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La folle aventure de l’Atlético Tucuman

Par Arthur Jeanne
5 minutes
La folle aventure de l’Atlético Tucuman

C’est une histoire que seule la Copa Libertadores peut offrir. Arrivé une heure et demie en retard et sans ses tenues au stade Atahualpa de Quito à cause d’un avion qui ne décollait pas, l’Atlético Tucuman a finalement pu disputer le match qui l’opposait au Nacional. Grâce à l’intervention de l’ambassadeur argentin. Et Tucuman s’est même qualifié. Retour sur une soirée épique.

Pour sa première participation à la Copa Libertadores, le club argentin de l’Atlético Tucuman n’imaginait pas vivre pareille aventure. Certes, le match nul 2-2 concédé à l’aller face aux Équatoriens du Nacional laissait présager un déplacement franchement coton à Quito et ses 2850 mètres d’altitude. Mais rien ne laissait augurer cette entrée sur la pelouse avec le maillot de la sélection argentine, une heure et trente minutes après le coup d’envoi officiel.

Tout commence à l’aéroport de Guayaquil, la seconde ville équatorienne. Pour ne pas souffrir des effets de l’altitude, les Argentins ont décidé d’atterrir sur la côte Pacifique et d’y préparer le match. Ils doivent arriver à Quito trois heures avant la rencontre. Le mardi 7 février vers 14h30, ils montent donc à bord du vol charter qui doit les conduire en 45 minutes dans la capitale et les soucis commencent. « On ne nous a donné aucune explication, nous sommes montés dans l’avion et quand nous allions décoller, le pilote a annoncé qu’il y avait un problème avec les papiers de l’appareil et que le vol serait retardé de dix minutes. Finalement, nous avons attendu une heure et demie, le tout sans air conditionné. En fin de compte, ils ont ouvert les portes de l’avion et nous avons dû descendre. Nous avons attendu trente minutes sur la piste, personne ne savait quoi faire, mais aucune autorité n’est venue pour expliquer aux 118 personnes qui étaient sur la piste ce qu’il se passait » , rapporte l’entraîneur Pablo Lavallen.

Le général Tito Manjarrez inflexible

En fait, la direction générale de l’aviation civile équatorienne annonce que l’avion n’est pas en phase avec les règles en vigueur. Paniqué, le président du club, Mario Leito, fait des pieds et des mains pour que ses joueurs puissent se rendre à Quito. Il parvient in extremis à réserver 30 places sur un vol commercial de la LATAM qui doit décoller à 18h30 de Guayaquil, soit 45 minutes avant le coup d’envoi. Un nouveau problème surgit. « J’ai acheté 6 places en plus pour que les équipements puissent prendre le même vol, mais les autorités ont refusé » , rapporte Leito. Il contacte alors la sélection argentine des moins de vingt ans. Par chance, l’Albiceleste se trouve à Quito où elle dispute le championnat sud-américain. Le rendez-vous est donné au stade Atahualpa où les intendants de la sélection livreront maillots, shorts et crampons aux joueurs de Tucuman. Reste un souci essentiel à régler : faire accepter aux dirigeants du Nacional que le match débute en retard. Leito contacte le président du Nacional, le général Tito Manjarrez. Celui-ci se montre dans un premier temps inflexible : il attendra les 45 minutes autorisées par la Commebol, pas une de plus, faute de quoi le match sera remporté administrativement par les Équatoriens. C’est alors que Mario Leito décide d’abattre sa dernière carte, contacter l’ambassadeur argentin Luis Juez pour que celui-ci joue un rôle de médiateur.

Sprint de 400 mètres et 150 km/h sur l’autoroute

Juez n’est pas le genre d’homme à se défiler. Que pourrait-il faire d’autre d’ailleurs ? « Depuis le dimanche, j’étais en contact avec les hinchas qui étaient arrivés en Équateur. Je leur avais demandé de bien se comporter et de ne pas faire n’importe quoi dans les rues. Comment aurais-je pu contenir les milliers de fans de Tucuman si le match ne se jouait pas ? » Alors que l’avion des joueurs atterrit à Quito, un quart d’heure après l’horaire officiel du coup d’envoi, Juez les attend sur le tarmac. « On s’était arrangés avec le commandant de bord pour que les joueurs sortent en premier de l’avion. J’ai dit à Lucchetti, le premier joueur que j’ai vu descendre, que nous allions faire un sprint de 400 mètres jusqu’au bus. Toute l’équipe a suivi en courant. C’était une folie » , se marre-t-il. S’engage alors une course contre le temps et les dirigeants du Nacional. Juez appelle le général Manjarrez et le supplie : « Attendez-nous, cela n’était pas la faute des dirigeants ou des joueurs de Tucuman si l’entreprise d’aviation n’avait pas ses papiers en règle. Ne nous cassez pas les couilles avec le règlement. Je vous le demande au nom de l’ambassade, du gouvernement argentin et du peuple, je vous demande de nous attendre ! » Manjarrez finit par céder. Pendant ce temps-là, le bus file à 150 kilomètres à l’heure dans les rues de Quito ! Les joueurs sont inquiets : « Le car allait à toute allure, on n’était pas sereins, on se serait cru dansFast and Furious 7. À cinq minutes du stade, il s’est arrêté brusquement. Le chauffeur a dit que si l’on continuait comme ça, le moteur allait exploser. Il a essayé de le faire redémarrer et au bout de trois tentatives, on est repartis » , raconte le milieu Nery Leyes.

Finalement, les joueurs arrivent à bon port une heure après le début du match. Ils foncent dans les vestiaires, récupèrent leurs équipements. Certains doivent mettre des chaussures trop petites, d’autres des maillots trop serrés. « C’était incroyable de voir les joueurs essayer les tenues des -20 ans. Certains avaient les doigts de pied qui sortaient des chaussures, on aurait dit des escarpins, d’autres des maillots tellement moulants qu’on aurait dit du body painting » , s’esclaffe le truculent Juez. Nery Leyes, lui, rêve les yeux ouverts : « C’était hyper étrange, je me suis dit qu’on était l’Atlético Tucuman avec le maillot de l’Argentine, mon rêve de gosse, mais au milieu d’une situation tellement étrange. »

Le match commence une heure et trente minutes après le coup d’envoi prévu, et malgré l’altitude, Tucuman, sous perfusion d’adrénaline, étouffe le Nacional. L’attaquant Fernando Zampedri offre en seconde mi-temps la qualification historique à son équipe. Le tout malgré des crampons bien trop petits : « J’avais enlevé la semelle pour avoir plus de place. Heureusement je n’ai pas eu d’ampoules et j’ai pu marquer. » Et faire exploser les 2000 fans de Tucuman présents à Quito. En remerciement de son aide, l’ambassadeur argentin aimerait quant à lui que les joueurs de l’Atlético lui accordent une faveur : « Je suis fan de Talleres de Córdoba, ça serait sympa que l’Atlético Tucuman leur offre les trois points en championnat ! »

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