- Euro 2016
- Équipe de France
- Bilan
La défaite, traumatisme ou leçon pour l’avenir ?
La France a perdu son Euro, chez elle, devant son public, sur la plus petite des marges et en ayant dominé globalement la rencontre. Le dénouement laisse un goût amer au réveil. Comme d'autres avant, les Bleus vont maintenant devoir trouver la voie à prendre pour l'après. Les Bleus doivent dépasser le trauma pour tirer les leçons et revenir plus fort la prochaine fois.
Il est 23h et des poussières. Eder a marqué son but depuis quelques minutes déjà, et tout le monde a bien compris ce qui se déroule sur la pelouse de Saint-Denis. Toutes les mines sont déconfites dans les bars, devant les écrans géants des fan zone ou dans son salon. La France vient de perdre, alors que le trophée lui tendait les bras, que chacun escomptait souffler un peu et profiter d’une soirée de folie et d’allégresse, c’est la gueule de bois sans l’arrière-goût de victoire. Comme le Brésil il y a deux ans, ou l’Allemagne 2006 et le Portugal 2004 parmi les exemples récents, la France vit la douleur de la marche manquée d’un fil après une compétition où elle semblait taillée pour réussir. Le mot est lâché, comme souvent en football lorsque le scénario paraît cruel : et si cela allait devenir un traumatisme insurmontable pour la bande à Dédé ?
Info-trauma
L’exemple le plus frappant et récent du trauma footballistique est le Brésil de 2014. Même si les raisons sont aussi à chercher dans un vivier sportif de plus en plus fébrile, la sélection n’a visiblement toujours pas digéré l’épisode terrible de la demi-finale contre l’Allemagne. Tournés en ridicule, les Brésiliens accusent encore maintenant une sorte de traumatisme à l’heure d’aborder les matchs officiels avec le maillot de la Seleção. Certaines conditions de ce match peuvent convenir à ce qui est appelé généralement un événement traumatique, en particulier un sentiment d’impuissance, d’horreur sportive. Il est alors assez fréquent de développer des troubles, selon le guide du site québécois un peu flippant info-trauma.org. « Chez les personnes exposées à un événement traumatique, 9% ont développé un trouble de stress post-traumatique. » Ramené à un groupe de tournoi avec son staff, il faudrait donc compter au moins trois Brésiliens concernés. Les conséquences peuvent alors durer assez longtemps. Dans ce même guide, on apprend que « l’intensité et la durée du trouble de stress post-traumatique est très variable, allant de quelques semaines à plusieurs années. Environ la moitié des personnes s’en remettent spontanément en l’espace d’un an ou deux. » La guérison n’est donc plus forcément trop éloignée, pour les quelques Brésiliens concernés. En restant méfiant. « Un événement déclencheur » peut provoquer une « apparition différée des symptômes » traumatiques. Autant dire que si Deschamps recroise une finale ou le Portugal dans les prochaines années, il lui faudra être costaud mentalement.
« Retrouver un nouvel équilibre »
Surtout, le guide pour post-trauma délivre une sentence importante et partiellement rassurante. Non, le retour en arrière n’est pas possible. « Chaque expérience nous transforme profondément. Revenir « comme avant », effacer le traumatisme, est un souhait universel rarement réalisable. S’il est douteux de revenir comme avant, retrouver un nouvel équilibre, et peut-être découvrir une certaine sagesse, est possible. » L’équipe de France de football va devoir désormais vivre avec cet épisode de la finale manquée au Stade de France. Le défi de Deschamps est cependant tout trouvé. En deux ans, il va pouvoir s’atteler à assagir son équipe et redonner du baume au cœur de ses leaders. Peut-être pour le meilleur, si l’on en croit la réussite de certains grands traumatisés de ces dernières années. D’une certaine manière, le Portugal a montré une bonne façon de faire. En 2004, face à la surprise grecque, la défaite dans l’Estádio da Luz est difficile à encaisser. Mais de suite, la Selecção des Ibères enchaîne les bonnes prestations en compétitions internationales, dont une demi-finale dès la Coupe du monde suivante, pour achever le travail douze ans après. Ce qu’il ne faut pas, c’est nier la réalité. « L’évitement de ce qui rappelle le trauma est considéré comme une façon de contrôler ses symptômes. Toutefois, cette conduite, si elle apparaît aidante au début, empêche les pensées reliées au trauma de s’atténuer graduellement. »
La France a perdu. Il est l’heure de se confier, entre les joueurs, avec le staff, pour tirer un trait sur la défaite et gagner la prochaine fois. De ce point de vue, le plus parlant pour la France est probablement à rechercher chez le voisin allemand. Pour Joachim Löw, 2006 est un point de départ. Pour repartir de plus belle, Löw affirme mordicus son nouveau motto d’un football offensif et s’appuie sur plus de jeunesse encore. 2008 et 2010 marquent l’explosion d’une nouvelle génération de footballeurs allemands qui ne demandaient qu’à avoir leur chance en Nationalmannschaft. Certes, il faut attendre huit ans pour récolter enfin un premier titre et une part de lose continue de caractériser cette nouvelle Mannschaft. Mais c’est bien la leçon des défaites contre l’Italie qui a été retenue, en accentuant la solidité du jeu quand l’enjeu le demande. La finale 2014 n’aurait probablement pas pu se dérouler aussi bien sans cette défaite originelle. Le guide d’info-trauma le rappelle : « Le but n’est pas de devenir un expert de vos troubles, mais de mieux les connaître pour mieux faire face. » Pour les Bleus, c’est une Coupe du monde qu’il faudra aller chercher dans deux ans, en s’appuyant sur cet échec du 10 juillet et ses leçons.
Par Côme Tessier