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La face sombre de FIFA Ultimate Team

Par Alexandre Aflalo
16 minutes
La face sombre de FIFA Ultimate Team

Franchise vidéoludique parmi les plus populaires au monde depuis son apparition en 1993, FIFA, dont le dernier opus sort ce vendredi, n’a pourtant jamais reçu autant de critiques. Au centre des débats et des passions : « FIFA : Ultimate Team » (FUT), son mode de jeu le plus populaire et véritable poule aux œufs d’or pour EA Sports. Qualifié d’injuste, accusé d’inciter massivement à la dépense voire de carrément reprendre les mécanismes des jeux de hasard, FUT voit peut-être le modèle économique sur lequel il s’est bâti depuis onze ans vaciller. Décryptage.

10 février 2009. Depuis la veille, la tempête Quinten fait s’abattre sur les deux tiers de la France un vent à décorner les bœufs. Un temps à rester tranquillement chez soi, à traîner sur YouTube ou à attraper sa manette et se faire un petit FIFA. Ça tombe très bien, c’est précisément ce jour que choisit Electronic Arts (EA), éditeur américano-canadien du jeu, pour annoncer une grande nouvelle : le 19 mars, FIFA 09 se verra greffer un tout nouveau mode de jeu, un DLC (pour downloadable content) baptisé « FIFA 09 : Ultimate Team » . Le principe est simple : un jeu de cartes virtuel dans lequel on ouvre des pochettes pour obtenir joueurs, stades, maillots et entraîneurs à collectionner afin de composer son équipe ultime, et l’étrenner dans le jeu. Ronaldinho, Rooney, Čech, mais aussi Kevin Kurányi ou Tranquillo Barnetta, égéries FIFA de l’époque, peuvent afficher des visages conquérants : ils viennent de poser la première pierre d’un véritable empire.

Le monstre de Frankenstein

Aujourd’hui, difficile de passer à côté du phénomène. Onze ans après son lancement, « FUT » est devenu plus gros que FIFA lui-même. Si EA se refuse à donner des chiffres détaillés sur le nombre de joueurs actifs sur ce mode de jeu, ceux qu’il rend publics permettent d’en mesurer l’ampleur. Ultimate Team est, selon leurs mots, « le mode le plus populaire » du jeu, qui compte parmi les plus vendus au monde – 25 millions de joueurs uniques revendiqués pour FIFA 20, et le jeu le plus vendu en France sur l’année 2019 selon les données du Sell. Plus que le volume de joueurs, une autre donnée permet de mesurer réellement l’importance de FUT dans la galaxie d’EA : selon son dernier rapport trimestriel de 2019, les modes Ultimate Team de ses trois jeux de sport (FIFA, Madden et NHL) représentaient à eux seuls 28% des recettes nettes de l’entreprise sur l’année écoulée, soit 1,4 milliard d’euros, « dont une partie substantielle provenant de FUT ». À titre de comparaison, en 2015, ces modes Ultimate Team n’avaient rapporté à EA « que » 580 millions d’euros. Des sommes qu’on n’atteint pas vraiment par hasard. Or depuis quelque temps, les fondations sur lesquelles FUT a amassé son trésor de guerre sont pointées du doigt avec de plus en plus de véhémence par les adeptes du jeu. « Ça fait des années que je n’y joue plus », pose d’entrée John Charles, « JCC » sur Youtube (149 000 abonnés), créateur de contenu depuis un peu plus de quatre ans et qui a multiplié les vidéos très critiques envers le modèle FUT. « Un jour, j’ai dépensé 60£ dans des packs et je n’ai rien eu, c’était tout mon salaire de barman de la veille qui était parti en fumée. Depuis, plus rien. J’ai réalisé que, doucement, mais sûrement, tout dans ce jeu a été tourné vers l’argent, pour en tirer le plus possible des joueurs. Ils ont abandonné le progrès, pour le seul profit. »

