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La doublure doublée
Son poste de titulaire en club, ses buts en sélection... que reste-t-il à piquer chez Olivier Giroud pour Alexandre Lacazette ? Sa femme ? Tributaire d'une situation bien particulière en équipe de France qui faisait de lui la doublure de sa doublure en club, l'ancien Lyonnais a peut-être enfin renversé la table.
C’est à se demander s’il ne le fait pas exprès. Recruté à Arsenal pour apporter plus de vivacité à un collectif qui commençait à ronronner entre les immenses gambettes d’Olivier Giroud, Alexandre Lacazette a commencé la saison par mettre son concurrent sur le banc. Six buts en onze matchs. Pan. Rogné sur ses plates-bandes après cinq ans d’hégémonie, il restait jusqu’à ce soir au Chambérien un endroit sacré, zone de non-droit dans laquelle il pouvait se retirer pour, souvent, mieux se relancer. Prouver au monde – et Arsène Wenger – qu’il était encore là, décisif, influent, résistant. En bref, un petit village qui résistait encore et toujours à l’envahisseur, une histoire de Gaulois et de Romains qui a peut-être trouvé le début de son épilogue ce soir. L’équipe de France. Là où la doublure en club devenait première peau, et où la première peau devenait doublure de sa doublure en club. Compliqué à saisir, mais peut-être pas pour très longtemps.
Muet depuis deux ans
En marquant son premier doublé avec les Bleus, deux ans et demi après son unique but en équipe de France (face au Danemark en mars 2015, une victoire 2-0), Lacazette est venu confirmer qu’il valait peut-être mieux qu’un second rôle dans la pièce que joue actuellement l’équipe de Didier Deschamps. Résumons sa performance en trois points : tactiquement instable, difficilement lisible pour les centraux allemands, et létal devant le but. Difficile de manquer l’offrande de Martial pour l’ouverture du score, bien couvert qui plus est par un Can qui avait complètement oublié l’existence du hors-jeu, mais son mouvement sur le second but est bien plus délectable. Lâché par Rüdiger, il s’avance, enclenche cette feinte de frappe qu’il aime tant, soulignée d’un mouvement du bassin, et ajuste Trapp entre les jambes. Dans un schéma de jeu qui demandait de la vitesse d’exécution et des enchaînements rapides, Lacazette a bien pris sa potion magique pour combiner efficacement et proposer des solutions en profondeur, là où Giroud excelle dans la remise et l’organisation du jeu. Et face à Mats Hummels en plus, s’il vous plaît.
Une histoire de Griezmann
Le propre des matchs amicaux étant de faire des essais, Deschamps a pu essayer. Olivier Giroud souffrant « d’une petite lésion musculaire à l’adducteur droit » , il a logiquement été remis mercredi à la disposition de son club par le staff des Bleus, rendant le Superman international à son statut de Clark Kent à lunettes. Ou d’Obélix sous acides à celui d’Abraracourcix dépourvu de sa mixture sacrée, chef de bande ventripotent dont l’autorité est désormais sans cesse remise en question. Lacazette offre autre chose, et cela n’est d’ailleurs pas un hasard si Antoine Griezmann voulait absolument attirer le Lyonnais à l’Atlético cet été : « Je ne vais pas être objectif sur Lacazette, car c’est mon ami depuis l’équipe de France U18, avait-il déclaré au micro de la Cadena Ser en mai dernier. J’adorerais jouer avec lui, il aime jouer avec ses coéquipiers, un peu comme Vietto, mais il marque plus de buts. Ce n’est pas compliqué d’être complémentaire avec un joueur comme ça. » Or, plus que sur Giroud, plus que sur quiconque, Didier Deschamps a toujours construit son groupe autour d’Antoine Griezmann. Et si l’entrée de celui-ci a occasionné la sortie de Lacazette contre l’Allemagne, rien ne dit qu’un jour, les deux Gaulois ne prendront pas la potion dans le même chaudron.
Par Théo Denmat