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La dernière chance de Rudi Garcia
Alors que la Roma joue ce mercredi soir son avenir en Ligue des champions, son entraîneur Rudi Garcia est sous le feu des critiques. Choix discutables, erreurs de communication, discours qui ne passent plus : l'entraîneur français est au bord du précipice et doit prouver qu'il est l'homme de la situation.
30 août dernier. Deuxième journée de Serie A 2015/2016. Après deux saisons d’échecs, Rudi Garcia et sa Roma parviennent enfin à prendre le meilleur sur la Juventus (2-1). Pjanić a inscrit un coup franc magnifique, Džeko a planté son premier but sous ses nouvelles couleurs, la Juve est à sec au classement : tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes pour les Giallorossi. Quelques semaines plus tard, les hommes de Rudi Garcia s’en vont même chercher la première place de Serie A à la faveur de 5 victoires consécutives de la 6e à la 10e journée. Certes suit une défaite sur la pelouse de l’Inter (1-0), mais la Roma se rattrape immédiatement en gagnant aisément le derby de Rome (2-0). Mieux, quatre jours plus tôt, la Louve s’est également remise dans le coup en Ligue des champions en venant difficilement à bout du Bayer Leverkusen (3-2). L’ambiance est alors de retour au beau fixe du côté de Trigoria. Seulement, le problème est que la Louve n’a plus gagné un seul match depuis. Étrillée à Barcelone (6-1), elle s’est heurtée à trois équipes largement à sa portée (Bologne, Atalanta, Torino) en Serie A. Résultat, la crise est décrétée, et le poste de Rudi Garcia commence à vaciller.
Les œillères de Rudi Garcia
Après deux saisons conclues à la deuxième place du championnat, Rudi Garcia semble toujours incapable d’apprendre de ses erreurs. La saison passée, il s’est brûlé les ailes avec sa fameuse « conviction d’être champion » à la suite de la défaite de la Roma au Juventus Stadium. Il a certes reconnu avoir commis un péché d’orgueil depuis, mais il n’a pas changé son mode de fonctionnement pour autant. Car si on peut comprendre son coup de gueule légitime après le match nul de la Louve sur la pelouse gorgée d’eau de Bologne (2-2), sa gestion du déplacement sur la pelouse du Barça est, elle, indéfendable. Avant cette rencontre, Garcia avait assuré qu’il n’existait pas d’équipe imbattable, même si la tâche des siens allait être difficile. Six buts dans la musette et une prestation calamiteuse plus tard, son discours avait un poil changé de ton : « Il fallait un miracle, il n’est pas arrivé. Le Barça est imbattable en ce moment, de toute façon on ne sera pas les derniers à prendre six buts ici » , se défendait-il. Un discours qui révèle une nouvelle fois son incapacité à reconnaître ses erreurs et les manques de son équipe.
Car s’il est vrai que perdre au Camp Nou n’est pas une énorme contre-performance, la façon dont la Roma y est apparue complètement résignée et dépassée est en revanche inacceptable pour une équipe de son rang. Surtout, les choix de l’entraîneur français interpellent. Lors du match aller au stadio Olimpico, la Roma avait réussi à accrocher les Blaugrana en jouant très bas. Elle a fait tout le contraire au retour avec un pressing haut suicidaire. De la même manière, le trimbalement de Florenzi à plusieurs postes alors qu’il excelle à celui d’arrière droit – où Maicon est lui en pleine déconfiture – ou encore l’alternance entre De Sanctis et Szczęsny dans les cages témoignent des hésitations du coach français. Aussi, et c’est sans doute son pire tort, Garcia ne parvient plus à remobiliser ses troupes. Après la rouste face au Barça, il a maintes fois répété que cette lourde défaite n’aurait pas d’incidence psychologique sur ses joueurs et qu’il fallait simplement retrouver la victoire rapidement. Derrière, la Roma a été totalement maîtrisée par l’Atalanta à domicile (0-2), et a encore perdu de précieux points en déplacement au Torino ce week-end (1-1).
Tous coupables, vraiment ?