FUT est ce que le monde du jeu vidéo appelle un live-service game (LSG), un jeu dont le contenu évolue en permanence afin de maintenir les joueurs impliqués le plus longtemps possible. De manière générale, les LSG s’articulent autour de micro-transactions : dans le cas d’Ultimate Team, les micro-transactions se font par l’achat de loot boxes (littéralement « coffres à trésor » , aussi appelées loot crates, ce sont des coffrets qui donnent accès au joueur à du contenu aléatoire, en l’occurrence sur FIFA les fameux packs de cartes) et, la nouveauté, ce sont les nouvelles sortes(1) de cartes qui apparaissent dans le jeu chaque semaine. Ces pochettes de cartes peuvent être achetées soit avec des « crédits » , monnaie virtuelle obtenue au compte-gouttes en jouant des matchs, soit avec des « points FIFA » , achetables contre de l’argent bien réel dans la boutique du jeu. La route vers son équipe « ultime » se divise donc en deux voies : une rapide et simple, une lente et fastidieuse. Et la première, vers laquelle EA pousse ses joueurs (nous y reviendrons), implique de mettre la main au porte-monnaie. « Ils ont rendu ça très facile de réussir en dépensant de l’argent, et très dur de faire sans, poursuit John Charles. Sans dépenser, il faudrait passer 15 heures par jour tous les jours sur le jeu pour avoir une équipe composée des meilleures cartes, et ils le savent. »

Pay-to-win, psychologie et comportements de tarés

Contrairement à d’autres LSG très populaires comme Fortnite, où les achats intégrés sont uniquement cosmétiques, ce que l’on achète sur FUT, ce sont des améliorations potentielles à son équipe ( « potentielles » , car rien ne garantit que l’argent investi ne rapporte). Pour beaucoup de joueurs, Ultimate Team est progressivement devenu ce que l’on peut appeler un « pay-to-win », où les plus gros dépensiers ont de facto plus de chances d’avoir de meilleures armes en main, et donc de gagner. Or, depuis quelques années(2), la compétition a pris une place de plus en plus grande au cœur de FUT, et gagner est devenu un enjeu qui pèse dès la sortie du jeu. « C’est un des seuls jeux e-sport où tu es obligé de mettre des sous pour performer », estime Gabriel, a.k.a. « GaboX » , joueur compétitif, mais non professionnel. Sur FIFA 20, il a dépensé presque 500 euros de sa poche pour des packs. « C’est énorme pour un jeu », concède-t-il. Et il fait partie de ceux qui dépensent le moins : « Les pros sont tous soutenus par des équipes qui leurs donnent des grosses sommes d’argent au début du jeu, pour financer l’achat de packs et avoir immédiatement les meilleurs joueurs, abonde John Charles. C’est rarissime de voir un joueur pro qui n’est pas soutenu financièrement. » Un autre professionnel de l’industrie abonde : « Je connais des pros qui peuvent claquer 50 000 euros sur une saison, et parfois 1 500 euros rien que pour deux heures de stream. C’est assez disparate, mais les gros pros, ceux qui émargent à 10 000 € par mois de salaire, hors prime et cash-prize, sont assez tarés pour claquer ce genre de sommes. »

Des comportements de « tarés » qui sont devenus au fil des années le modèle à suivre pour la masse des joueurs. Une aubaine pour EA, qui met allègrement en avant ses créateurs de contenu les plus populaires dans la promotion du jeu(3). Les « pack opening », dans lesquels les euros sont déversés par milliers, sont l’une des principales attractions de FIFA sur YouTube ou les plateformes de streaming, où ils sont regardés par des millions de personnes. En somme : jouer à FUT, c’est avant tout ouvrir des packs. Ce qui nous ramène à ces récompenses « potentielles » évoquées plus tôt : lorsque l’on ouvre un pack sur FUT, même avec de l’argent réel, absolument rien ne garantit que l’on obtiendra une récompense à la hauteur de notre investissement. Même pour des pochettes qui peuvent coûter jusqu’à environ 20 euros pièce(4), le contenu est quasiment totalement aléatoire, et EA entretient un certain flou autour de la probabilité de tirer les meilleures cartes, celles qui valent le plus(5).

