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La BunDucksLiga, l’autre danse des canards
La BunDucksLiga, course de canards en plastique à l'effigie des clubs de Bundesliga, est de retour pour une deuxième saison après le succès de l'an passé.
Cette semaine, alors que les stars de la Bundesliga faisaient petit à petit leur retour sur le sol allemand en prévision de la reprise du championnat ce week-end, ce sont d’autres « stars » qui ont occupé l’espace médiatique. Leur nom ? Charly, Toni, Yves ou encore Nobby. Leur statut ? Canard en plastique de compétition. Pendant une semaine, cette joyeuse bande s’est affrontée lors de courses endiablées dans le seul et unique but de gagner la BunDucksLiga 2016, le titre suprême pour tout canard en plastique allemand qui se respecte. Car si le trophée n’est vieux que d’un an, sa renommée est déjà énorme. Et si l’an passé, la compétition se déroulait en bassin, l’organisation a opté cette saison pour une course en rivière, pour encore plus de suspense. Bref la BunDucksLiga était encore une fois l’événement de ce début d’année footballistique outre-Rhin.
Le génie derrière l’idée
Derrière cette idée complètement folle se cachent des collaborateurs de la Bundesliga et en particulier Moritz Ebert « En 2013, le commentateur en anglais de la Bundesliga voit un de ses amis se faire offrir un canard en plastique aux couleurs du Hanovre 96. Le commentateur en question, fan de Dortmund se dit alors que ce serait une bonne idée d’en offrir siglé BvB à son ami » , se souvient Moritz. « Deux canards, c’est le début d’une collection. Et puis un autre journaliste anglais a ensuite eu vent de cette histoire, et a aidé l’ami en question à acheter les autres canards. Quand il les a tous eus, il a commencé à les classer en fonction des journées de championnat, et il a appelé ça la « BunDucksLiga ». Avec notre commentateur, on s’est dit qu’il fallait faire un truc. Et c’est là qu’on a eu l’idée de faire une course » , raconte Moritz, qui, d’habitude, réalise des contenus vidéo plus sobres pour le site de la DFL, la Ligue allemande de football, comme des interviews de joueurs. C’est alors qu’il a commencé à s’investir pour cette nouvelle cause, aussi absurde qu’intéressante. Par exemple, pour que la course se déroule au mieux, les canards ont tous été un peu bricolés ( « Pour qu’ils soient stables un minimum, sinon, ils penchent sur le côté, et ce n’est pas beau visuellement » ), mais tous de la même façon – pour que la course reste équitable. L’étape suivante fut évidemment de trouver un lieu. « Nous sommes partis à la recherche d’une piscine. Pour le tournage, il fallait qu’elle soit vide, mais durant les heures d’ouverture, ce qui n’était pas évident. Et puis on a eu de la chance, on a pu tourner à Hürth, pas loin de Cologne. Et en janvier 2015, nous avons tout tourné sur une journée grâce à 3 caméras épaule, 3-4 GoPros et une caméra principale » , explique Moritz. Parallèlement au tournage, la rédaction du site de la Bundesliga prépare des fiches descriptives pour chaque canard, leur donne des noms qui font référence à des joueurs cultes de chaque club, les pèse, etc., bref, le truc devient très sérieux. Et lorsque les vidéos sortent en janvier 2015, ce qui n’était au départ qu’un délire entre potes de boulot devient rapidement un phénomène au sein des utilisateurs du site, mais aussi de la Ligue elle-même, qui a « adoré » le concept.
Passion canard
Si les Allemands ont aussi rapidement accroché au concept, c’est en partie grâce (ou à cause) de leur obsession pour les canards en plastique. L’Allemagne est, selon le Guiness World Record Book, le troisième pays qui possède le plus de canards en plastique par habitant, derrière le Royaume-Uni et le Canada. Quasiment tous les magasins en vendent, que ce soit les boutiques de souvenirs ou les supermarchés. Et surtout, il en existe à l’effigie de tout : des clubs de foot, mais aussi des villes ou encore des entreprises. Une passion que Moritz n’explique pas, mais qu’il assume complètement. « Je ne sais pas pourquoi, nous, les Allemands, nous aimons tant les canards en plastique. Mais je sais que mon fils adore jouer avec le canard à l’effigie de Joachim Löw dans son bain. Et ça a été toute une histoire pour lui faire comprendre que je devais emmener le canard avec moi en tournage ! » , raconte-t-il amusé. Dans le Sud de l’Allemagne, la passion pour ces petits animaux en plastique atteint son paroxysme, puisqu’au printemps, de nombreuses courses de canards en rivière sont organisées.
Il était donc assez logique que pour cette nouvelle édition, Moritz et son équipe décident de faire plonger les canards dans une rivière et non plus dans un bassin, quitte à faire appel à plus de moyens techniques. « Cette année, c’était un peu plus difficile, parce que la course avait lieu dans une rivière, dans le Bergisches Land. Il faisait super froid. Le parcours était de 80 mètres. Nous avions le même matériel que l’an passé, ainsi qu’une caméra attachée à une corde, sur 50 mètres » , explique-t-il. Un nouveau parcours qui permet, grâce à ses rapides, son dénivelé et ses virages serrés, beaucoup plus de rebondissements que la saison dernière. Un canard pouvant par exemple rester coincé dans un rocher à mi-parcours.
Des titres pour tous
C’est ce côté hasardeux qui finalement rend cette BunDucksLiga aussi hypnotisante. Car, contrairement au championnat qui se joue entre humains, on ne sait pas 9 mois à l’avance qui va finir champion. « Surtout que c’est le hasard complet, on n’a rien arrangé du tout. » Pour preuve, les deux premières éditions ont été remportées par le Hertha Berlin et le Bayer Leverkusen, deux clubs qui ne gagnent jamais rien. « L’année dernière, nous avions fait des pronostics entre nous, et il y avait une stagiaire qui était fan du Bayern. Quand nous avons filmé, elle était contente, parce que elle, comme nous tous d’ailleurs, pensait que Franz avait gagné. Mais lorsque nous avons regardé la photo finish et avons découvert que le Hertha avait enfin gagné sur le fil, c’était la folie ! » , se rappelle Moritz. En attendant l’inscription de la BunDucksLiga au palmarès officiel des clubs, certains d’entre eux se réjouissent de cette initiative de la Ligue qui leur permet de soulever le Meisterchale des canards, à défaut de soulever le vrai.
Par Ali Farhat et Sophie Serbini, à Cologne