- France
- Sedan
« La FFF a tué le CS Sedan Ardennes »
Malgré un avis de conciliation favorable émis par le CNOSF, la Fédération française de football a refusé jeudi d’examiner le dossier de reprise porté par Guy Cotret et d’autres investisseurs, afin que le CS Sedan Ardennes reste en National. Le club évoluera donc en Régional 1, mais l’affaire se poursuivra sans doute devant la justice.
Une simple lettre, et basta, affaire suivante. Le jeudi 17 août, Philippe Diallo, le président de la Fédération française de football (FFF) a adressé au banquier d’affaires rémois Guy Cotret un courrier pour lui signifier que le dossier de reprise qu’il portait avec plusieurs associés ne sera pas réétudié par la DNCG. Le CS Sedan Ardennes, qui avait terminé à la 7e place du championnat de National 2022-2023, s’était vu signifier par la DNCG le 4 juillet dernier qu’il ne pouvait pas prendre part à un championnat national en raison d’une dette de 3 millions d’euros. Un peu plus tard, lors de son second passage, l’ancien président Marc Dubois n’avait pas plus convaincu le gendarme financier, en évoquant même le dépôt de bilan. Guy Cotret, l’ancien président du Paris FC, d’Auxerre et Niort, avec d’autres investisseurs, avait racheté le club à Dubois et monté un dossier de reprise, afin que le CSSA reste en National.
L’appel aux secousses
Depuis la missive de Philippe Diallo, l’ancien président du Crédit foncier de France ne décolère pas. « Cette décision est totalement aberrante. C’est scandaleux. Diallo envoie cette lettre sans rien justifier. Nous avions pourtant obtenu par le CNOSF une mesure de conciliation. Notre dossier était très solide, avec des collectivités et des sponsors qui nous suivaient, avec l’argent récolté par les supporters (plus de 100 000 euros). On tablait sur un budget d’au moins de 3,2 millions d’euros. Les fonds avaient été déposés sur un compte CARPA, bloqué chez un avocat. La FFF a accepté de réétudier les dossiers de Sochaux et de Nancy – qui avait été relégué sportivement en National 2 –, mais pas le nôtre ? C’est une véritable honte, mais je peux vous garantir que nous n’allons pas en rester là. » Le Conseil d’État avait été saisi dès le 9 août, et sa décision pourrait être rendue au mois de septembre. L’affaire pourrait également être portée devant les tribunaux.
Contacté par SMS jeudi soir, le président de la FFF a rapidement répondu, mais sans donner suite à notre demande d’interview : « Je sais le cas de Sedan douloureux à beaucoup de points de vue, comme ont pu l’être à d’autres moments ceux de Bastia ou Strasbourg. À ce stade, je n’ai pas de commentaires supplémentaires à faire, sauf à vous renvoyer aux décisions de DNCG 1re et 2e instances, à celle du comité exécutif (de la FFF) et du tribunal administratif (de Paris). » Didier Herbillon, le maire (Divers Gauche) de Sedan, très investi dans le projet de reprise, s’est étouffé en prenant connaissance de ce que beaucoup dans les Ardennes définissent comme « la mise à mort du club ». L’édile, qui s’est fendu d’un courrier très cash adressé à Philippe Diallo, est particulièrement remonté, et il l’a prouvé quand So Foot l’a contacté. Depuis son lieu de vacances, le maire sedanais a pris le temps d’expliquer son ressentiment : « C’est le fait du prince. Ou alors, il y a des personnes qui, dans l’ombre, disent à Diallo ce qu’il faut faire, et si c’est le cas, ce garçon doit changer de métier. Mais je crois tout simplement qu’à la Fédération, ils s’en foutent complètement du club et de la ville de Sedan. Ils se disent que c’est une petite ville de 18 000 habitants et que ça passera. Mais ça ne passera pas. Le CSSA, c’est un club centenaire, qui fait partie de l’histoire du football français, a notamment gagné deux Coupes de France (1956 et 1961). Le dossier de reprise était très solide, mais je crois tout simplement que la FFF ne voulait pas que Sedan évolue en National. J’ai écrit à Diallo qu’on aurait tous pu au moins sortir par le haut, en permettant au CSSA d’évoluer en National 2, mais non… »
