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La brigade de Stuani
C’est quasi certain : l’Uruguay va devoir se passer des services d’Edinson Cavani pour affronter la France. Une catastrophe pour Óscar Tabárez ? Pas forcément. Puisque dans sa mallette de 23 joueurs, le sélectionneur possède un autre Matador : Cristhian Stuani. Focus sur celui que les Bleus feraient bien de surveiller.
À première vue, l’image fait chavirer les cœurs des admirateurs du fair-play. Touché au mollet droit, Edinson Cavani est épaulé par Cristiano Ronaldo pour quitter le champ de bataille du stade Ficht à Sotchi, et se fait soigner sur le bord du terrain. Sans savoir si cet acte de CR7 était réellement bienveillant à l’égard du double buteur de la soirée ou s’il fallait davantage ne pas perdre de temps car l’élimination approchait, le Portugal voit débarquer sur la pelouse Cristhian Stuani, moins souvent placé sous le feu des projecteurs. Pourtant, si El Professor Tabárez s’est décidé à le faire entrer, c’est qu’il y a une bonne raison.
« Voir Stuani suppléer Cavani ne m’inquiète pas pour l’Uruguay »
Au sein du groupe de la Celeste en Russie, quatre attaquants garnissent la sélection : Luis Suárez, Edinson Cavani, Cristhian Stuani et Maximiliano Gómez. Si le style des deux premières cartouches uruguayennes est déjà connu de tous, les deux dernières sont des cibles moins médiatiques. Derrière cela, la logique de Tabárez est simple : pour chaque attaquant titulaire, le sélectionneur souhaitait embarquer pour le Mondial 2018 avec le clone quasi parfait de son premier choix. Ainsi, Maxi Gómez, robuste buteur du Celta de Vigo, est un alliage de puissance et de vitesse doté d’une bonne frappe de balle et d’un bon jeu de tête. En clair, il correspond au mini-Suárez. De l’autre côté, Stuani possède le sens du placement, l’instinct du chasseur et apprécie particulièrement la finition en une touche. Tiens, comme Cavani.
Si Stuani est davantage un renard des surfaces qu’un neuf et demi, la France imagine faire face à un adversaire sans le gros bagage athlétique que possède Cavani. Asier del Horno, coéquipier de Stuani à Levante durant la saison 2010-2011, nuance cette affirmation. « S’il faut établir un rapport avec Cavani, peut-être qu’il ne possède pas sa vitesse et sa puissance de tir, mais sinon, c’est pareil, affirme carrément l’ancien latéral gauche de Chelsea. Son hygiène de vie est exemplaire, il souhaite offrir le maximum à son équipe. C’est typiquement le joueur que tu veux avoir avec toi sur le terrain. Il lutte, il travaille… Suárez et Cavani m’impressionnent, mais voir Stuani suppléer Cavani ne m’inquiète pas pour l’Uruguay. » Et pour cause : dans la lignée de Marcelo Salas et Edinson Cavani, Stuani était aussi connu pour être surnommé El Matador de Tala (son bled de naissance) quand il plantait des buts au FC Danubio en première division nationale.
Meilleur buteur européen de la tête en 2017-2018
Avec son air heureux de montrer ses dents du bonheur, Stuani détient la réputation du footballeur régulier dans la performance depuis son arrivée en Europe en 2008, même s’il n’a pas toujours évolué en pointe. Ses chiffres ? 22 buts en quarante matchs à Albacete, treize buts en 36 matchs au Racing Santander, dix buts en 33 matchs à Levante. Passé sous le maillot de Middlesbrough, Stuani joue un rôle prépondérant dans la remontée du club en Premier League en 2016, mais décide de quitter l’Angleterre après une saison 2016-2017 délicate dans l’élite. À 31 ans, il réalise la meilleure saison de sa carrière au FC Gérone avec 21 buts en 33 matchs, dont dix buts inscrits de la tête en 2017-2018. Une statistique loin d’être anecdotique, puisque Stuani possède le meilleur ratio dans ce registre sur les cinq grands championnats européens, à égalité avec… Maxi Gómez.
Reste encore à élucider une chose : Stuani, 42 sélections et cinq buts en équipe nationale, est-il capable de profiter d’un match capital pour prouver son talent ? « Un match pour briller, c’est toujours quelque chose de difficile à faire, confesse Del Horno. Ce qui est certain, c’est qu’il mérite de jouer ce quart de finale pour son parcours, sa volonté et son énergie. Stuani aime le contact, le combat. C’est un gars très à l’aise dans les airs. Il peut apporter du danger, surtout s’il se fait oublier dans le dos de la défense française. C’est un fin stratège, il faut le surveiller en continu. » De son côté, l’adoubement par le roi Tabárez de son chevalier s’est déjà vu dans les moments cruciaux. Titulaire au début de la campagne de qualification de la zone Amsud quand Suárez et Cavani étaient tous les deux indisponibles, Stuani avait rendu un bilan collectif très positif : aucun but marqué en deux titularisations à titre personnel, mais deux victoires sans prendre le moindre but contre la Bolivie (2-0) et la Colombie (3-0). Un vrai brigadier dans la grande forteresse.
Par Antoine Donnarieix
Propos de Del Horno recueillis par AD