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La crise sud-américaine : mythe ou réalité ?

Par Antoine Donnarieix
5 minutes
La crise sud-américaine : mythe ou réalité ?

Après les éditions 1934, 1966, 1982 et 2006, la Coupe du monde 2018 va donc offrir un dernier carré 100% européen. Victime de cette édition bousculée par un vent de fraîcheur, l’Amérique du Sud toute entière peut être déçue de son bilan comptable aussi douloureux que surprenant.

Parmi les écrivains les plus célèbres d’Amérique latine, Paulo Coelho truste la pole position grâce à ses best-sellers en pagaille. Parmi ses citations philosophiques, l’auteur carioca avait un jour écrit ceci : « Ne perds pas ton temps avec des explications ; les gens entendent ce qu’ils veulent entendre. » Une façon de prouver que devant des faits accomplis, l’homme peut décider de réfléchir comme il le souhaite. En s’engageant dans l’auditorium de la Kazan Arena devant une horde de journalistes, son compatriote Tite sait déjà que les trois quarts des personnes présentes dans la salle veulent entendre des phrases choc.

Le Brésil a tiré trois fois plus au but et cadré trois fois plus que son adversaire du soir ? Tout le monde s’en fout. Tite était invaincu depuis 391 jours en match officiel avec sa Seleção ? Tout le monde s’en fout. La seule chose qui compte, c’est de voir le Brésil, dernière nation sud-américaine encore en lice dans ce Mondial, échouer pour la quatrième fois consécutive dans sa quête du Graal. Un affront en mondovision, un vrai.

Argentine et Pérou, erreurs de débutants

Depuis le début de ce Mondial, toutes les équipes sud-américaines faisaient partie de la même famille : celle de groupes portés par une forte énergie collective et populaire, mais aussi armés d’un plan de jeu stable et cohérent. Toutes ? Non. L’Argentine, dirigée par un Jorge Sampaoli dont les idées tactiques fusent comme des lévriers flashés à pleine vitesse, semblait en manque de repères et trop déséquilibrée pour inquiéter une grosse pointure européenne. Les défaites contre la Croatie (0-3) et la France (3-4), toutes deux demi-finalistes, sont là pour le prouver.

Au-delà de son Mondial, l’Argentine s’est préparée de manière apocalyptique, avec pour seul match amical une promenade de santé contre Haïti (4-0). Le match en Israël ? Annulé pour raisons géopolitiques. Sa dernière grosse confrontation ? Une volée reçue contre l’Espagne à Madrid (6-1). D’accord, c’était sans Lionel Messi. Mais ajouter laPulga dans ce fiasco programmé n’a rien changé à la donne, preuve d’un malaise en interne.

Les matchs amicaux, le Pérou les avait tous passés avec succès : des victoires contre la Croatie, l’Islande, l’Écosse, puis l’Arabie saoudite. Avant de terminer par un match nul contre la Suède (0-0). Bref, cela avait tout d’une préparation optimale pour les Incas. Mais au moment d’entrer dans le grand bain contre le Danemark, les protégés de Ricardo Gareca se sont fait piéger par un élément impromptu : le trac.

Auteur d’un penalty envoyé dans les tribunes en première période, Christian Cueva doit maudire sa propre maladresse qui change la face de ce match, gonfle la confiance de Kasper Schmeichel et complique directement la suite du Mondial péruvien après une attente populaire de 36 ans (0-1). À la suite de ce coup derrière la nuque, vaincre l’équipe de France à Iekaterinbourg devenait une quasi-obligation étant donné le match nul entre le Danemark et l’Australie deux heures plus tôt. Peine perdue…

Colombie, Uruguay, Brésil : punis de sang-froid

À la suite de son excellent tournoi sur ses terres il y a quatre ans (cinq représentants en huitièmes de finale, trois en quarts, deux en demies et un en finale), l’Amérique du Sud pouvait difficilement rendre un meilleur bilan que celui de 2014. Auteur de sa meilleure performance dans un Mondial à cette occasion, la Colombie s’est montrée héroïque grâce au talisman Yerry Mina, mais laisse derrière elle des nerfs à vif : deux penaltys concédés par Carlos Sánchez, un coup de tête sanctionnable de Wilmar Barrios contre l’Angleterre et, bien entendu, un mental friable sur l’épreuve des tirs au but. Un exercice périlleux que le Brésil et l’Uruguay, tous les deux qualifiés dans le temps réglementaire des huitièmes de finale, ont évité avec brio pour s’épargner une quelconque frayeur. Pour s’inviter dans le dernier carré, les deux premiers de la zone Amsud avaient opté pour la même stratégie : jouer haut pour marquer en premier et ainsi mener la danse.

L’Uruguay était parfois proche d’y parvenir. Mais en bon capitaine, Hugo Lloris s’est montré imperméable à toute forme de pression. Et puis en fin de rencontre, il y a ce terrible constat : avec le même nombre de tirs et deux fois plus de frappes cadrées, à savoir quatre contre deux, l’Uruguay d’un Fernando Muslera mal inspiré s’incline (0-2). Une victoire au réalisme froid, bientôt reproduite par la Belgique contre le Brésil (1-2). « Malgré toute la douleur que je ressens en ce moment, je considère que si tu aimes le football, tu dois regarder ce match, car il te donnera beaucoup de plaisir, expliquait Tite en conférence d’après-match. Si tu ne supportes aucune équipe, tu peux te poser sur ta chaise et dire : « Quel match de fou ! » Parce que n’importe quelle personne qui apprécie le football peut se rendre compte que ce match était beau. » Ceux qui répondront que seule la victoire est belle seront dans le factuel, eux.

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Et si Gyan n’avait pas tiré le penalty d’Uruguay-Ghana en 2010 ?
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