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La Chinese Super League ravive la passion
D’aucuns disent que c’est un championnat exotique ou faible. Le fait est qu’il réunit nombre de bons joueurs qui sont prêts à tout moment pour sortir de leur retraite orientale. Gervinho, Witsel ou Fonte sont passés par la Chine, et brillent en ce début de saison comme s’ils n’avaient jamais quitté le plus haut niveau. Aussi parce que là-bas, il leur manquait quelque chose.
« Les bons joueurs ne jouent pas en Chine ou en Asie. Ils doivent comprendre que s’ils partent pour des contrats plus intéressants, ils mettent leurs chances de jouer avec l’équipe nationale en danger. » C’est ce que déclarait fin août Clarence Seedorf, sélectionneur du Cameroun, lors de l’annonce de sa première liste. Des mots qui ont fait du bruit au pays. Et après lesquels le capitaine des Lions, Benjamin Moukandjo, évoluant en Chine, a annoncé sa retraite internationale. Un mois plus tard, le Hollandais se ravise, appelant Christian Bassogog, attaquant du Henan Jianye FC en Chinese Super League.
Les ressuscités de la Chinese Super League
L’avis de Seedorf est légitime, qu’est-ce que la CSL, sinon un championnat moyen, peuplé de joueurs locaux n’ayant jamais rien prouvé avec leur sélection et d’anciennes gloires (ou même pas) venues chercher un contrat afin de mettre « leurs familles à l’abri du besoin » ? D’Oscar à Paulinho, en passant par Gervinho, la maxime a beaucoup été utilisée au moment d’arriver dans l’Empire du milieu. Un championnat où un joueur de haut niveau perd vite le rythme. « Malgré mes efforts, il me fallait deux-trois jours pour revenir dans le coup physiquement quand je revenais en équipe nationale » , confiait Axel Witsel à La Dernière Heure il y a quelques mois au moment d’évoquer son passage en CSL. Mais, plus étonnant, ce quasi-cimetière pour footballeurs voit certains de ses ex-éléments ressuscités au plus haut niveau en ce début de saison. Nouvelle recrue de Parme, Gervinho (31 ans) fait un début de saison canon. Un retour en Serie A après deux ans et demi dans l’oubli à l’Hebei Fortuna. Un séjour chinois un peu moins long pour Axel Witsel, revenu en Europe, à Dortmund après un an et demi au Tianjin Quanjian. José Fonte, lui, a passé six mois au Dalian Yifang avant de rallier Lille où il apporte toute son expérience. Paulinho est aussi revenu à la vie dès son retour au FC Barcelone.
Après le départ de Neymar, les hinchas blaugrana avaient crié à l’ « incompétence » des dirigeants catalans qui osaient recruter un joueur du championnat chinois pour 40 millions d’euros. Pourtant, Paulinho fut d’une aide précieuse dans la conquête de la Liga l’an passé, bien inséré dans la rotation, le Paulista ayant joué 34 matchs et marqué à neuf reprises. D’autres pensionnaires de la CSL ont brillé sur d’autres scènes, plus grandes, plus belles. C’est le cas de Christian Bassogog. Le dribbleur du Henan Jianye FC a été sacré meilleur joueur d’une CAN 2017 accueillant aussi Mané, Mahrez ou Salah. Malgré son niveau global, la Chinese Super League compte dans ses rangs une poignée de bons/très bons joueurs qui feraient les beaux jours de la plupart des clubs du Vieux Continent. Mais qui, dans un dilemme d’artiste entre argent et plus d’argent, ont choisi la deuxième option et l’exil oriental. C’est sa particularité, la CSL est la ligue la plus inégale du monde au regard du niveau des joueurs qui la composent. Cependant, pour certains d’entre eux, elle a pu être une formidable retraite pour redécouvrir sa passion.
La passion, clef de la prison dorée
Un but au bout d’une course folle de 80 mètres face à Cagliari, puis une deuxième pour le célébrer, fêté au milieu de ses partenaires. Avant de partager sa joie avec des supporters aux yeux habités. En Chine, Gervinho a aussi marqué des buts spectaculaires, les célébrations, elles, furent plus mesurées. Un salaire passé de 18 à 2 millions d’euros annuel, mais à Parme, l’Ivoirien s’éclate : « J’aime l’ambiance en Italie, c’est ce qui m’a poussé à revenir ici. » Le champion d’Europe portugais, José Fonte, est arrivé en France pour continuer à être appelé avec sa Selecção qu’il chérit. « C’est un championnat très compétitif. L’une des raisons de ma venue à Lille, c’est cette compétitivité qui peut me permettre d’être encore appelé en sélection » , a-t-il déclaré à France Football. Paulinho expliquait, lui, que « seul le rêve de jouer au Barça » pouvait lui faire quitter la Chine. Ces joueurs ont quitté l’Asie pour kiffer, comme une libération pour leur talent sous-utilisé en CSL. Quid d’Hulk, Ramires ou Oscar (27 ans) ? Ce dernier évolue au Shanghai SIPG depuis deux ans déjà. Un joueur frisson qu’on aimerait revoir évoluer au plus haut niveau. On peut comprendre le néo-retraité Moukandjo ému d’être dorénavant à peine calculé par Seedorf parce qu’il évolue en CSL. Mais aller en Chine, c’est faire un choix clair entre argent et ambition. Un choix qu’il faut assumer, mais sur lequel il est donc possible de revenir avec bonheur.
Par Romuald Gadegbeku