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La drôle de guerre entre l’Inter Odon FC et l’ES Barbery
Cet été, à une dizaine de kilomètres au sud de Caen, l'Inter Odon FC a engagé deux équipes féminines seniors pour la nouvelle saison. Problème, quinze joueuses provenaient de l'ES Barbery, qui a refusé leur départ, avant d'être conforté dans sa décision par la Ligue de Normandie. L'IOFC a alors saisi le CNOSF pour qu'elles puissent jouer le dimanche, mais rien n'y a fait avant que le président adverse cède ce lundi. Récit d'un drôle de conflit.
Menées 3-0 au bout de vingt minutes de jeu sur la pelouse de Thury-Harcourt, petite commune située en Suisse normande, les joueuses de l’Inter Odon FC se font remonter les bretelles par leur coach Mickaël Gouguet : « On manque de rythme, les filles, mais ce n’est pas une raison. Battez-vous et posez le ballon. » Les Bleues n’auront pas besoin d’un deuxième savon pour se bouger et revenir au score. Un, deux, trois, puis quatre buts leur permettent même de terminer le premier acte en tête. Lors du second, elles en inscriront cinq de plus avant de fêter cette victoire en amical (4-9). Un succès particulier puisqu’elles n’avaient pas affronté d’adversaires depuis près de trois semaines. La faute à un imbroglio confus avec la Ligue de Normandie et l’ES Barbery, club où évoluaient quinze des joueuses de Mickaël Gouguet la saison passée.
CNOSF saisi, licences refusées
Ce départ en nombre est le point central du conflit entre les deux clubs du Calvados. Début avril, l’entraîneur des seniors féminines de Barbery (2es de D1 la saison précédente) annonce à son président Yann Doublet qu’il part entraîner l’équipe féminine senior créée par le club d’Inter Odon. Puis c’est au tour de ses joueuses de l’apprendre, et de se demander si un changement de club est pertinent. En juin, deux arrêtent le foot, une signe à l’Avant-Garde Caennaise, une autre à La Hoguette, et quinze d’entre elles rejoignent l’Inter Odon, fruit d’une fusion entre les clubs d’Évrecy, Vieux-la-Romaine, Fontaine-Étoupefour, Esquay-Notre-Dame et Amayé-sur-Orne. Mais Barbery étant vidé d’une partie de son effectif, le club s’oppose à ses départs, avant que la commission du statut du joueur de la Ligue de Normandie ne donne raison au club, en première instance comme en appel. « On a alors pris un avocat pour saisir le Comité national olympique et sportif (CNOSF), qui nous a donné raison et a demandé à la ligue de valider les licences, explique Yannick Gérard, président de l’Inter Odon depuis trois saisons. Mais la Ligue refuse en disant que si toutes les équipes partent à 15 dans un autre club, cela peut mettre en péril le club initial. »
Résultat, les deux équipes féminines du club, pourtant inscrites en Coupe de France et en championnat, ne peuvent pas jouer officiellement depuis le début de saison malgré une lettre individuelle écrite à l’instance dirigeante du football normand. Pendant ce temps-là, à Barbery, aucune équipe féminine senior n’a finalement été engagée, renouvelant le sentiment d’injustice ressenti par Inter Odon. Mais dans cette histoire, le président de Barbery, Yann Doublet, refuse de passer pour le méchant : « On voulait que les filles jouent, mais ça a été fait n’importe comment, et c’est ce que nous n’avons pas apprécié. C’est inadmissible, et c’est pour ça que la Ligue et le District étaient d’accord avec nous. » Insuffisant pour que l’incompréhension disparaisse de l’esprit de Yannick Gérard : « Ce n’est jamais agréable qu’une quinzaine de filles puisse partir d’un club vers un autre. Mais elles sont venues pour un projet, ont accepté de repartir au plus bas niveau départemental. À un moment donné, il vaut mieux se demander pourquoi elles s’en vont plutôt que de les empêcher d’aller quelque part. »
Ballons dérobés, rétropédalage effectué
La raison de leur départ est lui aussi l’objet de débat. Car si Mickaël Gouguet explique qu’il n’a pas incité ni obligé ses quinze joueuses à le suivre, Yann Doublet dit pratiquement tout l’inverse : « Il ne devait prendre aucune féminine de chez nous, d’autant qu’il partait car il ne supportait plus les filles de Barbery. On a encore tous les messages, et on les a fait voir à la Ligue et au District. » Selon lui, les choses n’ont pas été faites dans l’ordre : « La moindre des choses c’est d’appeler le club d’en face pour dire : « Il y a quinze joueuses de votre club qui s’en vont, il doit se passer quelque chose dans votre club. » Mais là, ils étaient au courant largement avant nous, et ce n’est pas honnête. Moi, quand un jeune arrive à Barbery, j’appelle le club pour être sûr qu’il est au courant, c’est la moindre des politesses. » Edwige, transfuge de Barbery à Inter Odon, impute à son ancien club un manque de considération à l’égard de l’équipe la saison passée : « On est venues par nous-même, car on n’était pas assez suivies et soutenues alors qu’on avait obtenu des supers résultats. La saison dernière, on était en finale de la coupe 8 et en finale départementale de futsal, mais personne du club ou presque n’était là. » Un reproche réfuté par Yann Doublet, qui renvoie à nouveau le cuir dans le camp adverse en se retranchant derrière les instances dirigeantes : « La ligue a fait son enquête, ils ont sans doute appelé tous les clubs adverses qui ont pu leur dire qu’on était toujours présent le dimanche. Après, en coupe, on n’était pas là parce qu’on jouait loin. Mais quand elles jouaient à domicile, on était toujours là. »
Finalement, après plusieurs semaines de conflit, le président de Barbery a cédé ce lundi. « J’ai décidé d’être plus intelligent parce que ça prend une ampleur inadmissible, explique-t-il non sans une once de déception. On s’est mis d’accord avec le District du Calvados pour laisser partir les filles à une seule condition, c’est qu’on récupère nos ballons, car l’ancien entraîneur nous les a volés avant la remise des clefs deux jours avant. Ce qu’ils ont fait, c’est complètement inadmissible, mais il faut passer à autre chose et avancer. » En attendant le communiqué du District et la validation de leur licence, les joueuses de Mickaël Gouguet peuvent se préparer pour leur première rencontre de championnat de la saison. Après quoi, elles n’auront bientôt plus de raison d’être en manque de rythme.
Par Maxime Renaudet, à Caen et Thury-Harcourt
Tous propos recueillis par MR.