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La CAN nouvelle formule en questions

Par Alexis Billebault
6 minutes
La CAN nouvelle formule en questions

Dès 2019, la Coupe d’Afrique des nations se jouera à vingt-quatre équipes et non plus à seize, et en juin-juillet. Une réforme qu’on voyait venir et qui semble relativement bien perçue par les acteurs du football africain. Mais qui soulève également plusieurs questions structurelles. Le Cameroun, qui doit organiser la prochaine édition, assure qu’il sera en mesure de relever le défi.

Ahmad Ahmad, le nouveau président de la Confédération Africaine de Football (CAF), plutôt discret depuis son élection en mars dernier après un règne de vingt-neuf ans du Camerounais Issa Hayatou, n’a pas fait semblant. Pour son premier Comité exécutif, le Malgache a réformé en profondeur la Coupe d’Afrique des Nations, la tête de gondole de l’institution qu’il préside. La grande sauterie du football africain, qui réunissait seize convives depuis 1996, en accueillera huit de plus dans deux ans. Et le tournoi se jouera en juin-juillet, et non plus en janvier-février, un calendrier qui crispait au plus haut point les clubs européens, lassés de voir leurs internationaux africains partir plusieurs semaines en pleine saison. Mais une CAN élargie impose désormais aux pays organisateurs de respecter un cahier des charges forcément plus exigeant. Et en Afrique, rares sont les pays qui disposent de six stades fonctionnels. Ou qui ont les moyens de les construire.

La CAN, c’est mieux l’été

Tous les deux ans, c’était le même refrain. Des clubs qui braillent quand il faut libérer leurs internationaux africains, des joueurs qui renoncent à retrouver leur sélection de peur de perdre leur place et des sélectionneurs au bord de la crise de nerfs. « C’était devenu infernal. On l’a encore vu l’hiver dernier, avec des forfaits qui n’étaient pas motivés par des blessures. Avec une CAN qui tombera en fin de saison, ce sera beaucoup plus facile à gérer » , résume Alain Giresse, le sélectionneur du Mali. Les joueurs partagent globalement ce sentiment. « Il n’y aura plus de conflits entre les clubs et les fédérations, avec les joueurs au milieu. La saison sera plus longue, les internationaux reprendront l’entraînement plus tard, mais une CAN en été, c’est plus cohérent. Moi, je n’ai jamais envisagé de renoncer à une CAN de peur de perdre ma place, intervient Charles Kaboré, le capitaine du Burkina Faso. Et pour le climat, je ne suis pas inquiet. Oui, il peut faire chaud et humide dans certains pays, mais depuis des années, on joue en Afrique en juin, en qualifications pour la CAN et la Coupe du Monde… »

Aujourd’hui en retraite internationale, le Marocain Youssouf Hadji aurait aimé que cette réforme calendaire intervienne plus tôt. « Cela n’aurait tenu qu’à moi, j’aurais fait cette réforme. Plusieurs fois, au cours de ma carrière, et quand j’arrivais dans un club, on me demandait tout de suite si j’envisageais de disputer la CAN. » À Dijon, où on recense sept internationaux africains (Bouka Moutou, Haddadi, Bahamboula, Abeid, Sliti, Tavares, Chafik), Olivier Dall’Oglio voit arriver cette mesure avec un plaisir non dissimulé. « Pour la dernière édition, Chafik (Maroc) et Abeid (Algérie) étaient concernés. Le premier n’a pas joué, le second très peu. Ils sont revenus très fatigués. Chafik était défoncé, il a mis quinze jours à s’en remettre. Les mecs partent juste après la dernière journée de l’année, ils coupent deux ou trois jours avant de commencer leur stage avec la sélection, il y a les voyages, les changements de températures, la nourriture, etc… Je préfère une CAN en fin de saison. Ils reprendront l’entraînement plus tard, mais au moins, ils auront une vraie coupure pour se reposer. »

