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La finale de toute une génération
Ils sont nés au cours des années 1990 alors que la France s’apprêtait à régner sur le football mondial. Trop petits en 1998, ces jeunes adultes n’ont jamais pu véritablement connaître ces moments de liesse qui fédèrent tout un pays. Après les désillusions 2006 et 2016, leur jour de gloire est arrivé.
Le stress, la tension, les ongles rongés. Puis soudainement, l’explosion, les terrasses qui s’embrasent dans un nuage de fumigènes, l’extase. Partout en France, mardi soir après la victoire contre la Belgique en demi-finales (1-0), les mêmes scènes de liesse, les mêmes sourires sur des visages peinturlurés de bleu-blanc-rouge, les mêmes concerts de klaxon, les mêmes cris de joie. La France s’est offert le droit de disputer une nouvelle finale de Coupe du monde douze ans après les regrets éternels de Berlin.
À quelques pas de l’écran géant installé pour cette demi-finale sur la place de l’Hôtel-de-Ville à Paris, le cortège de voitures et scooters n’en finit plus de déambuler sur la rue de Rivoli. À bord de ces véhicules qui défilent sur l’artère menant jusqu’aux Champs-Élysées, des jeunes de toutes origines, de tous horizons, perchés sur des toits de Renault Clio, entassés dans des coffres, maillot des Bleus sur les épaules ou drapeau français dans les mains. La clameur est incessante, la joie singulière. En cette douce nuit d’été, Paris est une fête, la France est une fête, et toute une génération veille précieusement sur son carton d’invitation.
Grandir avec France 98
Ce sont les enfants de cette génération-là, nés dans les années 1990, qui ont battu le pavé sur les Champs-Élysées mardi soir. Des jeunes adultes, tout juste âgés de plus de vingt ans, qui verront l’équipe de France disputer déjà une troisième finale de Coupe du monde au cours de leur existence. Leurs aînés, martyrisés par Pelé en 1958, traumatisés à Séville en 1982 puis à Guadalajara en 1986 contre la RFA, ont attendu 1998 et le doublé de Lilian Thuram contre la Croatie pour voir les Bleus enfin accéder au match le plus attendu du tournoi. Alors oui, voir la France jouer trois finales en à peine plus de deux décennies d’existence relève d’une chance insaisissable.
Sauf que cette génération, trop jeune lors des sacres de 1998 et 2000, n’a jamais pu véritablement vivre et connaître la joie immense procurée par un titre mondial ou européen. Peu de souvenirs de ces événements, pas le recul nécessaire pour saisir pleinement la portée de ces exploits, les enfants des 90’s se sont contentés de se repasser les cassettes des Yeux dans les Bleus entre deux histoires de leurs parents qui leur racontaient où et comment ils avaient passé leur 12 juillet 1998.
2006 et 2016, rendez-vous manqués
Alors quand est venu leur tour en 2006, que tout était prêt pour parader en pleine adolescence à la gloire d’une seconde étoile à broder sur la tunique tricolore, la déception fut totale. De la tristesse, des larmes et un déchirement sans doute encore un peu plus profond, à la maison, dix ans plus tard après une frappe soudaine d’Eder à la 109e minute de la finale de l’Euro. La jeunesse française était prête à savourer, à exulter. Elle s’est retrouvée sonnée, assommée, avec le terrible sentiment d’être passé à côté de quelque chose d’unique.
Deux ans plus tard, les larmes ont fini de couler. Cette jeunesse veut connaître et savourer son moment de liesse à elle. Spontanément, les jeunes adultes parisiens tristement habitués aux rassemblements impromptus pour des causes plus dramatiques ont convergé vers les Champs-Élysées après la victoire contre les Diables rouges. Histoire de se regrouper, d’être ensemble, de partager ces moments uniques où l’inconnu devient ami. Ces instants fraternels, les enfants des années 1990 en ont longuement entendu parler dans leur jeunesse. Ils ont grandi avec ces récits de France 98, ce monde dans les rues, cette communion, cette joie illuminée sur chaque visage. Vingt ans plus tard, leur tour est venu. À eux de raconter ces vingt prochaines années ce qu’ils faisaient ce 15 juillet 2018.
Par Maxime Feuillet