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La coupe Hallé, l’autre Coupe de France de l’ESM Hamel
Petit Poucet de la Coupe de France 2018-2019, c'est toutefois dans une autre coupe que l'Étoile sportive municipale d'Hamel, inscrite au Vrai Foot Day ou la première journée européenne du foot amateur, a écrit les plus belles pages de son histoire : la coupe Hallé, du nom de l'ancien maire de la commune et fondateur du club. Récit.
L’ivresse de la qualif’ retombée, Ludovic Wuillaume scrute les internets. Rien. Pas UN mot, dans les médias locaux, sur l’exploit de son club de l’Étoile sportive municipale d’Hamel, pensionnaire de Départemental 4 et futur petit Poucet du sixième tour de la Coupe de France. « Il y avait pas mal d’articles sur la coupe, et sur nous rien. On était un peu déçus. » Résigné, le président hamelois finit par siffler la fin de la veillée, éteint son ordi et va se coucher. À son réveil, son téléphone chauffe. Ce lundi 15 octobre 2018, le nom de son club barre la une de La Voix des sports, rendez-vous hebdomadaire des sportifs amateurs nordistes. Le Graal. « Quand j’ai vu cette une-là, je me suis dit : « C’est pas possible ! » Je n’y croyais pas, c’était un truc de fou ! D’habitude, c’est Lens, Lille, l’Enduro… C’était impensable. »
Au nom du père
Pour le dirigeant, la page est d’autant plus belle qu’il s’y affiche avec son fils de six ans. Tout un symbole : à la naissance de ce dernier, le 24 juin 2012, c’est de la maternité qu’il passait ses coups de fil aux joueurs pour les convaincre de rempiler. Le football n’attend pas. Président de club amateur, ce n’est pas un simple statut, c’est un mode de vie. À l’époque se pose la question de la survie du club, qui ne compte plus qu’une quinzaine de licenciés et est en infraction pour la troisième année de suite en matière d’arbitrage. Privée de mutés, l’ESMH opte pour la rétrogradation en dernière division de District pour pouvoir se renforcer. Un peu plus de six ans plus tard, ce choix et ce labeur de tous les jours ont payé : vainqueur (1-0) de Montigny-en-Gohelle (R3), Hamel, dont l’unique objectif dans cette Coupe de France 2018-2019 était de gratter les maillots, jouera pour la première fois de son histoire le sixième tour de la compétition. Bientôt, la France entière connaîtra cette bourgade nordiste de 778 âmes coincée entre Douai et Cambrai. Une immense fierté pour le village et son maire, premier supporter du club, Jean-Luc Hallé.
Un nom à la résonance particulière pour les footballeurs hamelois. Car cet exploit, ils l’ont signé au stade André-Hallé, du nom de l’ancien édile – et père du maire actuel – de la commune. À l’origine de la création, avec quelques copains, de l’Étoile sportive d’Hamel, en 1947, c’est sous son mandat (1965-1982), en 1974, qu’a été construit le stade et relancé le club alors disparu. Outre ses fonctions de premier magistrat, André Hallé a également siégé à la Ligue du Nord-Pas-de-Calais de football et au district Escaut, où il présidait la commission des terrains du Douaisis. C’est dans ce cadre qu’il a notamment créé la coupe du Douaisis. À sa mort, en 1982, le stade municipal a pris son nom. La compétition aussi. Plus encore que l’épopée en Coupe de France 2018, c’est ainsi du côté de 2016 et de la coupe Hallé qu’il faut chercher la plus belle page de l’histoire de l’Étoile. Ce jour-là, le 12 juin, ils sont une petite centaine à avoir rallié la commune voisine de Corbehem pour pousser leurs petits gars de l’ESMH, alors en D6 et opposés à Raimbeaucourt. Joueur de Lambres-lez-Douai, en R2, c’est comme simple spectateur « neutre » qu’Aurélien Seignez, aujourd’hui capitaine de l’équipe première, est présent au complexe sportif La Sensée.
