La Coupe du monde féminine en clair : c’est déjà ça

Tout le monde jure ses grands dieux qu’il faut absolument développer le football féminin, assurer sa reconnaissance et garantir sa pérennité. Malheureusement, dès qu’il s’agit de sortir le porte-monnaie, les filles sont clairement renvoyées à leur statut, une méprisante seconde zone dans l’univers du ballon rond, y compris pour un événement tel que la Coupe du monde qui doit se tenir du 20 juillet au 20 août. On ignorait encore la semaine dernière s’il serait possible d’en regarder les matchs, y compris ceux des Bleues. Certes, l’épreuve se déroule aux antipodes, en Australie et Nouvelle-Zélande, avec des horaires matinaux, mais ces préoccupations épargnent bizarrement leurs homologues masculins. Le blocage dépassait le seul cas de l’Hexagone et touchait des pays comme l’Allemagne où le foot féminin s’avère largement plus installé et bankable. Chaque partie concernée se rendait responsable. La FIFA accusait les diffuseurs de se révéler particulièrement pingres, qui en retour blâmaient le coût et le prix démesuré demandé.

Il a fallu une pression de la puissance publique et plusieurs ministres européens pour que l’affaire se débloque via l’Union européenne de radiotélévision (UER). Cette impasse aura au moins eu ce mérite. Les chaînes payantes qui avaient formulé des offres jugées indignes – beIN Sports et Canal+ en particulier – ont été cette fois mises sur la touche, même si, il est vrai, elles ne doivent guère verser de larmes. France Télévisions, qui en achète donc les droits, puis en sous-licencie partiellement à M6, aura la mission de retransmettre les rencontres de cette compétition. Ces deux partenaires se sont également engagés pour quatre ans pour les rencontres de la sélection nationale. Les ministres de la Culture et des Sports engagées dans le dossier, Rima Abdul-Malak et Amélie Oudéa-Castéra, s’en sont réjouies, preuve que l’État peut jouer un rôle infiniment plus important dans le foot que de pousser Kylian Mbappé à rester au PSG. Toutefois, la réalité économique a quand même rattrapé les filles, quoi qu’en dise Jean-Michel Aulas, qui supervise le foot féminin au sein de la FFF. Si le chiffre exact n’est toujours pas connu, il n’excédera pas les 10 millions, contre 15 exigés au départ par la FIFA.

Une bonne nouvelle malgré tout

Il ne faut évidemment pas être dupes. France Télévisions ne se révélait apparemment guère enthousiaste, et semblait vouloir continuer à garder ses sous pour des produits phares dans le sport comme le Tour de France. Le groupe public se trouve d’ailleurs contesté par des chaînes privées qui aimeraient lui délaisser les disciplines ou compétitions peu rentables. Laurent-Eric Le Lay, directeur des sports de France Télévisions, a essayé d’éteindre la polémique, notamment sur une éventuelle pression de la part du gouvernement : « On ne nous a pas tordu le bras », assure-t-il sur France Info. Mais quelque part, peu importe. Le football est déjà suffisamment privatisé et inaccessible à la plupart de nos concitoyens ou concitoyennes. Malgré des horaires qui seront certainement contraignants en matière d’audimat, la présence en clair du foot féminin, et qui plus est sur le service public, s’avère un point positif de cette triste séquence. On aimerait d’ailleurs que cette jurisprudence soit étendue à l’avenir. Pourquoi l’État ne se pencherait pas sur d’autres événements internationaux, y compris masculin, avec le souci de leur visibilité auprès du plus grand nombre. On ne demande pas à France 3 de diffuser la Ligue 1, quoique l’appel d’offres approche, mais de s’assurer que le foot des sélections demeure un bien commun, de tous et de toutes.