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La FIFA, il y a des lois contre ça…
FIFA 80. Ça pourrait être le nom d'une tournée de glorieux anciens. C'est surtout le montant, en millions de dollars, que se sont partagés MM. Blatter, Valcke et Kattner entre 2011 et 2015. Éclairage en faits et en droit sur une histoire sans fin.
Le manège infernal. Le bordel éternel. Le n’importe quoi institutionnalisé. Ou, ainsi que l’exprimait le sénateur américain Richard Blumenthal, une comparaison « insultante pour la mafia » . Allégories, métaphores et euphémismes ne suffisent plus pour caractériser l’ambiance de la maison FIFA depuis, pour faire court, un an. En cette fin de semaine, ce sont trois nouvelles qui sont tombées coup sur coup : les soupçons sur Gianni Infantino, qui aurait demandé à son directeur juridique d’effacer des enregistrements compromettants ; une nouvelle perquisition au siège de la FIFA ; la révélation d’une tentative d’enrichissement personnel de 80 millions de dollars pour trois anciennes têtes de la FIFA, à savoir Sepp Blatter, Jérôme Valcke et Markus Kattner. Laissons à la première information le bénéfice du doute, à la deuxième la lassitude de l’habitude, pour s’intéresser à la troisième. Maître, vous avez la parole.
« La crise est terminée » – Gianni Infantino, 13 mai 2016
Que sait-on avec ces nouvelles révélations de la semaine ? Que les têtes mal-pensantes de la FIFA (Blatter, ex-président, Valcke, ex-secrétaire général, et Kattner, ex-directeur financier) ont tout fait pour s’en mettre plein les poches, soit. Mais encore ? William « Bill » Burck est un associé du cabinet américain Quinn Emmanuel, en charge de l’enquête interne à la FIFA et géant mondial du contentieux qui a ouvert un bureau à Zurich… le mois dernier. Son domaine d’expertise, les « White Collar & Corporate Investigations » . Ce vendredi 3 juin, le défenseur de l’organisation FIFA annonce « un effort coordonné par trois anciens hauts responsables de la FIFA pour s’enrichir par des augmentations annuelles des salaires, des primes liées à la Coupe du monde et d’autres avenants pour un total de 80 millions de dollars – uniquement sur les cinq dernières années » .
En détail, cela donne 21 millions d’euros en décembre 2010 de « primes spéciales pour la Coupe du monde 2010(…)octroyées rétroactivement » , 12,6 millions d’euros en octobre 2011 pour le Mondial 2014, et 14 millions d’euros en juin 2014 pour le Mondial 2018. Sans oublier, pour MM. Valcke et Kattner en avril 2011, des « primes de départ généreuses leur garantissant le paiement intégral de leur contrat, jusqu’à 15,8 millions d’euros et 8,87 millions d’euros respectivement, dans le cas où leur emploi avec la FIFA s’arrêtait » . Sans oublier non plus une ultime extension du contrat de Markus Kattner en mai 2015, quatre jours après le coup de filet de Zurich, lui garantissant un contrat jusqu’en 2023 pour 9 millions d’euros. Des millions par-ci, des millions par-là, le compte en banque est bon.
Better call Saúl
Mais, juridiquement, qu’est-il reproché au triumvirat ? Car se faire des thunes n’est pas encore illégal, à condition de le déclarer. Il y a bien l’abus de biens sociaux, mais la Suisse est réputée pour ne pas avoir de délit sur ce point précis. Maître Julien Montcel donne une piste, avec la retenue de circonstances : « Leurs avocats pourraient envisager de remettre en cause les rémunérations, car elles pourraient être contraires à l’intérêt social de l’association et qu’elles n’ont été accordées qu’à des fins personnelles. » Voilà un début. Mais encore ? L’avocat pointe deux éléments intéressants du communiqué de presse de la FIFA, selon lequel « certains contrats contiennent des dispositions qui semblent violer le droit suisse » .
D’abord, le communiqué indique que les primes de départ devaient être versées même en cas de fin du contrat pour une cause justifiée. Dès lors, « leurs conseils pourraient chercher à démontrer que les conditions auxquelles étaient soumises le versement des bonus étaient purement potestatives, c’est-à-dire qu’il dépendait de la seule volonté de la partie qui en bénéficiait » , explique Me Montcel. Ainsi, il serait envisageable de faire annuler les contrats sur ce fondement, ou d’arguer que ces bonus ne peuvent pas être qualifiés de gratifications, mais de salaire, et donc que leur fixation et leur versement auraient dû obéir à un régime différent. » Ensuite, avant 2013 et la création d’un sous-comité des rémunérations, « les personnes qui ont signé les contrats sont aussi celles qui les ont approuvés » , à savoir, entre autres, le directeur financier Markus Kattner. Ce même Markus Kattner, limogé le 23 mai après qu’une « enquête interne a mis au jour des manquements dans ses responsabilités financières en lien avec ses fonctions » et dont les bureaux étaient visés par la perquisition du jeudi 2 juin. Ce même Markus Kattner dont Blatter s’était déclaré « sidéré » par le renvoi, déclarant qu’il « n’avait jamais rencontré un homme aussi honnête » . L’honnêteté selon Sepp Blatter, sans doute.
Par Eric Carpentier
PS : Merci à Me Julien Montcel pour sa consultation express.