010, devant des enceintes telles que le Cowboys Stadium de Dallas ou le Millennium Dome de Londres. Pas dégueu. Mais la plus grande fierté des supporters pericos est d’avoir battu, lors du match d’inauguration, le grand Liverpool FC. Le dimanche 2 août 2009, devant une audience au grand complet, l’Espanyol s’impose 3-0 grâce à des buts de Luis García et un doublé de l’Israélien Ben Sahar. Le premier capitaine barcelonais à porter le brassard dans le Cornellà-El Prat était alors Dani Jarque.
Le fantôme de Dani Jarque
Dani Jarque, un nom qui résonne aujourd’hui comme celui d’un fantôme. Six jours après l’inauguration en grande pompe du Cornellà-El Prat, le capitaine de l’Espanyol, alors en stage à Florence, s’écroule dans sa chambre d’hôtel. Foudroyé par une crise cardiaque, son cœur ne battra plus jamais. Dès lors, le stade devient le lieu de recueillement de milliers de supporters, venus apporter soutien à la famille et honneur au défunt. Au club depuis son enfance, Dani Jarque vit à travers les arcanes de Cornellà. Le 16 avril 2010, à l’occasion du derby de la capitale catalane, la Porte 21 du stade devient la Puerta Dani Jarque. À cette entrée du stade, une statue du capitaine éternel trône fièrement, aux côtés de nombreuses écharpes, drapeaux, maillots… Et le marcel d’Andrés Iniesta qui, lors du but de la finale du Mondial 2010, avait délivré le message suivant : « Dani Jarque siempre con nosotros » . Considéré tel un seigneur par les Pericos, Don Andres, ami très proche du défunt, a ainsi reçu, le 18 décembre 2010 lors d’un derby, l’ovation la plus émouvante de l’enceinte des Pericos. Un Blaugrana célébré par ses ennemis : le football est grand, le Cornellà-El Prat également.
Ovation d’Iniesta par le Cornellà-El Prat le 18 décembre 2010
Par Robin Delorme, à Madrid