Une ouverture à vingt-quatre qui fait le bonheur des petits

L’Euro s’est joué à vingt-quatre en 2016, la Coupe d’Asie a adopté le même format pour 2019. Avec cinquante-quatre pays affiliés à la CAF, il n’était donc pas illogique que l’Afrique franchisse à son tour le rubicond. « Cela va permettre à des pays d’avoir plus de chances de se qualifier et de disputer une phase finale d’une grande compétition. Cela apportera un peu de nouveauté, on verra de nouvelles équipes, des joueurs qu’on ne connaît pas ou peu. Il faut voir à l’usage » , affirme Patrick Mboma, l’ancien attaquant des Lions Indomptables du Cameroun. Des sélections comme Madagascar, la Mauritanie ou la Centrafrique, qui ont débuté en juin dernier leur parcours qualificatif par une victoire, pourraient s’inviter en phase finale dans deux ans au Cameroun. « Évidemment, c’est une excellente nouvelle pour un pays comme le mien. Avec deux qualifiés par groupe, cela va augmenter nos chances. Une qualification de Madagascar aura des effets positifs sur le football local, via les retombées financières. Et nos joueurs locaux seront mieux exposés » , résume Faneva Andriatsima, le capitane malgache. Si Charles Kaboré voit dans cette réforme « la possibilité pour certaines équipes de progresser si elles se qualifient régulièrement » , Joseph-Antoine Bell se montre un peu plus nuancé. « Les grosses équipes seront toujours là. Naturellement, il pourra y avoir quelques surprises de temps en temps, mais je suis persuadé qu’à partir des quarts de finale, la hiérarchie sera respectée » , suppose l’ancien gardien des Lions Indomptables.

La question des structures

En septembre 2014, la CAF avait attribué la CAN 2019 au Cameroun, dans un format traditionnel (seize équipes). Le 20 juillet dernier, Ahmad Ahmad a indiqué que la réforme s’appliquera dès 2019, en se montrant très ferme à l’attention du pays organisateur, sur le mode « soit le Cameroun s’adapte, soit on va voir ailleurs. » Les Camerounais, après avoir fait un peu la tronche, ont accusé le coup quelques heures, avant de retrouver leurs esprits. Sidiki Tombi a Roko, le patron de la Fédération, a rectifié le tir en assurant devant la presse que son pays allait relever le défi. « Il a dû recevoir un coup de fil de Paul Biya(le chef de l’Eta, ndlr) ou d’un de ses sbires, se faire remonter les bretelles et être obligé d’aller dire à tout le monde que le Cameroun organisera la CAN. Biya adore le foot et il veut que la CAN ait lieu chez lui. Il en fait une affaire personnelle » , se marre un fin connaisseur du contexte local, alors que l’Algérie et surtout le Maroc ont rapidement fait savoir qu’ils pourraient récupérer la mise au cas où la patrie de Roger Milla jette l’éponge.

Certains chantiers au Cameroun ont pris du retard, l’économie du pays ne respire pas la santé, mais Biya a décidé de mettre le paquet pour que l’engagement pris en 2014 soit respecté. La Côte d’Ivoire et la Guinée, qui doivent organiser les éditions de 2021 et 2023, ont également fait savoir qu’elles n’entendaient pas renoncer. « Je pense que la CAF aurait peut-être pu attendre 2021 ou 2023 pour le passage à vingt-quatre. Il faudra peut-être du temps pour s’adapter, mais on y arrivera » , prédit Charles Kaboré. Les attributions pour les éditions suivantes ne se feront que dans quelques années, mais Youssouf Hadji anticipe déjà : « À ce jour, il n’y a pas beaucoup de pays qui disposent des structures – stades, terrains d’entraînement, hôtels, routes – nécessaires. Les construire coûte de l’argent. Il faudra voir si c’est rentable. Dans certains pays qui ont organisé des CAN, les stades souffrent parfois d’un manque d’entretien après la fin de la compétition, car ils ne sont pas beaucoup utilisés. Je pense qu’il faudra bien réfléchir bien avant de déposer une candidature… »

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