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La boucle de Marcus
Seule satisfaction côté Manchester United lors du derby perdu contre City samedi, Marcus Rashford devrait logiquement être titulaire jeudi soir à Rotterdam pour la première sortie européenne de la saison de la bande à Mourinho. De quoi permettre au Portugais de retrouver de la crédibilité avec ses discours, mais aussi au jeune international anglais d'enfin prouver qu'il mérite un peu plus qu'un banc.
Tout oral se doit d’être préparé. Certains peut-être plus que d’autres. José Mourinho a longtemps rêvé de s’installer derrière ce pupitre. Ses fiches sont prêtes, son visage serré dès les premières secondes aussi. Le Portugais a l’avantage de connaître l’ensemble des têtes de son auditoire et les mots pour caresser une institution comme Manchester United. Il faut le voir parler du « plus grand club du Royaume-Uni » , d’un monstre « plus important que lui » – là où sa propension à s’élever au-dessus d’une entité lui a coûté son poste par le passé –, mais surtout de la jeunesse. Dès sa première prise de parole le 5 juillet dernier, Mourinho savait où il était attendu. Manchester United a construit l’ensemble de ses succès sur sa formation, des Busby Babes aux Fergie’s Fledglings, et Louis van Gaal a sauvé certaines parties de son mandat à Old Trafford sur ce détail.
Alors, dans son nouvel ensemble, José Mourinho dégaine : « Dire que je ne fais pas confiance aux jeunes est un mensonge. J’ai fait débuter quarante-neuf joueurs dans ma carrière. Vous voulez la liste ? Parfois, vous devez intégrer des jeunes parce que vous avez des blessés. D’autres fois, il y a des matchs avec moins d’enjeu et vous pouvez les faire débuter. Mais mon bilan en matière de blessures est très faible, et la saison passée est la seule de ma carrière où je ne jouais pas le titre. Malgré ça, j’ai fait débuter quarante-neuf joueurs. C’est beaucoup. » Quelques minutes plus tard, les petites mains de Carrington feront circuler une liste de cinquante-cinq joueurs notés comme issus d’une académie ou âgés de moins de vingt et un ans qui ont fait leurs débuts professionnels sous les ordres de Mourinho. Un document qui mélange un peu tout et qui grossit la vérité, car le Special One n’a jamais lancé chez les grands Balotelli, Zouma ou Arjen Robben. Alors, on peut ressortir Álvaro Morata ou Ruben Loftus-Cheek. C’est ce qu’on attend de lui maintenant à Manchester United. Avec en premier lieu : faire définitivement exploser Marcus Rashford, un gosse dont Zlatan Ibrahimović pense déjà qu’il va « tout emporter » .
Les chemins de la liberté
Rashford n’est pourtant qu’un gamin de dix-huit ans. Mourinho le sait, tout le monde le sait, mais c’est un vent d’espoir dans un Old Trafford qui a déjà laissé une partie de ses illusions lors d’un derby à sens unique contre Manchester City (1-2) samedi dernier. Ce jour-là, le technicien portugais a perdu dans les grandes largeurs sa bataille tactique contre Pep Guardiola. Il n’a pas hésité à casser ses joueurs, parlant de « cadres en dessous de leur niveau habituel » , d’une faculté à baisser les bras trop rapidement, mais a aussi remis en cause ses propres choix et sa volonté de jouer la contre-attaque. Manchester United a été incapable de se montrer dangereux dans la durée, notamment en première mi-temps où Silva et De Bruyne se sont amusés comme dans une cour d’école.
Lingard est passé à côté de son match et Mourinho a alors décidé de lancer Marcus Rashford dès la pause pour ce qui reste la seule véritable satisfaction de la copie rendue par les Red Devils. « Je pense que certains joueurs ont mal abordé la dimension d’une telle rencontre. Tout ce qu’il se passe autour du match – le derby, le choc, Manchester United, Manchester City, les consignes, l’attention. Ce n’est pas une question d’expérience ou d’âge. La preuve, on a eu le gamin en seconde mi-temps et on avait l’impression qu’il jouait comme si c’était une rencontre de moins de dix-huit ans contre Salford City. Lui était libéré » , expliquait Mourinho après la rencontre face à la presse.
Tout va vite avec Marcus Rashford : une première sélection chez les grands en mai dernier contre l’Australie, un premier but après trois minutes de jeu, un championnat d’Europe disputé à dix-huit piges et maintenant une place de supersub qui se dégage derrière ses courses. Si bien que l’enfant de Manchester a goûté à la sélection nationale A avant les espoirs qu’il a découvert le 6 septembre dernier contre la Norvège (6-1). Résultat ? Il a inscrit un triplé. Il y a sept mois pourtant, Rashford n’était personne. Ce n’était qu’un fruit supplémentaire sorti de la Fletcher Moss Rangers Soccer School de Ron Jamieson, une école d’où sont sortis Wes Brown, Danny Welbeck ou encore Ravel Morrison.
Puis, il y a eu ce soir de février dernier où, suite à une blessure d’Anthony Martial à l’échauffement contre Midtjylland en Ligue Europa (5-1), Louis van Gaal avait décidé de titulariser cette promesse de dix-huit ans pour la suite que l’on connaît. Il y a eu ce doublé contre Arsenal (3-2), ce but vainqueur à l’Etihad Stadium et une merveille à Boleyn Ground en avril. Ou comment passer en quelques mois de l’anonymat à l’espoir de l’un des clubs les plus populaires du monde.
Started from the bottom now we’re here
Lors de sa prise de fonctions à la tête de l’académie de Manchester United le 16 février, Nicky Butt avait expliqué vouloir que « la formation continue à être le cœur du club. Donner leur chance aux jeunes fait partie de notre philosophie, cela fait partie de l’ADN du club. » Des mots repris comme un refrain par le vice-président du club, Ed Woodward. Depuis, Ryan Giggs a pris la porte et United a viré cet été certains produits maison comme James Wilson ou Will Keane, transféré à Hull City dans les dernières heures du mercato.
Les critiques envers Mourinho sont donc légitimes quant à son manque de confiance envers la jeunesse dans un club qui change progressivement de nature. Reste que la défaite contre City à Old Trafford a bousculé certaines lignes et que Rashford devrait débuter jeudi soir lors du premier déplacement européen de la saison de Manchester United à Rotterdam contre le Feyenoord. Mourinho a exposé cette semaine qu’il croyait « complètement en lui. Je sais que son futur sera absolument brillant. » L’heure est donc venue de boucler son premier cycle européen comme il l’avait commencé.
Par Maxime Brigand