Pas vraiment un hasard : « Quand les récompenses sont prévisibles, attendues, on observe souvent une pause dans l’engagement après l’obtention de la récompense : on a ce pour quoi on est venu, donc on peut s’arrêter », explique dans un article la psychologue et spécialiste de l’expérience utilisateur dans les jeux vidéo Célia Hodent, se basant notamment sur les travaux du psychologue comportementaliste américain B.F. Skinner. « Alors que quand les récompenses sont variables et imprévisibles, on observe un engagement plus régulier sur la durée, car on sait qu’on a une chance d’obtenir à nouveau de bonnes récompenses si on continue à ouvrir des loot boxes. » En gros, l’incertitude quant à la récompense, tout en sachant qu’elle sera potentiellement exceptionnelle à force d’essayer, est un levier psychologique efficace pour tenir le joueur impliqué dans le jeu. Ça vous rappelle quelque chose ? « Des récompenses variables ne sont pas une mauvaise chose en soi, tempère Hodent. Ce qui commence à être très discutable d’un point de vue éthique, c’est lorsque ces récompenses variables sont liées à la monétisation, car nous savons qu’elles auront tendance à inciter les joueurs à payer plus pour augmenter leurs chances d’obtenir quelque chose de cool. Là, les loot boxes se rapprochent des jeux de hasard. »

Le casino dans la console, la console dans une maison

Sur ce point, maître Karim Morand-Lahouazi est beaucoup plus catégorique : « On a pris le sport numéro un, on l’a fait entrer dans une console, on y a mis les règles du casino en ligne, on a mis la console dans une maison, on a donné une manette à un enfant, et on a dit :« Vas-y, éclate toi ! »C’est Las Vegas dans un jeu de foot. » Avec son confrère, Me Victor Zagury, ils sont à l’origine d’une récente plainte avec constitution de partie civile contre EA Sports pour « loteries prohibées » , « tenue de jeux de hasard » et « pratiques commerciales trompeuses » . Pour eux, aucun doute : FUT a tout du jeu de hasard, mais accessible à tous et sans avoir à en respecter les règles et obligations devant les autorités nationales.

Plus que le système de packs en lui-même, ils estiment également qu’EA manipule frauduleusement son marché. La taxe de 5% de crédits ponctionnée par EA sur chaque transfert entre joueurs ? « C’est comme la taille au casino, insiste Morand-Lahouazi. Comment aujourd’hui sont-ils capables d’expliquer ça, sinon par la volonté de réguler un marché ? » Ils citent un autre exemple mémorable dans l’histoire récente du jeu : en 2013, EA Sports introduit dans le jeu les « légendes » , des cartes de joueurs iconiques dont, en tête d’affiche, un Pelé noté 95. Le 2 janvier 2014, trois mois après la sortie du jeu, trois Pelé apparaissent subitement et pour la première fois sur le marché des transferts, tous listés entre 15 et 16 millions(6) de crédit l’unité et tous venant du même compte… celui d’un employé d’EA. « On fait donc croire à la communauté que les Pelé sont dans les packs, ce qui n’est pas le cas, et le seul qui les a, en réalité, c’est un type de chez EA qui les introduit sur le marché des transferts, s’exaspère Victor Zagury. A minima, cela ressemble à une pratique commerciale trompeuse. À maxima, à une escroquerie, une manœuvre frauduleuse qui crée l’illusion pour inciter à la dépense. Il appartiendra au juge de se prononcer. »

À l’époque, le tour de passe-passe d’EA avait été prouvé grâce à la fonction de traçabilité des cartes. Aujourd’hui, cette fonctionnalité a disparu du jeu, rendant impossible de savoir si la pratique est encore courante(7), à moins d’avoir accès à des données internes, ce qu’espèrent les deux avocats : « Les gens nous disent :« Vous êtes fous, vous vous attaquez à un groupe monstrueux, c’est David contre Goliath ! » Le rapport de force est complètement inégal et c’est aussi une des raisons pour lesquelles le terrain pénal est une chance pour nous. Si un juge d’instruction demande un accès aux données et qu’elles révèlent des manipulations d’algorithmes, des probabilités différentes pour x, y ou z selon les habitudes de consommation, les heures de connexion… c’est très grave. »

