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La couronne d’Hugo Lloris

Par Maxime Brigand, à l'Al Bayt
La couronne d’Hugo Lloris

Auteur de plusieurs parades monumentales contre l’Angleterre alors qu’il battait, ce samedi soir, le record de sélections en équipe de France de Lilian Thuram, Hugo Lloris a, quatre ans après une autre prestation majuscule contre l’Uruguay, une nouvelle fois été le point d’équilibre de la qualification des Bleus pour le dernier carré de la Coupe du monde.

La tête encore secouée, les yeux du type tout droit sorti d’un shaker et les jambes encore tremblantes, Hugo Lloris souffle. Le gardien de l’équipe de France peine à rassembler l’intégralité des souvenirs laissés sur la pelouse de l’Al Bayt plus d’une heure plus tôt et ne se souvient même plus exactement comment son troupeau a réussi à échapper à une meute de lions assoiffés. Était-ce un corner ? Un centre ? Peu importe : au bout, Olivier Giroud a surgi, et c’est bien tout ce qui compte aux yeux d’un homme qui est entré poings en avant dans l’histoire, samedi soir, au Qatar. « Ça a été un match difficile, face à une très très bonne équipe, qui mérite beaucoup de louanges. Cette rencontre a été ce qui avait été annoncé : une grosse bataille, glisse celui qui vient d’effacer le record de sélections de Lilian Thuram des tablettes. On a été solides dans les moments importants du match, on leur a fait mal quand il fallait et on a été forts dans la tempête. » Et sa performance, dans tout ça ? Un instant, Lloris remet les gants : « Vous savez, j’ai essayé d’aider l’équipe. J’ai été, et c’est bien normal, davantage mis à contribution que sur le début du tournoi… » Puis, quelque chose s’échappe. « Bon, je ne peux pas vraiment le cacher… C’était quand même une soirée spéciale entre la 143e sélection, le fait de jouer contre l’Angleterre, un pays dans lequel je vis depuis plus de dix ans… » Et Lloris s’en va, non sans avoir glissé un mot pour son vieil ami Harry Kane, un mec qu’il connaît sur le bout des doigts, qui a fait trembler ses mailles, mais qui a aussi envoyé une balle de prolongation dans le décor. La presse anglaise a voulu déguiser le capitaine du navire français en maillon faible ? Très bien : il a répondu.

Comme toujours, Hugo Lloris l’a fait là où il n’a pas besoin de jouer un autre rôle que celui du sauveur – le terrain – et a accepté de fendre l’armure au moment où il se sent le plus à l’aise – après les rencontres, en zone mixte, un endroit où on le sent toujours plus sensible que lorsqu’il doit déballer des kilomètres de phrases préconstruites la veille des matchs, en conférence de presse. Sur le terrain, il ne s’est d’ailleurs pas contenté de répondre : Lloris a irradié ce quart de finale de Coupe du monde, le troisième de sa vie et le deuxième de suite où il a été une bouée de sauvetage plus que jamais précieuse pour une équipe de France sur un fil. Il y a quatre ans, à Nijni Novgorod, contre l’Uruguay, il n’avait été sollicité que quatre fois, mais avait notamment sorti un arrêt fantastique avant la pause sur une tête de Martín Cáceres. Raphaël Varane avait raconté ceci : « Quand je vois le ballon passer, je pense qu’il va au fond, mais la détente d’Hugo nous sauve. Il faut lui dire merci, le prendre dans nos bras. Certains ont douté de lui, mais pas nous. On n’a jamais douté de lui. On connaît son talent. » Didier Deschamps, de son côté, était venu présenter un arrêt « à la valeur d’un but ». Samedi soir, face à l’Angleterre, il a été bien plus sollicité (6 arrêts) et a, entre autres, sorti trois arrêts monumentaux : le premier devant Harry Kane après un duel perdu par Dayot Upamecano (22e) sur lequel il a fait parler son art de la défense de l’espace évoqué il y a quelques jours par le spécialiste du poste Thierry Barnerat et son explosivité, le second sur une frappe lointaine de son coéquipier de Tottenham (29e), et le troisième sur une tentative puissante de Jude Bellingham (47e).

Le premier arrêt face à Kane est vraiment un arrêt de très haut niveau : alors qu’Upamecano est pris, comme souvent durant la rencontre, sur sa gauche, Hugo Lloris se prépare à jaillir…

… et en moins d’une seconde, il va réussir à manger le temps et l’espace à son coéquipier en club.

Son deuxième arrêt, plus aérien, n’est pas moins impressionnant.

Et le troisième sur une frappe de Bellingham arrive, en plus, à un moment où l’équipe de France aurait pu s’offrir un deuxième acte terrible pour les nerfs.

L’autre bois

Passé avec un short remonté façon Nicolas Pallois pour bavarder de cette victoire arrachée à la force des ongles, Adrien Rabiot, qui est monté en puissance au cours de la soirée après un début de match étrange, où il a mêlé récupérations et ballons perdus dangereusement, a concédé : « On est fiers d’Hugo, c’est top. Tout le monde parlait du duel Kylian-Walker, on les a moins vus et on a vu d’autres joueurs. Hugo a fait un très grand match. Dans ce type de contexte, on a besoin d’un grand gardien et on l’a eu ce soir. » Comme souvent en phase finale, et alors que les autres anciens (Varane, Griezmann, Giroud) ont également su tenir bon malgré les secousses, Lloris a été héroïque et a même vu ses deux compagnons de poste – Steve Mandanda et Alphonse Areola – lui sauter au cou dès le coup de sifflet final, tout comme Benjamin Pavard et Antoine Griezmann, un homme qui sait en général très bien placer le curseur au moment de distribuer les lauriers. Alors oui, le gardien français a de nouveau eu du déchet au pied – il a, par exemple, complètement foiré une relance assez simple après avoir arrêté un coup franc sans danger de Luke Shaw (21e) et a souvent recherché en vain Olivier Giroud, longtemps menotté par le duo Stones-Maguire -, a été aux pâquerettes sur une sortie aérienne (48e) et a été pris à contre-pied sur un premier penalty de Kane, avant que le second ne finisse sa course hors du cadre, mais l’essentiel est à cette heure-ci ailleurs. Comme en 2018, Hugo Lloris, parfois coincé dans un rôle de capitaine qui peut lui brûler les doigts lorsqu’il est envoyé sur certains incendies, a su tenir la maison bleue à bout de bras lorsqu’elle a menacé de s’écrouler. Un jour, il avait résumé à Libération son destin en affirmant qu’aucun arrêt ne se ressemble, que dans chacun d’entre eux, il y a ici un bout d’échec passé, là un morceau d’expérience, et à 35 ans, il a encore prouvé qu’il savait sortir vivant et héros d’une soirée passée dans un mixeur. Le Niçois devenu londonien, qui a bouclé son quart en regardant un coup franc de Rashford rouler sur son petit filet supérieur, est bien fait d’un autre bois : celui qui compte plus que les autres.

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