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La CNIL ne laisse pas le PSG choisir ses supporters

Par Anthony Cerveaux
La CNIL ne laisse pas le PSG choisir ses supporters

Dans une délibération datée du 30 janvier, et jusqu'alors passée inaperçue, la CNIL a restreint très fortement les possibilités pour le Paris Saint-Germain de constituer des listes de supporters indésirables, comme il le fait depuis au moins deux saisons, même si elle affirme que « des discussions sont toujours en cours ». Les supporters et la Ligue des droits de l'homme se réjouissent de cette décision mais attendent maintenant sa mise en œuvre.

La saison du PSG a commencé par un trophée et par un sévère rappel à l’ordre et à la loi de la part de la commission nationale informatique et liberté (CNIL), laissant planer la menace de sanctions si le PSG continue de « ficher » et d’exclure de façon arbitraire ses supporters. Certains croyaient l’affaire bouclée après la clôture de la mise en demeure, adressée par la commission au PSG en septembre 2013, mais comme So Foot l’avait rappelé, l’autorité avait alors demandé au club parisien de fournir des demandes officielles pour ses listes de supporters.

Pour rappel, lors de contrôles menés dans les locaux du PSG en novembre 2012, la CNIL avait trouvé deux listings comportant un certain nombre de noms de supporters. L’un, légal mais non déclaré à la commission comme le prévoit la loi, comportait la liste des interdits de stade transmise par la préfecture de police de Paris. L’autre, parfaitement illégal, s’avérait être une « blacklist » , comportant 2007 noms de supporters, pour la plupart jamais interdits de stade, mais considérés par le PSG comme « n’ayant pas un comportement conforme aux valeurs du club » . Un argument flou mis en avant pour opérer un tri parmi de nombreux supporters potentiellement contestataires, dont le seul tort avait pourtant été d’avoir vu leur identité relevée par les pouvoirs publics. Nous avions détaillé dans un long papier en septembre 2013, les divers cas de supporters suspectés d’appartenir à cette liste et ayant vu leurs billets annulés en déplacement ou leur abonnement résilié – bien qu’ils n’aient pas été interdits de stade – sur la seule foi de décisions discrétionnaires prises par le PSG ou par d’autres clubs, contraints par les pouvoirs publics et en l’occurrence la Division Nationale de Lutte contre le hooliganisme (DNLH).

La CNIL : « Nous réfutons le terme de « valeurs » »

Dans une délibération prise le 7 novembre 2013, la CNIL autorisait logiquement le PSG (et le Paris Handball) à constituer des listes pour les interdits administratifs et judiciaires de stade, en rappelant toutefois que le PSG, en tant que société privée, avait obligation de déclarer ces listings à la commission, ce qu’il n’avait auparavant pas fait. Surtout, l’autorité demandait au club de la capitale de supprimer les noms des supporters condamnés une fois leur interdiction de stade terminée, ce que le club francilien s’était bien gardé de faire également. Le 30 janvier dernier, la commission est donc allée plus loin. La CNIL a très fortement réduit la possibilité pour le PSG de constituer des listes de supporters indésirables, restreignant « l’enregistrement dans le traitement automatisé de données à caractère personnel » à quatre motifs : l’existence d’impayé, le non-respect des règles de billetterie, l’activité commerciale dans l’enceinte sportive en violation des conditions générales de vente et les paris sportifs. Autrement dit aucun des cas pour lesquels les clients de maître Cyril Dubois et celui de maître Pierre Barthélémy, qui représentent l’ensemble des supporters plaignants, avaient sollicité l’intervention de la commission.

Exit donc l’exclusion pour un comportement non-conforme aux valeurs du PSG : « Il est possible d’exclure une personne pour des motifs objectifs et motivés mais le terme de « valeurs » trop imprécis est quelque chose que nous réfutons » , confirme Sophie Nerbonne, directrice de la conformité à la CNIL. Surtout, dans son délibéré, la commission tacle vigoureusement le PSG en estimant « que des motifs d’exclusion déterminés par un organisme privé ne sauraient, sans méconnaître les attributions des autorités publiques, viser à sanctionner la commission d’infractions pouvant justifier une interdiction judiciaire ou administrative de stade. Une telle finalité n’apparaît dès lors pas légitime au sens de l’article 6-2° de la loi du 6 janvier 1978 modifiée » . En d’autres termes, la CNIL explique que le code du sport prévoit un arsenal administratif et judiciaire pour pénaliser les comportements répréhensibles lors de manifestations sportives et que le PSG ne saurait s’arroger ces prérogatives, qui relèvent des pouvoirs publics, pour exclure lui-même ses supporters. « La CNIL reproche au PSG d’avoir voulu, avec cette liste, se substituer à la justice » , résume maître Dubois, avocat de 60 supporters.