Mode Addiction

Début 2020, les deux avocats sont approchés par deux joueurs qui s’estiment lésés et décident de porter de premières plaintes isolées. Leur action attire l’attention de médias, ce qui leur amène d’autres témoignages, par dizaines. « Certains de nos clients ont dépensé des sommes à 5 chiffres, précise Karim Morand-Lahouazi. Des gens qui n’ont pas forcément les moyens de dépenser des sommes aussi importantes, qui ne les mettent pas dans des voyages, des sorties, des vêtements. » Ces cas isolés de joueurs pris dans l’engrenage du système FUT se multiplient ces dernières années. Certains claquent juste leur PEL dans des packs, mais d’autres sont aspirés de façon beaucoup plus sérieuse dans des problèmes d’addiction. « J’ai sans doute reçu plus de 500 témoignages, au fil des années, de personnes qui sont venus me parler de problèmes liés à FUT, raconte John Charles. Il y a des histoires qui m’ont choqué, des gens qui ont dépensé des sommes ahurissantes, qui ont tenté d’obtenir de l’aide de la part d’EA et qui n’ont reçu aucune réponse. Des gens sont venus me dire qu’ils avaient des idées noires, d’autres que leurs femmes les avaient mis à la porte. Parfois, c’est dur à encaisser. Jouer aux jeux vidéo ne devrait pas être dangereux, on devrait pouvoir prendre du plaisir sans avoir à dépenser tout ce qu’on gagne. »

Chez John comme chez les deux avocats, un même constat : une partie non négligeable des personnes happées dans cette spirale de dépense sont des mineurs, forcément très clients des jeux de football, et qui ponctionnent les comptes bancaires des parents pour s’acheter des packs. « 99% des parents à qui j’en ai parlé n’avaient aucune idée de l’existence des micro-transactions dans FIFA et ont été choqués », affirme John. « Il n’y a pas de contrôle sur l’achat de packs par les mineurs et en plus de ça, on a multiplié les sources d’approvisionnement pour acheter des points,regrette Victor Zagury. Carte bleue, forfait téléphonique, achat en physique… On parle de sommes qui peuvent paraître dérisoires, mais pour certains foyers, c’est la fin des haricots. »

Révolution de velours

Face à la montée de ces cas, le vent est lentement, mais sûrement en train de tourner. À ce jour, les loot boxes passent encore sous le radar de la plupart des législations relatives aux jeux de hasard. Ce qui les préserve, par exemple, de la note « 18 ans et plus » ou du pictogramme « jeux d’argent » de PEGI (l’organisme pan-européen qui classifie les jeux vidéo), qui ne concerne que les simulations ou représentations de jeux de casino. « Le problème, c’est qu’il n’y a pas une définition universelle de ce qu’est un jeu de hasard, chaque pays a la sienne et l’applique comme il l’entend », explique Dirk Bosmans, directeur des opérations de PEGI. Les loot boxes, l’organisme a évidemment un œil dessus, mais veut réfléchir à faire les choses correctement. Pas si évident : « Ça ne ferait aucun sens de classer ces jeux comme 18+, poursuit Bosmans. On aurait une catégorie trop vaste, où des jeux d’une extrême violence se retrouveraient à côté d’une simulation de foot. Les parents ne comprendraient pas que leurs enfants ne puissent pas jouer à un jeu de foot. » Au lieu de ça, PEGI a fait un premier pas en avant en prenant la décision, en mai dernier, d’ajouter une mention spéciale sur la boîte jeux comportant des loot boxes, avertissant l’acheteur que les achats intégrés « incluent des récompenses aléatoires ». Une mention qui apparaît bien sur FIFA 21, entre parenthèses, au dos de la boîte.