« On ne voulait pas de nous »
Didier Herbillon, qui a cosigné une lettre adressée par Guy Cotret à Emmanuel Macron, le chef de l’État, et à sa ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera, rappelle le poids du CSSA à Sedan, mais également dans les Ardennes. « Le club, c’est plus de vingt emplois. Il y a aussi tous les emplois indirects. Socialement aussi, le CSSA est important. Il y a des gens pour qui le match du vendredi était presque le seul loisir. On est dans un département assez pauvre. Et à Paris, on balaie tout cela d’un revers de main, sans rien justifier ? C’est une honte. » Mais pourquoi la FFF s’est-elle montrée aussi inflexible envers le dossier de reprise ? « Outre le fait que le sort de Sedan ne les intéresse pas à Paris, je crois aussi que ça les emmerdait d’avoir un championnat à 19 clubs, ce que le règlement du National autorise, et de refaire un calendrier. Et puis, on aurait été saoudien, chinois ou américain, je suis persuadé qu’on nous aurait écoutés, ironise Guy Cotret, pas vraiment surpris par l’attitude de la FFF. Sedan, ça ne compte pas. De toute manière, dès le départ, je sentais qu’on ne voulait pas de nous. Je me souviens de l’attitude d’un certain Hocine Mekidiche, un juriste (responsable du service DNCG de la FFF, NDLR), qui s’était montré dédaigneux et narquois lors d’une réunion au CNOSF, et je ne m’étais pas privé de lui faire remarquer que son comportement était irrespectueux. »
La décision de la FFF a profondément attristé et irrité les supporters, qui estiment que l’instance a humilié le CSSA. Julien Collinet, le président des Young Boys, un groupe d’ultras composé d’environ 400 personnes, a assisté à la réunion de conciliation au CNOSF, en compagnie des repreneurs, du maire et du député de la circonscription, Jean-Luc Warsmann (LR), et en garde un souvenir particulier. « On nous accueille dans une salle trop petite, et l’attitude de Mekidiche, notamment, et d’autres types de la DNCG voulait tout dire. Quand il répond à une question du président du CNOSF, que “le dossier de reprise sera examiné si on nous le demande et si on a les personnes disponibles”, on a compris que la fédé n’en avait rien à foutre de Sedan, et qu’ils voulaient juste partir en vacances et ne pas s’emmerder la vie à étudier un nouveau dossier, fulmine l’ultra. Ces mecs en costume, qui pour la plupart n’ont jamais bossé en entreprise, avaient soit un plan, soit des consignes. Pourquoi le nouveau dossier de Sochaux a été réexaminé le 17 août, alors qu’il a été monté en quelques jours, et pas celui de Sedan ? C’est une humiliation, ils ne voulaient tout simplement pas de Sedan en National. »
Ce n’est pas la première fois, et sans doute pas la dernière, qu’une des deux plus hautes instances du football français torpille ostensiblement un club. Personne n’a oublié l’affaire Luzenac en 2014, qui n’avait pas pu évoluer en Ligue 2, et qui avait dû s’incliner face à l’inflexibilité de la LFP et de la DNCG. « Le foot ouvrier, le foot des petites villes, ils s’en balancent. La FFF a tué le CS Sedan Ardennes, poursuit Julien Collinet, lequel n’attend pas grand-chose sportivement de la décision du Conseil d’État. Je crois qu’il va falloir s’y faire, on va jouer en R1. Les matchs auront lieu au stade Louis-Dugauguez (24 000 places), je peux vous dire que notre tribune sera blindée et que nous ferons passer des messages à qui vous savez. Et quand Sedan rejouera au niveau national, qu’ils (la FFF) ne viennent surtout pas nous emmerder ! » Message transmis aux intéressés.
Par Alexis Billebault