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La chasse aux injures est-elle raisonnable ?

Par Maxime Renaudet
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La chasse aux injures est-elle raisonnable ?

Alors que les interruptions de match pour chants homophobes se multiplient depuis plusieurs week-ends, une question plus globale refait surface, celle des injures dans les stades. Alors, peut-on encore supporter son équipe en insultant son adversaire ?

Dans un contexte de gronde généralisée vis-à-vis des instances dirigeantes, ces dernières se sont récemment lancées dans une nouvelle chasse aux sorcières afin de « nettoyer » les tribunes françaises de leur folklore homophobe et misogyne. Mais face à des ultras récalcitrants et volontairement provocateurs, le retour de bâton ne s’est pas fait attendre puisque Nancy-Le Mans, Brest-Reims et Monaco-Nîmes ont été interrompus à la suite des chants injurieux visant la Ligue de football professionnel ou l’arbitre de la rencontre. Ailleurs, les banderoles étaient elles aussi très claires. « Arrêtés, Homophobie : Le championnat de la démagogie a repris lui aussi » , « « Arbitre enc**ée » est-ce homophobe pour une femme ? » , « Roxana, LFP : Sac à merde, c’est une insulte ? » , « LFP #Balancetonquoi VTF » . Autant de messages fomenteurs qui traduisent un climat de haine profond entre d’un côté, les pouvoirs publics et la LFP, et de l’autre, les supporters. Mais au-delà de tout ça, il convient surtout de se demander si cette chasse aux injures est raisonnable et si les ultras français ne doivent pas enfin changer de refrain.

Simple injure ou homophobie cachée ?

Ce samedi, lors de la troisième journée de Ligue 1, le match Brest-Reims est interrompu à la 53e minute de jeu après que des « La Ligue, la Ligue, on t’encule » sont descendus des travées du stade Francis-Le Blé. Abonné au Stade brestois depuis plus de dix ans et présent ce samedi, François ne considère pas ces chants comme homophobes : « C’est un chant injurieux en effet, mais je ne vois pas du tout le côté homophobe. Je suis certain que c’était simplement de la provocation à l’égard de la LFP. » Homophobe ou simplement injurieux ? Voilà la question qui revient inlassablement depuis l’interruption des rencontres pour l’utilisation du mot « enculé » . Pour Baptiste, également abonné au Stade brestois et présent dans le kop au moment des faits, ces chants ne sont « à aucun moment homophobes, c’est surtout contre la Ligue parce qu’on en a ras le bol des interdictions de déplacement » . Mais pour sa petite amie, étudiante en psychologie sociale à Brest et abonnée à Francis-Le Blé, il n’y a aucun doute sur la nature homophobe des chants entonnés : « On dit : « Mais non, ils ne sont pas homophobes, ils ne veulent pas porter atteinte aux homosexuels. » Mais qu’ils le veulent ou non, ce sont des propos homophobes. »

Selon Charlotte, qui souhaite mener des recherches sur l’homophobie dans le sport, plus qu’un problème de sémantique, c’est un problème de représentation : « Dans mon mémoire, j’ai montré que le gens n’ont pas la même représentation de l’homophobie. Pour certains, c’est une agression physique ou verbale, pour d’autres, ça va être lié à la domination masculine ou au fait de genrer les choses. » Si Bertrand Lambert, président du club 100% inclusif des PanamBoyz & Girlz United, n’est pas certain que le terme « enculé » soit complètement homophobe, il est néanmoins persuadé qu’on puisse « se passer de toutes ces insultes sans forcément se demander si c’est à 25%, 50% ou 100% homophobe » . Car si l’utilisation du mot « enculé » ne résulte pas d’une intention homophobe – l’objectif étant surtout de provoquer la LFP et Roxana Maracineanu -, son sens est évidemment blessant et dégradant à l’égard des homosexuels, perpétuant au passage la tradition masculiniste des stades. Pour Charlotte, « il faudrait demander à un homosexuel de dire ce que ça fait d’aller au stade et d’entendre tout ça à chaque fois » . Problème, ces réflexions homophobes – qui font pour certaines partie d’un folklore du supporterisme – n’incitent en aucun cas les homosexuels à s’émanciper en tribunes. Tout comme cela n’incite pas les joueurs professionnels à faire leur coming-out.

Insulter c’est supporter ?

Si ce n’est pas tant l’intention de l’auteur qui est importante, mais plutôt la façon dont sont perçus les chants par les groupes concernés, reste encore la question des injures en tribunes. « Ça fait dix ans que je suis abonné et j’ai l’impression d’avoir toujours entendu cette insulte. On a entendu le terme de folklore de la part de Nathalie Boy de la Tour, je pense que c’est vraiment ça » , martèle François quand on lui demande si les propos homophobes sont récurrents dans son kop. Sociologue et anthropologue du sport, Philippe Liotard rappelle lui, à juste titre, que « la culture des supporters de football se construit sur l’humiliation et la moquerie » , avant de donner un exemple parlant : « Il y a une différence entre« Qui c’est les plus forts ? Évidemment c’est les Verts » et « Lyonnais enculés ». » Également maître de conférence en STAPS, Philippe Liotard s’est rendu compte auprès de ses élèves qu’insulter ou siffler l’adversaire était entré dans un folklore. Mais, pour l’auteur de Sport et homosexualités, « ce n’est pas pour autant que c’est acceptable » .

De fait, peut-on encore accepter que les tribunes françaises soient un lieu d’insultes en tout genre ? Est-ce que supporter son équipe passe nécessairement par insulter celle d’en face ? Ou peut-on aussi tout simplement supporter son club à travers de simples encouragements ? Le débat est évidemment épineux et ne se résoudra pas en un claquement de doigts, d’autant plus que l’affrontement entre supporters et LFP est loin d’être résolu. Si Philippe Liotard n’est pas totalement convaincu que l’interruption des rencontres réglera le problème, il considère néanmoins que cela pose des questions beaucoup plus malignes qu’elles n’y paraissent. « Je pense notamment à la façon dont les supporters jouent avec les propos. Ils vont dire enfoiré plutôt qu’enculé et ainsi jouer avec les mots pour montrer leur mécontentement à l’égard de la LFP » , conclut-il. Problème, le combat mené par la LFP apparaît surtout comme une nouvelle manière de punir les ultras français. Ces derniers leur rendent bien et n’hésitent pas à pointer du doigt l’hypocrisie de la ministre des Sports qui, il y a quelques mois, se rendait au Qatar en toute impunité. Car si la question de l’homophobie dans les stades est un réel sujet, la tentative de récupération médiatico-politique de Roxana Maracineanu et Marlène Schiappa est elle à vomir.

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