Le PSG débouté par le Conseil d’État

Prise le 30 janvier dernier, pourquoi cette décision est-elle rendue publique si tardivement ? En théorie, la CNIL n’a pas obligation de publicité. Mais sur un sujet aussi polémique, sa discrétion étonne les avocats. Il faut dire que le PSG avait saisi en référé le Conseil d’État pour suspendre la résolution. Dans une ordonnance que So Foot a pu consulter, l’institution du Palais Royal a débouté le club de la capitale de sa demande le 9 mai dernier, deux jours après son sacre de champion de France. Et pourtant toujours aucune communication de la commission à l’issue de ce renvoi… « Une publicité particulière de la part de la CNIL ne se justifie pas car il existe toujours un recours sur le fond auprès du Conseil d’État de la part du PSG et les discussions sont toujours en cours avec le club de la capitale sur les aménagements possibles des listes de gestion du contentieux » , explique Sophie Nerbonne. « On a trouvé la décision par hasard il y a quelques jours avec maître Barthélémy » , déplore tout de même Cyril Dubois. Quoi qu’il en soit, malgré le recours du PSG sur le fond auprès du Conseil d’État, « la décision de la CNIL a vertu à s’appliquer » , affirme l’avocat.

Et dans les faits, la commission adresse un cinglant démenti à la doctrine soutenue mordicus par Jean-Claude Blanc, directeur général du PSG, en septembre 2012, selon laquelle : « On a le droit d’accueillir le public qu’on souhaite. » Contacté par So Foot, le PSG n’a pas donné suite mais comme un symbole de ce revers, le PSG a opéré un changement très discret dans ses conditions générales de vente (CGV). Ainsi, les alinéas « d » et « e » de l’article 18 de la nouvelle mouture ont vu la suppression d’un paragraphe controversé, présent dans les anciennes CGV cette année : « Il est précisé que le PSG ne délivrera aucun abonnement, aucune place de billetterie, aucune prestation de relations publiques ni aucun autre titre donnant accès à ses matchs à toute personne concernée par ces faits (infractions à l’intérieur ou à l’extérieur du périmètre du stade, ndlr) pendant une durée maximum de trois ans. » Ce qui s’apparentait à une double peine, et qui concernait de nombreux supporters ayant reçu, à l’issue de leur interdiction de stade, une lettre leur signifiant la prolongation de celle-ci, selon une durée de 3 mois à un an décidée de façon arbitraire par le PSG, semble donc passer à la trappe.

« Le PSG, un État dans l’État »

Contactée par So Foot, la Ligue des droits de l’homme, qui s’est associée à la plainte déposée par les supporters auprès de la CNIL, se « réjouit de la décision de la commission » par la voix de Pascal Nicolle, animateur du groupe de travail « Sport, droits et libertés » au sein du comité central de la Ligue des droits de l’homme. Mais la Ligue « reste néanmoins dubitative sur la capacité du club parisien à l’appliquer car le PSG a montré à de nombreuses reprises sur cette question qu’il était un État dans l’État » , poursuit le responsable. De son côté, l’ADAJIS (Association de défense et d’assistance juridique des interdits de stade), se déclare « très satisfaite malgré la longueur de la procédure » . Mais, échaudés, ses membres, pour beaucoup d’anciennes forces vives de l’ex-collectif auto-dissous Liberté pour les Abonnés (LPA) constatent « que la décision de la CNIL n’a pas empêché le PSG d’exclure les personnes concernées (par la blacklist, ndlr) en présence des caméras de Canal Plus lors de Monaco-PSG le 9 février 2014. » Les supporters attendent désormais « des pouvoirs publics et du président Nasser qu’ils imposent aux dirigeants du PSG de faire respecter les droits de tous les supporters ! Le préjudice est très important suite aux deux années d’application de cette liste. Nous étudions les suites à donner avec nos avocats. Mais nous estimons qu’un vrai dialogue constructif entre la haute direction du club et ses supporters reste la priorité » .

Si le PSG maintient malgré tout, son fichage illicite, et continue de demeurer en dehors de la loi, quelles sanctions la CNIL peut-elle prendre ? « S’il était établi que le PSG se mettait en contradiction avec le cadre des délibérations que nous avons adoptées, il pourrait alors être administrativement et pénalement sanctionné » , prévient Sophie Nerbonne. Dans un premier temps, la formation contentieuse de la commission peut prononcer une injonction de cesser le traitement, assortie de sanctions pécuniaires pouvait atteindre 150 000 euros. Autrement dit, un grain de sable dans la fortune qatarie. La mauvaise publicité autour d’éventuelles mesures de rétorsion pourrait en revanche être bien plus préjudiciable à un club qui soigne son image avec une précaution affectée, notamment à l’étranger. La CNIL pourrait également aller plus loin, considérant « l’atteinte grave et immédiate aux droits et libertés » pour saisir le procureur de la République et renvoyer le PSG devant un tribunal correctionnel. « La nature et l’importance de la sanction dépendraient du type de manquement et de la gravité de celui-ci » , indique t-on à la CNIL. On n’en est pas là, mais le club de la capitale est averti : sa saison ne se jouera pas seulement sur ses performances sur le terrain.

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