Pourtant, l’entraîneur français est toujours soutenu aussi bien par ses joueurs – Daniele De Rossi a par exemple déclaré plusieurs fois que l’équipe ne lâcherait pas Garcia – que par ses dirigeants. Le directeur sportif de la Roma Walter Sabatini, a ainsi pris sa défense pas plus tard que lundi en conférence de presse : « Enlevez-vous certaines idées de la tête. Si Garcia tombe, on tombe tous ensemble » , a-t-il confié. Logique, puisque Sabatini est lui aussi pris pour cible en raison du mercato romain qui se révèle très décevant jusqu’ici. Aussi bien du côté des arrivées que des départs. L’exemple le plus significatif est celui d’Antonio Rüdiger qui multiplie les prestations catastrophiques, alors que Romagnoli ou Astori enchaînent les belles performances au Milan et à la Fiorentina. De même, Džeko ne justifie pas son rang, alors que Destro, Ljajić, voire même Doumbia ou Sanabria ont tous déjà plus ou moins brillé cette saison loin de Rome. D’ailleurs, Ljajić ne s’est pas privé de se rappeler au bon souvenir des Giallorossi ce week-end après son but face au Genoa : « J’espère que quelques-uns à Rome s’en mordent les doigts » a lâché le Serbe aux micros de Mediaset.
Oui, mais ce n’est pas de la faute de Garcia, jugeront probablement certains ? En partie peut-être, mais l’entraîneur français a bien son mot à dire sur le mercato. Les nombreuses recrues « made in Ligue 1 » débarquées à la Roma depuis qu’il en est l’entraîneur le prouvent. Aussi pourrait-on être tenté de dédouaner Garcia des prestations moyennes de certaines individualités. Mais au contraire, sans les exploits individuels de Salah (la seule recrue vraiment satisfaisante), de Gervinho (qui devait partir cet été…) ou de Pjanić, l’ancien coach de Lille serait peut-être déjà au chômage. D’ailleurs, depuis les blessures de l’Égyptien et de l’Ivoirien, la Roma n’a plus marqué dans le jeu, ce qui prouve bien que le système de jeu de Garcia doit aussi être remis en question. L’entraîneur français a en tout cas été sévèrement taclé en début de semaine par Luciano Moggi, invité de l’émission italienne Le Iene et questionné sur l’entraîneur qu’il limogerait en premier : « Garcia, a répondu sans hésitation l’ancien directeur sportif de la Juve. Garcia est le drame de la Roma. » On passera sur la réputation sulfureuse du personnage, mais son intervention témoigne bien d’une chose : la cote de popularité de Garcia est vraiment au plus bas.
Une semaine décisive
Malgré les soutiens officiels que Garcia a reçus, la semaine qui arrive s’annonce donc bel et bien décisive. À commencer par la réception du BATE Borisov ce mercredi soir. Les Romains ont leur destin entre les mains : une victoire leur permettrait d’assurer leur qualification puisqu’ils ont l’avantage dans les confrontations directes sur le Bayer Leverkusen. La tâche ne semble donc pas insurmontable. Rappelons cependant que dans la même situation, la Roma s’était inclinée la saison passée face à Manchester City. Un adversaire d’un tout autre calibre, certes, mais prudence tout de même. Garcia s’est lui exprimé ce mardi en conférence de presse sur une éventuelle démission en cas d’élimination, en restant fidèle à sa ligne de conduite : « On a déjà joué le match ? Non !, a-t-il sèchement répondu. Je ne pense qu’à gagner et on gagnera. On veut passer le tour et être prêts pour le prochain tirage au sort. Ce match est comme un derby, il ne se joue pas, il se gagne » . Enfin, la Roma se déplacera ce dimanche sur la pelouse du Napoli pour une confrontation électrique. Une autre occasion pour Garcia et les siens de prouver qu’ils ont bien les arguments propres à leurs ambitions. Dans le cas contraire, l’entraîneur français ne fera pas de vieux os à Rome. Fabio Capello a déjà placé ses billes, en affirmant qu’il ne serait pas contre un retour à Rome…
Par Eric Marinelli