Ramenez la coupe Hallé maison
Ce qu’il voit de l’autre côté de la main courante le subjugue. « Il y avait une telle ferveur, les gens étaient maquillés, ils avaient mis des perruques… Au bout d’un moment, ils ont lancé une farandole autour du terrain, et avec mon copain, on a été pris dans le kop. On a commencé à crier avec eux. » Sur le pré, quatre divisions séparent les deux formations. Raimbeaucourt s’achemine vers un succès étriqué quand Mickaël Roger remet les deux équipes à égalité et s’offre un bain de foule, à cinq grosses minutes des trois coups de sifflet. « La différence de niveau n’était pas si évidente, se souvient le milieu de terrain. Techniquement, Raimbeaucourt était au-dessus, mais au niveau de l’envie, à la bagarre, Hamel était présent. Ils se sont battus avec leurs armes et ont mérité la victoire. » Car aux tirs au but, ce sont les Hamelois qui se montrent les plus adroits (4-1), plongeant leurs fidèles dans une hystérie à laquelle Aurélien et son comparse se mêlent gaiement. « Cette coupe, c’est plus qu’une coupe du Douaisis pour nous, situe Ludovic Wuillaume. Voir le maire de notre village ému aux larmes, c’était quelque chose. Ce jour-là, on a ramené la coupe à la maison ! »
Aurélien ne le sait pas encore, mais dans quelques semaines, cette maison sera aussi la sienne. Débarqué dans les valises de son entraîneur et ex-coéquipier à Denain, Sofien Tliba, le milieu zlatane à sa façon les suiveurs de l’ESMH à sa signature : « Vous ne me connaissez pas, mais moi je vous connais. » Dans deux ans, le 17 juin 2018, il couchera lui aussi la coupe Hallé sur son palmarès, toujours vierge à son arrivée malgré plusieurs saisons en Ligue. Prenant ainsi la mesure de l’importance du trophée aux yeux du peuple hamelois. « Ils avaient organisé un bus pour aller à la finale. En face, ils étaient peut-être 30, eux devaient être 200. Ce n’est pas forcément une grosse coupe, mais dans leur cœur, c’est très important. » À Hornaing, pour ses retrouvailles avec la finale de la coupe Hallé, l’Étoile, promue en D5 en 2017 et sur le point d’accéder au D4, est de nouveau opposée à une équipe de D2, Courchelettes. Pour un scénario similaire à celui de 2016 : un adversaire « meilleur techniquement » et devant au score, et des Hamelois renversant, au courage et à la faveur d’un doublé d’Alain Descamps, un match « serré, physique et pauvre en occasions » .
« L’impression d’avoir gagné la Ligue des champions«
Crispantes, c’est dans la brume formée par les fumigènes craqués par les supporters de l’ESMH sur le deuxième but que se disputent les dernières minutes. « Au coup de sifflet final, j’ai eu l’impression d’avoir gagné la Ligue des champions, revoit Aurélien Seignez. Cent personnes qui vous courent après, vous font des bisous… Ce sont de vrais bons souvenirs. » Les meilleurs de la carrière du capi : « J’ai beau avoir joué de gros matchs en Ligue, ça ne m’a pas marqué autant que les années Hamel. À Lambres, j’avais parfois l’impression de n’être qu’un numéro, il fallait toujours se battre pour garder sa place. Ici, les gens vous aiment pour ce que vous faites sur le terrain, les dirigeants te font sentir que tu es le meilleur. Certains ont déjà pleuré dans mes bras… Hamel, en club, c’est la plus belle chose qui me soit arrivée. »
Cette année, l’aventure en coupe Hallé s’est arrêtée en quarts de finale, contre Erre-Hornaing (3-1). « On y est allés avec une équipe un peu mixte, précise le milieu. On était très déçus, mais cette coupe, c’est plus l’objectif des dirigeants. Pour nous, c’est d’abord d’être champions et de faire un beau parcours en Coupe de France. » Objectif atteint : outre son épopée en Coupe de France, Hamel a conclu sa saison sur une nouvelle montée (en D3). La coupe Hallé, elle, est revenue au village à sa manière : « Le jour de la finale (remportée 4-0 par Beuvry-la-Forêt, D1, contre Anhiers, D2), un dirigeant s’est pris en photo avec le trophée. » La plus belle action du match, vous diront tous les Hamelois.
Par Simon Butel
Tous propos recueillis par SB