La Fiorentina entre deux eaux
Après trois ans de bonheur, le club florentin fait aujourd'hui sa crise de croissance. Et se pose la question suivante : mourir avec ses idées, ça vaut le coup ou pas ? Début de réponse ce week-end.
Mais où est passée la Fiorentina ? Un si joli petit club, qui promettait tellement, avec ses joueurs gentils, son président sportif, son entraîneur humaniste, ses supporters plus éduqués que les autres. Bel esprit, belle ville, beau jeu. On leur promettait une montée en puissance régulière, des trophées à tire larigot et même, possiblement, un scudetto dès cette année. Mais la saison est bien avancée, et on sait déjà qu’il n’en sera rien : éliminé de la Coupe d’Italie, sorti de la Champion’s League dès les phases de poule, piteusement dégagé de l’UEFA en seizièmes de finale par un Ajax d’Amsterdam pourtant plutôt rance, le club phare de la Toscane émarge actuellement à la quatrième place du championnat italien, et tout le monde sait qu’ils n’iront pas tellement plus haut. Pas assez costauds, tout simplement.
Un surplace suffisant pour que la belle mécanique se grippe d’un coup. Donadel, son milieu de terrain, l’a lucidement expliqué à la Gazzetta dello sport: « Ces derniers jours le mister était un peu nerveux, car son équipe n’arrive pas à exprimer le football qu’il souhaiterait » . Nerveux, Prandelli ? On le dirait, effectivement. Depuis quelques semaines, la frustration s’est emparée de Florence, et ce n’est pas du goût du coach des Viola, pourtant considéré comme un demi-Dieu par toute la ville depuis maintenant quatre ans. A tel point qu’en conférence de presse, l’entraîneur, d’habitude si pondéré et positif, a laissé poindre comme un genre d’agacement. « Nous avons le budget pour jouer la cinquième ou la sixième place et nous sommes quatrième. C’est bien, d’ailleurs nous sommes pris en exemple partout en Europe, et pourtant à Florence nous sommes critiqués. Ici, il y a une tendance à l’autodestruction qui ne me plaît pas. L’attente des gens est déconnectée de la réalité. Aujourd’hui, mon moral est bas, et à la fin de saison, je réévaluerai le projet, plus que jamais » . Ouch.
Prandelli partant, c’est une perspective qui semble effrayer le club. Pour couper court à toute critique et rassurer le mister, le club a d’ailleurs publié des statistiques pour fermer la bouche de tout le monde : avec 76 victoires, 31 matches nuls et 33 défaites, le bilan de Cesare Prandelli à la tête de la Fiorentina est le meilleur de l’histoire du club. Sa moyenne de points par match est de 1,85, contre 1,76 et 1.54 aux mythiques Fulvio Bernardini et Luigi Ferrero. Assez pour convaincre les associations de supporters. « Cela m’énerve de voir que la presse locale fait tout pour que Prandelli s’en aille, alors qu’il fait un très bon travail » , explique Stefano Sartoni, président du viola club Collettivo, l’un des principaux groupes de supporters.
Et si, finalement, la Fiorentina était en train de devenir l’Arsenal italien? Et si prendre des jeunes, les faire jouer à terre et privilégier l’esthétique était voué à systématiquement s’écraser contre le mur de la compétition ? Et si la Fiorentina était à son maximum ? Aujourd’hui, le club toscan traverse une crise de croissance : soit il se contente de la victoire du cœur, soit il change. En attendant, le cirque Palermitain du cinglé président Zamparini est en ville ce dimanche après-midi. Et lui, le beau, il s’en fout.
Ennio Gnocchi
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