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La Coupe de rance
Ce mercredi, le FC Nantes et le RC Lens joueront une place pour le dernier carré de la Coupe de France dans une Beaujoire à huis clos. La FFF n'éteint pas seulement les fumigènes, mais aussi, de plus en plus, la flamme de sa compétition.
« C’est l’affiche ! Les trois autres quarts de finale, ce sont contre des Ligue 2. […] Les deux équipes de Ligue 1 qui se rencontrent, ce sont Nantes et Lens. Deux clubs populaires, qui font des guichets fermés… On a tout essayé, ça n’a pas marché. On respecte la décision, on n’est pas d’accord, mais on la respecte. » À la veille de la réception du RC Lens pour une place en demi-finales de la Coupe de France, l’entraîneur des Canaris Antoine Kombouaré était chafouin, ce mardi. Il faut dire qu’après deux rencontres dans une Beaujoire à guichets fermés en trois jours (34 420 spectateurs contre la Juve en C3, 34 467 lors du derby contre Rennes), ses joueurs s’apprêtent à vivre une sérieuse chute de tension contre les Sang et Or dans une enceinte complètement vide. « C’est une sanction très injuste, et ça, rien ne m’empêche de le dire, pose le Kanak. On est sanctionné par rapport à ce qu’il s’est passé… au Stade de France. J’ai du mal à comprendre. C’était un moment particulier, ça faisait plus de vingt ans que le peuple nantais attendait ça. Peut-être qu’ils ont pensé qu’on jouerait notre premier tour à la Beaujoire et que ça serait moins grave… »
Les fumigènes de l’hypocrisie
À cause d’un gros craquage de fumigènes des supporters nantais à Saint-Denis, le 7 mai dernier dans le cadre d’un spectacle unique proposé en tribunes pour la première finale du FCN depuis dix-huit ans, la commission fédérale de discipline de la FFF avait décidé de sanctionner en juin la Maison jaune d’un match à huis clos à l’occasion de la prochaine rencontre de Coupe de France disputée à domicile. Depuis, Nantes n’a fait que se déplacer dans la compétition (à Caen, Épinal et Angers), et c’est donc seulement sept mois après les faits que la punition va enfin pouvoir être appliquée, dans une ambiance qui nous ramènera à la sombre ère du Covid. Car la tentative désespérée – et improbable – des deux équipes de délocaliser la rencontre sur terrain neutre pour pouvoir accueillir du public (avec la promesse de reverser l’intégralité de la recette billetterie au foot amateur) n’a pas abouti, et les supporters, à peine sortis du boulot, seront donc dans l’obligation de se brancher sur beIN SPORTS 1 pour voir Seko Fofana et Ludovic Blas à l’œuvre, ce mercredi à 18h15 (!). « Il y a bien eu une demande, mais elle a été informelle, a expliqué la commission d’organisation de la Coupe de France dans les colonnes de L’Équipe. Ce n’est pas allé plus loin. Nantes n’a jamais fait appel. Cette sanction s’imposait. »
La sénatrice @Apourceau poursuit son engagement auprès des supporters et demande que "chacun puisse profiter de cette belle fête populaire". pic.twitter.com/p6uyh7vE2A
— Pierre (@PierreRevillon) February 17, 2023
« Pour quelques fumigènes, certes interdits, mais dont les images sont utilisées par la FFF pour promouvoir la Coupe de France, deux équipes seront privées de supporters, écrivait il y a deux semaines la sénatrice communiste Cathy Apourceau-Poly, dans une lettre adressée à la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra. Pourtant, la question de la pyrotechnie est au cœur de réflexions à tous les niveaux, y compris parlementaire […]. Est-ce ainsi que se conçoit un quart de finale de la Coupe de France ? Deux équipes, leurs entraîneurs et les équipes techniques de télévision, seuls dans un stade de 35 000 places ? » Elle n’a pas été la seule élue du Pas-de-Calais à se prononcer, puisque chez les députés, le communiste Jean-Marc Tellier, le socialiste Bertrand Petit et les membres du groupe Renaissance Philippe Fait et Jacqueline Maquet se sont eux aussi positionnés contre cette sanction. Une action des Red Tigers, groupe de supporters lensois à l’origine de la contestation, a même eu lieu le 16 février devant le siège parisien de la FFF. « Aujourd’hui, les clubs, les joueurs, les supporters du Racing Club de Lens, mais aussi du FC Nantes, se trouvent pénalisés pour un spectacle apprécié de toutes et tous à chaque fois, pouvait-on lire dans leur communiqué quelques jours plus tôt. Tellement apprécié que les diffuseurs se servent de ces ambiances chaudes pour promouvoir leurs affiches. Tellement apprécié qu’un travail est réalisé au sein de l’Instance nationale du supportérisme afin que l’utilisation des fumigènes se démocratise. Tellement apprécié que certains clubs poussent les associations de supporters pour réaliser des défis pyrotechniques. »
FC Nantes / RC Lens à huis clos… STOP AUX SANCTIONS COLLECTIVES pic.twitter.com/7w3sgKTArU
— Pierre (@PierreRevillon) February 13, 2023
Un quart de finale face à des gradins vides ressemble à peu de chose près à un match amical, surtout à Nantes où la Brigade Loire n’a cessé de rappeler ces derniers mois combien elle pouvait être précieuse et créative (notamment lors de cette fameuse finale face à Nice). Et avec le triste spectacle qui s’annonce, au-delà de confirmer le décalage et le mépris de nos instances vis-à-vis des supporters, la 3F continue de saccager le prestige de sa propre vitrine, qui se trouve être la plus ancienne des compétitions de football en France. Comme si la disparition de la prolongation à la fin du temps réglementaire – sauf sur la dernière marche – ne suffisait pas. Comme si la misère du catalogue de matchs en clair proposé d’année en année ne suffisait pas. Comme si les horaires absurdes des rencontres, en pleine semaine, ne suffisaient pas.
La vieille dame reste le dernier pont entre amateurs et professionnels, mais aussi le seul lieu de frisson pour beaucoup de nos clubs, surtout au vu des performances tricolores en Coupes d’Europe, cette saison encore : le Stadium à guichets fermés pour la venue de Rodez et les plus de 60 000 billets déjà vendus pour la réception d’Annecy au Vélodrome (record pour un quart de finale) montrent bien que la compétition passionne toujours. Et pourtant, elle est délaissée, dénaturée, sabotée, elle qui est, à bien des égards, le dernier témoin du foot d’avant. Comme si tout cela n’avait plus d’importance. Il ne manquerait plus qu’un naming en « O’Tacos Coupe de France », et un Final Four du tournoi délocalisé aux Émirats arabes unis, finalement, pour terminer le massacre.
Par Jérémie Baron, à Nantes