- Angleterre
- Leicester (F)
La dynastie Morgan, pour que vivent les renardes
On connaît les Zidane, les Maldini ou encore les Mandanda, ces familles qui abritent plusieurs footballeurs professionnels. Dans un autre style, mais tout aussi étonnant, on peut évoquer les Morgan à Leicester. Du père Rohan, président de la section féminine, en passant par le fils Jonathan, à la tête de l’équipe, et les sœurs Holly, ancienne joueuse aujourd’hui coach, et Jade, manager générale, les Morgan sont partout chez les Foxes. Alors que l’équipe féminine va vivre ce samedi le premier match de son histoire parmi l’élite du football féminin anglais, récit de cette aventure familiale.
Jusqu’à peu à Leicester, du nom de Morgan, les supporters connaissaient surtout Wes. Celui qui brandissait, en tant que capitaine, le trophée de champion d’Angleterre en 2016 au nez et à la barbe du Big 6. Mais alors que le costaud défenseur central a tiré sa révérence en fin de saison dernière à l’âge de 37 ans, son nom continuera, lui, de représenter les Foxes, par l’intermédiaire d’homonymes jusque-là plutôt anonymes. Ce samedi en effet, Rohan Morgan, le papa, Jonathan, le fiston, mais aussi Holly et Jade, les deux sœurettes, passeront de l’ombre à la lumière. En tribunes ou sur le banc de touche sur le terrain d’Aston Villa, ils vont vivre côte à côte le premier match de l’histoire de la section féminine de Leicester parmi l’élite. Une équipe dont ils ont aidé à poser les fondations et dont ils ont continué à poser brique après brique au cours des dernières années.
Des Morgan, en veux-tu en voilà
L’histoire d’amour entre ces Morgan et Leicester débute en 2004. Huit ans avant que Wes Morgan ne signe pour le club des Midlands de l’est, Holly, qui fête alors ses onze ans, participe à son premier entraînement avec le Leicester City Women Football Club. À l’époque, le club voit tout juste le jour. Indépendante de son homonyme masculin qui a déjà plus d’un siècle dans les pattes, la structure fonctionne à la bonne franquette. Il y a d’un côté les joueuses amatrices et de l’autre les bénévoles, comme Rohan, qui permettent au LCWFC de vivre ses premières heures de gloire. Quelques années plus tard, père et fille sont rejoints par Jonathan. Cet ancien joueur de sixième division anglaise, qui rêvait de jouer à Football Manager pour de vrai, se voit confier les rênes de l’équipe réserve. Dans ses pas, Jade devient manager générale de ce club 100% féminin après avoir fait ses gammes en tant que bénévole. Avec un membre de la famille à la présidence du club, un autre qui pilote l’équipe première, un troisième qui donne les consignes sur le banc de touche et un dernier directement sur le terrain, les Morgan sont sur tous les fronts.
Incredibly grateful to have achieved such a triumph with my family. To work along side my family on a daily basis is something I never imagined. Humble is an understatement. On to the next chapter with this fantastic club ??? pic.twitter.com/TkiLU3H1V9
— JM (@jonnojmorgan) May 4, 2021
Et la méthode familiale porte rapidement ses fruits. À partir de 2014, date à laquelle Jonathan est désigné entraîneur principal de l’équipe première, au sein de laquelle évolue aussi Holly, le LCWFC gravit quatre échelons en l’espace de sept saisons. Jusqu’à être sacré le 4 avril dernier champion de deuxième division, synonyme d’accession à l’élite, la Women’s Super League, pour la première fois de son histoire. « Gagner le championnat a été très émouvant, a confié au club Holly, capitaine des Foxes durant toutes ces années. J’ai repensé à la petite fille de onze ans qui avait commencé ici et je lui ai dit :« Regarde, on l’a fait. » »
Du tracteur à l’élite
Tout n’était pourtant pas gagné d’avance. Passée seulement semi-professionnelle il y a quatre ans, et professionnelle il y a un an à la suite du rachat du club par le groupe King Power déjà propriétaire de Leicester City, l’équipe a longtemps tenu grâce à son noyau familial. Il y a sept ans, Jonathan se cassait la tête pour aligner onze joueuses sur la feuille de match. Alors il appelait Jade, sa petite sœur, qui débarquait pour faire le nombre. À une époque, le coach avait aussi pris l’habitude de se lever à quatre heures du matin pour aller chercher sa gardienne qui travaillait de nuit dans une prison afin qu’elle puisse rentrer plus vite et se reposer avant les matchs. Et puis il y a aussi eu toutes les autres galères : les entraînements sur un parking, les projecteurs du stade qui s’éteignent sans prévenir, et jusqu’à récemment le boucan des tracteurs qui passent à côté du terrain et qui couvrent les consignes de l’entraîneur…
Aujourd’hui pourtant, Leicester City ne connaît plus toutes ces mésaventures. L’équipe vit même carrément dans un autre monde. Jonathan Morgan occupe désormais l’ancien bureau de Claudio Ranieri et Brendan Rodgers, depuis que l’équipe masculine a déménagé vers le flamboyant King Power Center à Noël dernier. Du coup, les féminines ont hérité de Belvoir Drive, devenant ainsi la seule équipe féminine professionnelle du pays à disposer intégralement d’un centre d’entraînement d’élite. Le 12 septembre prochain, elles accueilleront également Manchester United au King Power Stadium, habituellement réservée aux hommes, mais qui ne le sera plus, puisque l’équipe de Jonathan Morgan y disputera huit de ses onze rencontres de la saison à domicile.
Si tout change, rien ne change
Lorsque la plupart des clubs féminins sont rattachés à des structures masculines, les personnes qui tenaient jusque-là les rênes sont remplacées. À Leicester, au contraire, l’esprit familial demeure. Rohan, Jonathan et Jade sont toujours là. Même Holly, qui vient de raccrocher les crampons à 28 ans, poursuit son idylle en aidant désormais son frère à coacher ses anciennes coéquipières. Leur premier plan de bataille atteint, tous sont déjà tournés vers l’avenir. « Maintenant, nous voulons finir au minimum au milieu de tableau, puis participer à la Ligue des champions, puis gagner la Women’s Super League, prévient Jade sur le site de la BBC. Nous avons toujours avancé pas à pas, et rien n’est hors de portée selon nous. » Elisabeth II n’a qu’à bien se tenir, la nouvelle dynastie anglaise est en marche.
Par Tara Britton