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La chute du faucon jaune et vert

Par Alexandre Doskov
4 minutes
La chute du faucon jaune et vert

Le 10 mars dernier, les Nantais étaient encore cinquièmes de Ligue 1. Ce soir, après une deuxième de partie de saison calamiteuse, ils se battront pour rester dans la première partie de tableau. Et à l'heure de trouver un responsable, les yeux ne peuvent s'empêcher de se tourner vers un Claudio Ranieri complètement démobilisé depuis des semaines et qui vient d'annoncer son départ.

« Je ne suis pas là pour me mettre en avant, mais je peux vous dire que j’ai reçu des coups de fil du Portugal, de Russie, d’Angleterre. Tous ces journalistes me demandent si c’est bien vrai, s’il a réellement signé. Nantes est ce mardi connu dans le monde entier. » L’homme qui a prononcé ces paroles était si fier de lui ce jour-là qu’il espérait sans doute qu’un scribe se trouve à proximité pour les graver dans un bloc de marbre. Après avoir fermé les guillemets en fin de citation, l’artisan aurait buriné : « Waldemar Kita – Interview à Ouest France – 14 juin 2017. »

La tirade est en effet sortie de la bouche du président du FC Nantes en juin dernier, alors que l’encre du contrat qui liait Ranieri aux Canaris n’était pas encore sèche. Comme tous les hommes qui arrivent au bal avec la fille de leurs rêves au bras, Kita avait fait le paon. Et comme le gaillard a déjà une nature propice à l’emballement et aux phrases un brin grandiloquentes, il ne s’était pas gêné pour ajouter : « On a fait un coup d’État. Maintenant, ça serait sympa de se qualifier pour une Coupe d’Europe. » Pour ce qui est du coup d’État, aucun char d’assaut flanqué d’un drapeau jaune et vert n’a pour l’instant franchi la Loire pour rouler sur l’Élysée. Et pour la Coupe d’Europe, cette saison, on y était presque. À dix journées près, en fait.

En surrégime, ou en plein gâchis ?

C’est l’histoire d’un miroir inversé. Entre janvier et mai 2017, sous le commandement de Sergio Conceição, le FC Nantes est passé des tréfonds du classement à une sympathique septième place, en grattant une trentaine de points en une demi-saison. Entre janvier et mai 2018, ce même FC Nantes a abandonné la 5e place à laquelle il s’accrochait depuis le début de la saison pour rejoindre un strapontin anonyme du ventre mou. Avec ce bilan famélique : trois victoires en dix-huit matchs, face à Guingamp, Troyes et Angers. Une débandade, et deux diagnostics possibles.

Soit le FC Nantes était en surrégime depuis le début de saison et a fini par se stabiliser à sa vraie place, soit les Nantais peuvent réellement se mordre les doigts d’avoir foutu à la poubelle une place européenne qui leur tendait sérieusement les bras. Les partisans de la première théorie partent d’un argument simple : il suffit de regarder les Nantais jouer 5 minutes pour comprendre qu’ils n’ont rien à faire dans le top 5. Et effectivement, sur le terrain, c’est pas Byzance. La preuve, sur toute la phase aller, il n’ont réussi à marquer deux buts en un match qu’à trois reprises. Et encore, c’était contre Toulouse, Strasbourg et Guingamp, après une boulette du gardien. Mais en réalité, si le FCN s’est vautré à ce point depuis l’hiver, c’est en grande partie à cause d’un Ranieri complètement démobilisé qui n’hésitait plus à montrer qu’il s’en tamponnait ces derniers temps.

Dégât des eaux

C’est bien connu, il est très compliqué d’avoir de bonnes relations avec Waldemar Kita quand on entraîne Nantes. Alors pour éviter les tête-à-tête, Ranieri a préféré une autre stratégie, n’avoir pas de relations du tout. Claudio faisait son beurre de son côté, Kita de même, et les Canaris étaient bien gardés. Un statu quo qui fonctionnait tant que Nantes gagnait, mais qui a volé en éclats avec l’arrivée des mauvais résultats. Et c’est le mois d’avril qui a sereinement enfilé le costume de « période de tous les dangers » , avec quelques clashs coup sur coup. Il y a d’abord eu l’anniversaire des 75 ans du club, que l’Italien a préféré sécher. Avec cet incroyable mot d’excuses lâché en conférence de presse : « J’ai eu un dégât des eaux dans mon appartement londonien. J’allais à la soirée, mais mon chauffeur s’est trompé de route. Il y avait tellement de voitures que je lui ai dit d’aller à l’aéroport pour aller à Londres. »

Deux jours plus tard, Ranieri fait jouer Léo Dubois contre Lyon alors que le latéral a déjà signé son contrat chez les Gones pour la saison prochaine. Contre l’avis du président Kita, évidemment. Les chemins des deux hommes ne demandaient donc qu’à se séparer. Au moins, cette fois-ci, Kita ne s’est pas fait bananer comme avec Conceição. Mieux, les deux camps ont même pu sauver les apparences avec un communiqué officiel de la part du club, et cette déclaration : « On ne partira pas fâchés » de la part de Ranieri. Mais le président et son entraîneur n’auront même pas l’occasion de se dire adieu demain après la dernière journée, puisque Kita est en Chine pour affaires. Qui sait, peut-être tentera-t-il de ramener Pellegrini dans ses valises.

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