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- PSG-Bayern (3-0)
La fin des blocages
Souvent moqué pour ses schémas tactiques figés et son incapacité à s'adapter à ses adversaires, Unai Emery s'est débarrassé d'Ancelotti mercredi soir en apprivoisant parfaitement le style de jeu du Bayern pour mieux le neutraliser. À ceux qui le considéraient comme un homme bloqué et obtus, le coach parisien a montré qu'il était capable de faire varier son modèle de jeu si nécessaire.
C’était la première vraie difficulté de la saison du PSG. La première secousse programmée, comme le premier col hors catégorie au menu des grands escogriffes au bronzage vilain du Tour de France. Certains font les marioles, partent pleine balle dès les premiers lacets, et finissent neuf fois sur dix par péter en plein effort quelques kilomètres plus loin. D’autres préfèrent faire les planqués, et sucent les roues jusqu’à la flamme rouge. Question de stratégie, de caractère, mais aussi de forme du moment, trois éléments qu’on avait du mal à peser chez le PSG ces derniers temps. Car après une saison passée à tâtonner et à se chercher un style, les Parisiens devaient à la fois prouver qu’ils avaient une vision sur le long terme, que leur méthode ne se limitait pas à empiler les joueurs à neuf chiffres, et que leur victoire compliquée contre Lyon il y a dix jours et le petit 0-0 de samedi dernier à Montpellier ne voulaient pas dire grand-chose. Alors, en pédalant à un rythme toujours soutenu sans se cramer bêtement, en encaissant les attaques adverses sans y répondre précipitamment, en gérant intelligemment son effort et en faisant exploser la machine allemande sur quelques accélérations bien placées, le PSG a dévoré le Bayern comme s’il s’agissait d’une vulgaire colline. Mieux, Emery avait griffonné sur ses cahiers le plan parfait pour envoyer bouler Ancelotti, et a laissé les Munichois creuser leur propre tombe alors qu’ils ne s’en rendaient même pas compte.
Les sourcils de Carlo
À l’époque où il squattait la salle de presse du Parc des Princes en tant que coach du PSG, Carlo Ancelotti avait l’habitude d’y traîner ce sourcil gauche qui fait sa propre vie, qui se soulève pour lui donner l’air tantôt rieur, tantôt dubitatif. Mercredi soir, quand il a débarqué dans l’auditorium pour la conférence de presse d’après-match, le gaillard n’avait aucune envie de jouer les Jack Nicholson. Les sourcils sont restés froncés, et le regard orageux. La mine des mauvais jours, logique pour un homme qui sait exactement comment il vient de se faire bouffer. Une autopsie qui a
démarré par la distribution des bons points et l’énumération de ce qui a fonctionné : « On avait prévu d’avoir le contrôle du match, d’avoir le ballon et beaucoup de possession avec plus de joueurs au milieu de terrain. » Les 63% de possession du Bayern, leurs dizaines de centres et leur vingtaine de corners sont là pour apporter de l’eau à son moulin. Effectivement, statistiquement parlant, l’équipe d’Ancelotti a respecté son agenda et a bel et bien dominé. Une réalité qu’Emery n’a pas cherché à esquiver quand il est à son tour venu faire le bilan face aux médias : « Le Bayern est habitué à maîtriser ses matchs,(…)cette équipe attaque avec beaucoup de joueurs et pousse beaucoup avec ses latéraux. » Dommage pour Carlo, Emery avait trouvé la parade. Et plutôt que de lancer ses hommes dans un front contre front bête et méchant, l’Espagnol gominé a laissé le Bayern imposer sa philosophie de jeu pour mieux s’engouffrer dans les failles. Et a réussi à transformer un adversaire qui devait être l’Alpe d’Huez en gentille montagne Sainte-Geneviève.
Darwin
Car qui dit équipe qui fait tourner le ballon dit possibilités de contres. Et comme Emery est vraiment un garçon verni, son PSG a troué Ulreich au bout d’une minute vingt-cinq, forçant très vite le Bayern à pousser encore plus vers l’avant pour réparer les pots cassés. Forcément, il n’en fallait pas plus pour que Mbappé et Neymar passent la soirée à courir comme des dératés dans les couloirs . « Quand ils ont de l’espace pour montrer leurs qualités, c’est très difficile de les contrôler » , grognait Ancelotti après coup, tandis qu’Emery poursuivait son opération sourire : « Normalement, nous contrôlons le ballon et nos adversaires ont une défense plus basse. Aujourd’hui, l’adversaire a eu la possession, mais nous avons maîtrisé le match sans ballon. » Et c’est en acceptant de jouer son match du mercredi autrement que ceux de Ligue 1 que le PSG a fait la différence.
Là encore, toujours en retenue et sans se pavaner, Emery se félicitait de la capacité d’adaptation de son équipe : « Ce match est différent des derniers qu’on a joués en championnat. (…) C’est un autre schéma, avec d’autres caractéristiques. Si le match doit se jouer sur des contres, nous savons le faire. » Darwin avec un ballon de football. Et un petit taquet pour ceux qui aimaient mitrailler le coach parisien sur ses lacunes tactiques. Le PSG vient de se payer une partie de jambes en l’air avec une des plus belles filles d’Europe. Ça ne veut pas dire qu’il fera tomber toutes les autres minettes du continent, mais il aurait tort de bouder son plaisir. Et si remporter la première arrivée en haute montagne ne signifie pas ramener le maillot jaune sur les Champs, personne ne grimace à l’idée de claquer une bise aux hôtesses avant l’étape du lendemain.
Par Alexandre Doskov, au Parc des Princes
Tous propos recueillis par AD.