En France, l’ANJ (l’Autorité nationale des jeux, anciennement ARJEL) ne considère pas encore les loot boxes comme des jeux d’argent car, « dans le cas de FUT, en l’état de nos informations, semble manquer l’espérance de gain qui pourrait en faire un jeu d’argent », nous précise-t-elle. Mais l’évolution de la question ne lui échappe pas : « C’est un sujet de préoccupation, car on voit bien qu’il peut y avoir un risque d’addiction au jeu. Les loot boxes posent avant tout un problème de consommation et plus précisément un problème d’information du consommateur. Ce sujet fait l’objet de discussions au niveau international entre régulateurs, mais aussi au niveau national d’échanges avec la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, N.D.L.R.). » Une position qui n’a pas énormément évolué depuis 2017, année où l’ARJEL s’inquiétait déjà dans son rapport d’activité que « les bénéfices financiers engendrés par les micro-transactions sont en progression constante et atteignent des montants en comparaison desquels les résultats des opérateurs d’argent agréés font bien pâle figure. »

Coups de pied dans la fourmilière EA

Si la France traîne un peu des pieds, d’autres pays ont pris le problème à bras-le-corps. En Angleterre, à la suite d’une pétition ayant recueilli plus de 45 000 signatures, la chambre des Lords – l’équivalent du Sénat en France – a réclamé en juillet dernier le passage des loot boxes sous la législation relative aux jeux de hasard, et lancé le 23 septembre une grande consultation nationale sur l’impact de ces coffres à trésor dans les jeux vidéo pour appuyer sa décision. Une avancée, même si le changement pourrait prendre du temps. Ces deux dernières années, la Belgique, notamment sur la base du système de packs dans FIFA, et les Pays-Bas ont eux banni les loot boxes, rendant impossible l’achat des points FIFA sur leur territoire.

De minuscules coups de pied dans la fourmilière EA, qui défend encore bec et ongles un système qui a prouvé son efficacité d’un point de vue financier. Au risque d’adopter une communication agressive (la quasi-totalité de la communication d’EA sur FIFA est centrée sur FUT), voire borderline. Il y a quelques jours, le développeur se payait un bad buzz en publiant dans un magazine pour enfant anglais une publicité incitant explicitement à l’achat de points FIFA. Et si l’entreprise a depuis fait son mea culpa, ce n’est pas vraiment son coup d’essai en matière de communication désastreuse. En juin 2019, lors d’une audition devant le parlement britannique à la suite d’une première grosse polémique liée aux loot boxes sur un autre jeu de l’éditeur, Star Wars : Battlefront II, la vice-présidente du service juridique d’EA, Kerry Hopkins, provoquait déjà l’indignation (et l’hilarité) générale en affirmant qu’ils n’appelaient pas les packs des loot boxes, mais des « mécaniques de surprise », les considérant comme « plutôt éthiques » et les comparant à « des Kinder Surprise ».

Le cas du jeu de tir tiré de l’univers de George Lucas est par ailleurs emblématique, en ce qu’il a créé un précédent d’ampleur : face à la grogne de la communauté des joueurs et au « review bombing » (8), EA avait cédé et retiré les loot cratesdu jeu. « Il y a deux différences entre FIFA et Battlefront, tempère toutefois Victor Zagury. 1) on n’est pas sur un produit Star Wars, et Disney n’avait pas du tout accepté que son image soit dégradée ; 2) la communauté était tellement soudée et solidaire que la commercialité du jeu était en danger. Il y a eu un coup de pression venant d’en haut et d’en bas. FIFA, c’est un communauté plus éclatée et, surtout, il y a d’autres jeux similaires à Star Wars. Alors que si vous ne jouez pas à FIFA, vous jouez à quoi ? »

Coups de pression

Est-ce que FIFA pourrait connaître un destin similaire ? Pour l’instant, le concept de FUT reste massivement populaire, globalement très apprécié malgré toutes les frustrations qu’il engendre, et FIFA continue de jouir d’un quasi-monopole sur le terrain des simulations de football. Mais les coups de pression commencent à arriver. Principalement d’en bas, des joueurs et de quelques créateurs de contenu, mais aussi, depuis peu, d’en haut, par à-coups : d’abord avec le volet législatif, mais aussi via les e-sportifs. Outre les critiques récurrentes et parfois violentes sur le gameplay, certains s’attaquent désormais au système FUT.

