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La FIFA à Paris, plus belle la ville ?
C'est une des rumeurs qui courent : la FIFA, et surtout Gianni Infantino, songerait à quitter les paisibles alpages suisses pour la ville lumière. Si pour l'instant, cette hypothèse n'a rien d'officiel, l'idée mérite attention malgré tout. Elle possède des arguments en sa faveur, notamment historiques et éthiques, mais aussi quelques risques non négligeables pour la France.
Pour l’instant, il ne s’agit que de discussions informelles entre Gianni Infantino et le président de la République Emmanuel Macron. Bref, une simple probabilité : et si la FIFA venait se domicilier sur les bords de la Seine ? L’information, qui a filtré via Le Monde, se révèle cependant suffisamment surprenante pour ne pas l’écarter d’un haussement d’épaule. Étonnante parce qu’objectivement, personne ne voit a priori l’intérêt pour la multinationale du ballon rond de quitter la Suisse. Ce beau pays « neutre » , particularité non négligeable pour une organisation qui a survécu à deux conflits mondiaux et navigue sans cesse sur les tempêtes géopolitiques, s’avère surtout un sympathique cocon fiscal.
La FIFA peut y engranger des bénéfices monstrueux, à faire rougir d’envie les GAFA, en payant l’impôt d’une altruiste ONG. De plus, son parc immobilier et son « Home » flambant neuf semblent durablement l’ancrer dans la pierre, plus beau des investissements bourgeois, du côté de Zurich. « Très peu d’informations ont fuité sur le sujet, confirme Carole Gómez de l’Institut des relations internationales et stratégiques. On parle de discussions informelles, difficile donc de jauger le sérieux et la crédibilité de cette information. Plusieurs journaux suisses considèrent ces éléments fantaisistes. Compte tenu des avantages fiscaux de la Suisse et de la tradition suisse d’héberger des fédérations sportives, difficile de leur donner tort. »
Paris nostalgie ?
Pourtant, malgré le bon sens économique et la logique politique, il existe des raisons tout aussi fortes et valables qui pourraient justifier que ce choix trotte dans la tête du président de l’instance (assuré, en outre, d’être réélu le 5 juin prochain). Le premier point est historique et presque sentimental.
« Ce serait, explique l’historien Alfred Wahl, un retour aux sources. C’est à Paris que la FIFA a vu le jour à l’initiative des Français, dont le journaliste Robert Guérin, son premier président en 1904. Et si la capitale française a été choisie, ce fut d’abord parce que les Anglais avaient catégoriquement refusé de participer. Depuis, le temps a passé, et le contexte n’est évidemment plus du tout le même. » L’occasion, aussi, de s’installer dans un haut lieu touristique et de proposer aux staffs et autres membres de l’organisation les plaisirs inimitables de la capitale…. Autant joindre l’utile à l’agréable.
Plus jolie, la ville ?
Ensuite intervient, et c’est forcément lié, la douloureuse question de l’image de l’institution. « Si l’on fait abstraction des enjeux économiques, continue ainsi Carole Gómez, ce déménagement semblerait s’inscrire dans une volonté de la FIFA de tourner la page de l’ère Blatter, du FIFAGate et des différentes procédures judiciaires en cours portées par les USA. » Les révélations en cascades – corruptions, trafic d’influence, etc. – ont durablement écorné la réputation de la FIFA installée en Suisse. Sans oublier que la préparation de la prochaine Coupe du monde au Qatar va de nouveau la soumettre à rude épreuve, entre scandales humanitaires et soubresauts diplomatiques.
Pour remettre un peu de dorure éthique sur le logo, atterrir à Paris garantit – géographiquement, tout du moins – de s’éloigner du profil de structures comme le CIO ou l’UEFA et de se rapprocher par exemple de l’UNESCO, basée dans la capitale française. Le message serait clair. La FIFA quitterait le confort d’un statut d’exception et un havre de paix, pour venir rejoindre des rivages plus ordinaires. De quoi faire taire les critiques acerbes et autres reproches récurrents à ce propos. Un petit saut au-dessus des frontières afin de redonner corps à son discours déontologique.
Paris a son mot à dire
La facette judiciaire n’est pas la moindre des considérations non plus. Même si de ce point de vue, partir de Suisse ne constitue pas a priori la meilleure des options, la justice de Marianne n’étant en principe pas plus complaisante que celle de nos voisins alpins, et le cadre juridique sûrement bien plus astreignant. Ce qui nous conduit au dernier point : si la FIFA pourrait perdre beaucoup sur le terrain de l’impôt et de l’impunité en venant s’installer dans l’Hexagone, la France a malheureusement démontré ces dernières années sa capacité à se transformer en « un paradis fiscal » pour le sport selon l’expression de l’économiste Pierre Rondeau.
De l’Euro 2016 au JO de Paris 2024, nos gouvernements successifs ont en effet multiplié les concessions et les cadeaux. Sans guère de contreparties. On doute fortement qu’Emmanuel Macron n’en fasse pas autant, pour obtenir la belle victoire symbolique d’accueillir ou de rapatrier à Paris le centre de gravité du football mondial. C’est peut-être là que se situe finalement le véritable enjeu. Est-ce que la France a besoin, ou envie d’être le cache-sexe moral d’une FIFA de plus en plus à nu devant les médias et la justice ? À quand Michel Platini en gilet jaune devant le ministère des Sports, pour protester contre cette trahison du gouvernement ?
Par Nicolas Kssis-Martov