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- Cameroun/Croatie
La Croatie à poil face au monde
En cas de défaite face au Cameroun, les Croates seraient les premiers éliminés de la Coupe du monde 2014. Mais quelques jours avant cette rencontre décisive, c'était une histoire de naturisme qui poussait la sélection à boycotter ses médias. Qu'en est-il donc aujourd'hui ?
Il est très grand, il est très chauve, et il est très énervé. « Je ne suis pas croate, je suis serbe, mais c’est pareil, demande-moi ce que t’as à me demander ! » Sous les violents tuyaux de climatisation du centre de presse de Manaus, le journaliste est pressé, il doit envoyer son article. Manifestement, celui-ci ne porte pas sur la polémique autour des paparazzi qui ont pris en photo les joueurs croates en train de se baigner à poil au bord de la piscine de leur hôtel. « Mais c’était il y a deux jours, ça, c’est dépassé ! Vous voyez bien qu’ils ont parlé aux journalistes croates pendant la conférence de presse ! Maintenant désolé, mais je dois bosser. »
La clope de Zidane, les bières de Stoitchkov
Ce sosie géant de Philippe Corti a raison : dans le fond, cette histoire n’a aucun intérêt. Mais à la veille d’une rencontre face au Cameroun qui, en cas de défaite, transformerait la Croatie en première nation éliminée de ce Mondial, le caillou est dans la chaussure. Planqués dans les buissons du paradisiaque Tivoli Resort à Praia do Forte, 80 bornes au nord de Salvador, deux photographes croates ont allumé la mèche avec des clichés de Dejan Lovren et Vedran Ćorluka en train de faire les cons au bord de la piscine dans le plus simple appareil, quelques jours après la défaite inaugurale face au Brésil.
On connaissait les photos de Zidane la clope au bec en pleine Coupe du monde 1998, ou les Bulgares qui s’enfilent des binouzes dans leur bain à remous en 1994, mais apparemment ce genre d’ « information » est encore à même de faire penser à certains qu’une équipe qui divague quelque peu est une équipe qui se plante. Soit. La réaction est immédiate : dimanche, les Croates annoncent en conférence de presse qu’ils ne parleront plus aux médias de leur pays, mettant tout le monde dans le même panier. Dans l’auditorium de l’Arena Amazonia de Manaus, ce mardi, la sanction semblait pourtant bien levée, puisque les journalistes croates questionnaient et obtenaient des réponses de la part du sélectionneur Niko Kovač et de Mario Mandžukić.
Clichés érotico-footballistiques
Lorsqu’on évoque la question au coup de sifflet final de la rencontre médiatique, le joueur du Bayern sourit, mais le sélectionneur se braque : « Il ne reste que 21 ou 22 heures avant le match, nous ne voulions parler que de football. Je suis sûr que mes joueurs seront concentrés à 100% sur la rencontre. » Aucun des envoyés spéciaux du pays au damier n’aura osé évoquer le différend. « C’est un très gros scandale en Croatie, admet Tomislav Zidak, du quotidien Jutarnji List. Ils ont accepté de nous parler en conférence de presse parce que la Fifa les y oblige, mais ils ont vraiment décidé de ne pas nous adresser la parole en dehors de ça jusqu’à la fin de la compétition. »
Les clichés érotico-footballistiques seraient peut-être bien une bonne excuse, selon le journaliste : « Il n’y a pas de très bonnes relations entre la sélection et les journalistes. Si vous prenez Modrić, qui joue au Real, ou Mandžukić, au Bayern, ce sont des stars, ils ne s’intéressent pas à nous. » Si la bande à Samuel Eto’o Fils les bat, les Croates pourraient rentrer au pays plus vite que prévu, et cela semble tout de même inquiéter les victimes du boycott de la sélection. « Aujourd’hui, il ne fallait parler que de football, souffle Zidak. Contre le Cameroun, il faut gagner, sinon c’est terminé. Donc nous verrons après le match. » Le journaliste a la pression. Pas Mandžukić. Face aux flashs, aux caméras et aux enregistreurs, le seul buteur croate en finale de Ligue des champions s’étonne lorsqu’on lui demande s’il a peur avant cette rencontre décisive : « Ce genre de matchs peut faire peur à ceux qui ressentent la pression, mais ce n’est pas mon cas. » Dans la chaleur amazonienne, se balader à poil est clairement un bon remède.
Par Thomas Pitrel, à Manaus