Le 26 septembre, le joueur de Schalke Tim Latka annonçait qu’il ne dépenserait pas un centime en points FIFA sur FUT 21, arguant que ce n’est pas l’épaisseur du porte-monnaie qui devait déterminer ses performances sur le jeu.

Son club l’a soutenu, et annoncé que l’argent qui aurait dû servir à lui acheter des points FIFA serait reversé à la fondation Robert Enke, qui soutient la recherche sur la dépression et les maladies cardiaques chez les enfants. Où il fera sans doute beaucoup plus de bien.

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Par Alexandre Aflalo

Tous propos recueillis par AA, sauf mention.

Notes :

(1) Sur FIFA 20, on recense 41 types de cartes différents dans le jeu, dont 30 pouvant être obtenus via les packs. En tout, 34 types de cartes ne faisaient pas partie de la base de données du jeu à sa sortie (seules les cartes bronze, argent et or rares et non rares, ainsi que les icônes sont dans le jeu au début) et sont apparues progressivement tout au long de l’année. Selon les chiffres de la base de donnée Futbin, il existait 16 999 cartes au début de FIFA 20, contre 25 034 à la fin du jeu. À titre purement indicatif, on peut considérer que 10 types de cartes n’avaient aucun lien direct avec les performances des joueurs dans la vie réelle, actuelle ou passée (cartes purement promotionnelles, changement de postes, événements type Noël ou Halloween, etc.).

(2) Depuis quelques années, un virage a été pris dans FUT vers de plus en plus de compétitivité dans le jeu. Déjà par la création de la compétition FUT Champions en 2017 - chaque semaine, les joueurs ont l’opportunité de se qualifier pour une « Ligue Week-end » : de vendredi matin à lundi matin, sur 72 heures, ils peuvent jouer jusqu’à 30 matchs (40 auparavant), et le nombre de victoires détermine un niveau de récompense - mode de jeu qui donne les récompenses les plus prestigieuses, mais aussi le plus compétitif. De plus, les qualifications aux compétitions d’e-sport passent désormais par et se déroulent sur FUT.

(3) Pour ne citer que quelques gros exemples, pêle-mêle : des youtubeurs comme Castro (1,7M d’abonnés) ou Bateson (1,4M) ont été aperçus dans des vidéos et événements promotionnels des précédents jeux, et sont même apparus dans le jeu (dans le mode Clash d’équipes). Autre exemple : Spencer Owen (2M), fondateur de l’équipe d’eSport Hashtag United, qui a assuré la présentation de compétitions officielles de FIFA.

(4) Le pack le plus cher disponible sur FUT coûte 125 000 crédits, ou 2 500 points FIFA. À la valeur la plus basse du point FIFA (environ 0,008 euro, sur la base d’un prix d’achat de 99,99€ pour 12 000 points), cela équivaut à 20,83€.

(5) Depuis FIFA 19, EA a ajouté la possibilité de consulter la probabilité d'obtenir un ou plusieurs joueurs noté X ou plus dans ses packs. Deux problèmes : ces catégories restent assez larges (par exemple, au 5 octobre, on avait dans un pack « or premium » 4,1% de chance d’obtenir un joueur noté 84 ou plus, ce qui concerne plus de 350 cartes) ; et, pour certaines cartes, les probabilités affichées étaient moins précises (par exemple : « moins de 1% », sans précision supplémentaire).

(6) À titre indicatif, selon la même méthode de calcul utilisée en (4), on peut estimer que 15 millions de crédits équivalent environ à 2 500 euros, 16 millions environ à 2 660 euros.

(7) EA a toutefois répondu sur ce point à L’Équipe, précisant que « la situation avec Pelé était unique » et qu' « au cours des dernières années, EA n'a injecté aucun joueur dans le marché ».

(8) Le review bombing est une pratique qui consiste à massivement noter négativement un produit sur un site de critiques afin de saper sa popularité et sa commercialité.

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