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La Côte d’Ivoire dans le brouillard
Géant du football africain, la Côte d’Ivoire fait surtout parler d’elle pour les tensions qui agitent ses institutions et la sélection nationale. L’élection à la présidence de la fédération, actuellement dirigée par un Comité de normalisation, et qui devait avoir lieu le 20 décembre, a été reportée. Et les Éléphants, depuis leur élimination en qualifications pour la Coupe du monde, sont sous étroite surveillance.
On avait évoqué mai 2020, puis septembre, puis novembre de la même année. La crise sanitaire et des conflits liés au code électoral ont finalement fait capoter toutes les hypothèses pour que soit connu le successeur d’Augustin Sidy Diallo. L’ancien président de la Fédération ivoirienne de football (FIF), qui avait décidé de ne pas se représenter, est décédé le 21 novembre 2020 après avoir contracté la Covid-19, et un mois plus tard, la FIFA a opté pour une solution très en vogue en Afrique ces derniers temps, en nommant un Comité de normalisation. Installé en janvier dernier et présidé par la sénatrice Mariam Dao Gabala, ce comité avait pour mission d’organiser l’élection avant la fin de l’année. La date du 20 décembre ne sera pourtant pas respectée. « Deux choses ne sont pas résolues. D’abord l’adoption des comptes de la fédération pour 2020, et l’adoption des textes définitifs – code électoral et nouveaux statuts de la fédération – et cela ne pourra pas être fait avant le 20 décembre », explique la parlementaire. « Trop de temps a été perdu. C’est à se demander si ce Comité de normalisation ne fait pas tout pour rester en place quelques mois de plus », râle Eugène Diomandé, le président du Séwé Sport de San-Pédro (Ligue 1). « La sélection va disputer la CAN au Cameroun (9 janvier-6 février 2022) sous l’autorité d’une fédération provisoire et non élue, ce n’est pas sérieux, ajoute le dirigeant, qui souhaite que l’élection se déroule d’ici fin mars. Avec d’autres présidents, on va écrire à la FIFA pour qu’elle fasse bouger les choses. »
Les candidats s’impatientent
À ce jour, ils sont trois à avoir annoncé leur intention de s’asseoir dans le fauteuil présidentiel : Sory Diabaté, vice-président de la fédération sous le règne de Diallo, l’homme d’affaires Idriss Diallo, lui aussi passé par la vice-présidence de l’instance et qui est dirigeant de l’AFAD Djékanou (Ligue 1), et l’ancien capitaine des Éléphants Didier Drogba. Les trois hommes ont commencé leur campagne il y plus d’un an et commencent à trouver le temps long. « Les enjeux sont importants : la Côte d’Ivoire va organiser la CAN 2023, les clubs souffrent économiquement, il y a beaucoup à faire, au niveau du football professionnel pour valoriser les championnats, du statut du joueur, de la formation des jeunes, du football féminin ou de la recherche de partenaires privés. Un pays comme la Côte d’Ivoire ne peut plus se permettre de rester encore des mois dans une telle situation », reprend Diomandé, qui a rallié le camp Diabaté après avoir soutenu Drogba. L’ancien attaquant de Chelsea reste le favori des Ivoiriens et du palais présidentiel, mais pas forcément de la majorité du corps électoral.
Tensions chez les Éléphants
Les Éléphants vont revenir au Cameroun début janvier la tête farcie de mauvais souvenirs. C’est là, et plus précisément à Douala, qu’un but de Karl Toko-Ekambi les a privés d’une qualification pour le 3e tour des éliminatoires de la Coupe du monde 2022, le 16 novembre dernier (0-1). Le départ du sélectionneur français Patrice Beaumelle, dont le contrat de deux ans s’achèvera en mars prochain, a été réclamé par la vox populi. Le Comité de normalisation l’a reconduit, estimant que changer de coach juste avant la CAN serait trop risqué, mais en lui demandant de réaménager son staff technique et de rajeunir son effectif. « Nous lui avons demandé cela, en vue de la CAN 2023 », avait expliqué Mariam Dao Gabala lors d’une conférence de presse. Lors des matchs de novembre, huit joueurs étaient âgés de plus de 30 ans. « Je trouve que c’est une attitude inappropriée. Beaumelle a certes perdu au Cameroun, mais sinon, il travaille bien, il a un groupe, et je ne trouve pas normal qu’on lui impose cela, juge Georges Kouadio, ancien sélectionneur et directeur technique national. Qu’il incorpore progressivement des jeunes, oui, mais c’est à lui de le décider. »
Le Comité de normalisation a également décidé de faire passer aux internationaux un entretien individuel pour s’assurer de leur motivation, une mesure qui s’appliquera aux joueurs intégrés à la liste élargie que Beaumelle a fignolée avant la CAN au Cameroun. « C’est presque injurieux pour les joueurs. Le maillot national, ça galvanise, je ne comprends pas bien pourquoi on va leur demander s’ils sont motivés, tellement cela me semble évident », s’étonne l’ancien gardien Alain Gouaméné, champion d’Afrique en 1992 avec les Éléphants. En Côte d’Ivoire, le climat n’est vraiment pas à la franche rigolade…
Par Alexis Billebault